Conclusiones del Abogado General Sr. M. Campos Sánchez-Bordona, presentadas el 11 de noviembre de 2021.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2021:918
Celex Number62020CC0559
Date11 November 2021
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 11 novembre 2021 (1)

Affaire C559/20

Koch Media GmbH

contre

FU

[demande de décision préjudicielle formée par le Landgericht Saarbrücken (tribunal régional de Sarrebruck, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Propriété intellectuelle – Directive 2004/48 – Article 14 – Frais de justice et autres frais – Honoraires d’avocat pour l’envoi d’une mise en demeure extrajudiciaire – Disposition prévoyant une limitation des honoraires récupérables en cas d’infraction commise par une personne physique en dehors de toute activité professionnelle ou commerciale – Valeur en litige non équitable dans les circonstances particulières du cas d’espèce – Article 13 – Dommages-intérêts – Absence de pertinence »






1. Une société établie en Allemagne, titulaire de droits de propriété intellectuelle sur un jeu d’ordinateur, a chargé un avocat d’ordonner, au moyen d’une mise en demeure extrajudiciaire, à une personne qui avait violé ces droits de cesser ses agissements, ce que cette dernière a accepté.

2. Le droit allemand prévoit que, en principe, le contrevenant doit payer les honoraires dus pour l’intervention de l’avocat dans le cadre de la défense du titulaire des droits de propriété intellectuelle. Il permet toutefois d’en limiter le montant lorsque l’infraction a été commise par une personne physique en dehors de toute activité professionnelle ou commerciale.

3. Dans la présente affaire, cette personne estime que le montant des honoraires dont le remboursement lui est réclamé (984,60 euros) est excessif et refuse de les payer. Son opposition a donné lieu à un litige dans le cadre duquel la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance :

– si les frais correspondant aux honoraires d’avocat au titre de la mise en demeure extrajudiciaire entrent dans le champ d’application de la directive 2004/48 (2);

– dans l’affirmative, s’ils peuvent relever de l’article 14 (« frais de justice » ou « autres frais ») ou de l’article 13 (« dommages-intérêts ») de la directive 2004/48 ;

– si la règle nationale imposant un plafonnement des honoraires, à moins que des raisons d’équité justifient la non‑application de cette limite, est conforme à la directive 2004/48 ainsi qu’aux directives 2001/29 (3) et 2009/24 (4) et quels facteurs pourraient avoir une incidence sur la détermination du montant desdits honoraires.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive 2004/48

4. L’article 1er (« Objet ») de la directive 2004/48 prévoit :

« La présente directive concerne les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle. Aux fins de la présente directive, l’expression “droits de propriété intellectuelle” inclut les droits de propriété industrielle ».

5. L’article 2 (« Champ d’application ») de la directive 2004/48 dispose :

« 1. Sans préjudice des moyens prévus ou pouvant être prévus dans la législation communautaire ou nationale, pour autant que ces moyens soient plus favorables aux titulaires de droits, les mesures, procédures et réparations s’appliquent, conformément à l’article 3, à toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle prévue par la législation communautaire et/ou la législation nationale de l’État membre concerné.

[...] »

6. L’article 3 (« Obligation générale ») de la directive 2004/48 énonce :

« 1. Les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle visés par la présente directive. Ces mesures, procédures et réparations doivent être loyales et équitables, ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ni entraîner de retards injustifiés.

2. Les mesures, procédures et réparations doivent également être effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d’obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif. »

7. Aux termes de l’article 13 (« Dommages-intérêts ») de la directive 2004/48 :

« 1. Les États membres veillent à ce que, à la demande de la partie lésée, les autorités judiciaires compétentes ordonnent au contrevenant qui s’est livré à une activité contrefaisante en le sachant ou en ayant des motifs raisonnables de le savoir de verser au titulaire du droit des dommages-intérêts adaptés au préjudice que celui-ci a réellement subi du fait de l’atteinte.

Lorsqu’elles fixent les dommages-intérêts, les autorités judiciaires :

a) prennent en considération tous les aspects appropriés tels que les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans des cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, comme le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte, ou

b) à titre d’alternative, peuvent décider, dans des cas appropriés, de fixer un montant forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base d’éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question.

2. Lorsque le contrevenant s’est livré à une activité contrefaisante sans le savoir ou sans avoir de motifs raisonnables de le savoir, les États membres peuvent prévoir que les autorités judiciaires pourront ordonner le recouvrement des bénéfices ou le paiement de dommages-intérêts susceptibles d’être préétablis. »

8. Conformément à l’article 14 (« Frais de justice ») de la directive 2004/48 :

« Les États membres veillent à ce que les frais de justice raisonnables et proportionnés et les autres frais exposés par la partie ayant obtenu gain de cause soient, en règle générale, supportés par la partie qui succombe, à moins que l’équité ne le permette pas. »

2. La directive 2001/29

9. L’article 8 (« Sanctions et voies de recours ») de la directive 2001/29 énonce :

« 1. Les États membres prévoient des sanctions et des voies de recours appropriées contre les atteintes aux droits et obligations prévus par la présente directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour en garantir l’application. Ces sanctions sont efficaces, proportionnées et dissuasives.

2. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour faire en sorte que les titulaires de droits dont les intérêts sont lésés par une infraction commise sur son territoire puissent intenter une action en dommages-intérêts et/ou demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue ainsi que, le cas échéant, demander la saisie du matériel concerné par l’infraction ainsi que des dispositifs, produits ou composants visés à l’article 6, paragraphe 2.

3. Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin. »

3. La directive 2009/24

10. L’article 7 (« Mesures spéciales de protection ») de la directive 2009/24 dispose :

« 1. Sans préjudice des articles 4, 5 et 6, les États membres prennent, conformément à leurs législations nationales, des mesures appropriées à l’encontre des personnes qui accomplissent l’un des actes suivants :

a) mettre en circulation une copie d’un programme d’ordinateur en sachant qu’elle est illicite ou en ayant des raisons de le croire ;

b) détenir à des fins commerciales une copie d’un programme d’ordinateur en sachant qu’elle est illicite ou en ayant des raisons de le croire ;

c) mettre en circulation ou détenir à des fins commerciales tout moyen ayant pour seul but de faciliter la suppression non autorisée ou la neutralisation de tout dispositif technique éventuellement mis en place pour protéger un programme d’ordinateur.

2. Toute copie illicite d’un programme d’ordinateur est susceptible de saisie conformément à la législation de l’État membre concerné.

3. Les États membres peuvent prévoir la saisie des moyens visés au paragraphe 1, point c). »

B. Le droit allemand – La loi sur le droit d’auteur et les droits voisins

11. L’article 97 du Gesetz über Urheberrecht und verwandte Schutzrechte – Urheberrechtsgesetz (ci-après l’« UrhG ») (5) prévoit que toute personne portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle ou à un autre droit protégé par l’UrhG peut être mise en demeure, par la victime de l’infraction, de cesser celle-ci.

12. L’article 97a de l’UrhG, dans sa version applicable au litige au principal, dispose :

« 1) Avant d’engager une procédure judiciaire, la personne lésée doit (6) adresser au contrevenant une mise en demeure invitant ce dernier à cesser les agissements concernés et doit donner au contrevenant la possibilité de régler le litige en prenant l’engagement de s’abstenir de ces agissements, assorti d’une clause pénale appropriée.

2) La mise en demeure doit, de manière claire et compréhensible :

1. indiquer le nom ou la dénomination sociale de la personne lésée si ce n’est pas la personne lésée elle-même mais un représentant qui délivre la mise en demeure,

2. décrire exactement l’atteinte portée à un droit,

3. présenter un calcul détaillé des demandes de paiement, selon qu’il s’agit de dommages-intérêts ou du remboursement de frais, et

4. si elle exige un engagement de s’abstenir de certains agissements, indiquer dans quelle mesure l’engagement proposé va au-delà de l’atteinte qui fait l’objet de la mise en demeure.

Une mise en demeure non conforme à la première phrase est sans effet.

3) Dans la mesure où la mise en demeure est justifiée et conforme au paragraphe 2, première phrase, points 1 à 4, le remboursement des frais nécessaires peut être exigé. S’agissant de l’utilisation des services d’un avocat, le remboursement des frais nécessaires est limité, en ce qui concerne les honoraires...

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