Opinion of Advocate General Medina delivered on 9 November 2023.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2023:854
Date09 November 2023
Celex Number62021CC0794
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME Laila MEDINA

présentées le 9 novembre 2023 (1)

Affaires jointes C794/21 P et C800/21 P

République fédérale d’Allemagne

contre

Infineon Technologies Dresden GmbH & Co. KG,

Infineon Technologies AG,

Commission européenne (C794/21 P)

et

Infineon Technologies AG,

Infineon Technologies Dresden GmbH & Co. KG

contre

Commission européenne (C800/21 P)

« Pourvoi – Aides d’État – République fédérale d’Allemagne – Régime d’aides d’État en faveur de certains grands consommateurs d’électricité – Exonération des redevances de réseau en 2012 et 2013 – Décision déclarant le régime d’aides incompatible avec le marché intérieur et illégal et ordonnant la récupération des aides versées – Recours en annulation – Délai de recours – Recevabilité – Notion d’“aide” – Ressources d’État – Taxe parafiscale ou autres taxes obligatoires – Contrôle étatique sur les fonds »






1. Les présentes conclusions sont prononcées dans les affaires jointes C‑794/21 P et C‑800/21 P. Elles doivent être lues conjointement avec mes trois autres conclusions relatives à des pourvois parallèles (2), présentées ce jour également, qui concernent toutes le même régime d’aides d’État. Par leur pourvoi dans l’affaire C‑794/21 P, Infineon Technologies Dresden GmbH & Co. KG et Infineon Technologies AG (ci-après, ensemble, les « sociétés Infineon »), des fabricants de semi‑conducteurs, demandent l’annulation de l’arrêt du 6 octobre 2021, Infineon Technologies Dresden et Infineon Technologies/Commission (T‑233/19 et T‑234/19, EU:T:2021:647, ci-après l’« arrêt attaqué »). Cet arrêt a rejeté leur recours tendant à l’annulation de la décision de la Commission européenne du 28 mai 2018 relative au régime d’aides mis à exécution par l’Allemagne en faveur des consommateurs de charge en continu au sens de l’article 19 du règlement StromNEV (3) pour les années 2012 et 2013 (ci-après la « décision litigieuse »). Par son pourvoi dans l’affaire C‑800/21 P, la République fédérale d’Allemagne (par souci de simplicité, la République fédérale d’Allemagne sera dénommée ci-après l’« Allemagne ») demande l’annulation de l’arrêt attaqué. La Commission a formé un pourvoi incident dans les deux affaires susmentionnées, par lequel elle demande également l’annulation de l’arrêt attaqué.

I. Les antécédents du litige

2. Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 22 de l’arrêt attaqué. Étant donné que le contexte est identique à celui que j’ai résumé dans les conclusions parallèles dans les affaires jointes C‑790/21 P et C‑791/21 P (ci-après les « conclusions parallèles »), il suffit de renvoyer aux points 3 à 14 des conclusions parallèles ; les conclusions dans ces affaires parallèles doivent être lues conjointement.

II. Analyse juridique

3. Dans ses deux pourvois incidents identiques dans les affaires C‑794/21 P et C‑800/21 P, la Commission soulève deux moyens. Les deux moyens des pourvois incidents sont, en substance, identiques aux deux premiers moyens soulevés dans les pourvois incidents dans les affaires C‑790/21 P et C‑791/21 P. Dans l’affaire C‑794/21 P, l’Allemagne soulève un moyen unique. Dans l’affaire C‑800/21 P, les sociétés Infineon invoquent deux moyens. Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions ne porteront toutefois que sur le premier moyen des pourvois incidents de la Commission (recevabilité d’un recours en annulation) et sur le moyen unique de l’Allemagne, qui fait écho aux premier et deuxième moyens des sociétés Infineon, pour autant que ces derniers concernent la condition relative à l’existence d’une intervention au moyen de « ressources d’État ».

A. Sur le premier moyen des pourvois incidents de la Commission : recevabilité d’un recours en annulation

1. Principaux arguments des parties

4. La Commission soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 36 à 43 de l’arrêt attaqué en retenant une interprétation large de la notion de « publication » au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE. En premier lieu, selon la Commission, l’interprétation du Tribunal est contraire à la jurisprudence de la Cour, dans laquelle cette dernière a établi un parallélisme entre l’article 263, sixième alinéa, TFUE et l’article 297 TFUE. Selon la Commission, il ressort de cette jurisprudence que la publication ne constitue le point de départ du délai de recours que si elle conditionne l’entrée en vigueur de l’acte en cause et si elle est prévue par le traité lui-même. En deuxième lieu, s’agissant plus particulièrement de la publication au Journal officiel de l’Union européenne (ci-après le « Journal officiel ») d’une décision de la Commission clôturant une procédure formelle d’examen, celle-ci n’est pas une « publication » au sens de l’article 297, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE. Cette publication ne constitue donc pas le point de départ du délai de recours. En troisième lieu, la Commission avance une série d’arguments qui, selon elle, étayent son interprétation de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, tels que l’économie de cette disposition, le principe de l’égalité des armes ou le caractère impératif des délais de recours.

5. L’Allemagne et les sociétés Infineon soutiennent, en substance, que l’interprétation faite par le Tribunal de la notion de « publication », au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, n’est entachée d’aucune erreur de droit.

2. Appréciation

6. Étant donné que les présents pourvois incidents sont identiques, mot pour mot, à ceux que j’ai déjà examinés dans les conclusions parallèles, je me bornerai à faire référence à ces conclusions. En effet, les conclusions doivent être lues conjointement.

7. La Commission fait valoir que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé dans l’arrêt attaqué, c’est la date de prise de connaissance de la décision litigieuse par le bénéficiaire de l’aide d’État qui doit être retenue aux fins du calcul du délai d’introduction d’un recours en annulation, et non celle de sa publication au Journal officiel. La Commission estime donc que le Tribunal aurait dû déclarer le recours des sociétés Infineon irrecevable car tardif.

8. Comme je l’explique aux points 20 à 30 des conclusions parallèles, je propose de rejeter l’interprétation de la Commission, celle‑ci n’étant corroborée ni par le libellé de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, ni par la jurisprudence de la Cour, ni par la finalité de cette disposition.

9. En outre, comme il a été souligné au point 31 des conclusions parallèles, l’interprétation préconisée par la Commission aurait pour effet de limiter la protection juridictionnelle effective du bénéficiaire de l’aide.

10. Enfin, aux points 32 à 35 des conclusions parallèles, j’explique que l’argument de la Commission selon lequel, en l’espèce, les sociétés Infineon, qui ont reçu la décision litigieuse dans le cadre de la procédure nationale de récupération des aides, ont introduit leur recours en annulation avant la publication de la décision litigieuse au Journal officiel ne modifie en rien ma conclusion.

11. Il s’ensuit selon moi que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission en première instance devait être écartée et que les pourvois incidents de la Commission doivent être rejetés comme non fondés.

B. Moyen unique soulevé par l’Allemagne ainsi que premier et deuxième moyens des sociétés Infineon : violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qui concerne les ressources d’État

12. Les pourvois formés par l’Allemagne (affaires C‑791/21 P et C‑794/21 P) sont identiques. En outre, une grande partie des arguments invoqués dans le cadre du pourvoi formé par Covestro (affaire C‑790/21 P) sont similaires à ceux qui ont été soulevés par les sociétés Infineon dans le cadre du présent pourvoi (affaire C‑800/21 P). Par conséquent, les conclusions dans ces affaires parallèles doivent être lues conjointement.

13. Le moyen unique invoqué par l’Allemagne à l’appui de son pourvoi (affaire C‑794/21 P) repose sur trois arguments : i) le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l’existence d’une charge obligatoire pour les consommateurs ou clients finals et le contrôle étatique sur les fonds ou sur les gestionnaires de ces fonds étaient des critères alternatifs ; ii) le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’une « charge obligatoire pesant sur les consommateurs ou clients finals », que la relation entre le fournisseur d’électricité et les consommateurs finals d’électricité était dénuée de pertinence ainsi qu’en tenant compte de l’obligation de prélèvement et non de l’obligation légale de paiement des redevances de réseau ; et iii) le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l’utilisation exclusive des redevances de réseau perçues n’excluait pas que l’État puisse disposer de ces fonds.

14. Le premier moyen des sociétés Infineon (affaire C‑800/21 P) est divisé en quatre branches : i) l’existence d’une aide d’État nécessite que son financement « coûte de l’argent à l’État » ; ii) il n’existe des ressources d’État qu’en cas de lien suffisamment direct avec le budget de l’État ; iii) le Tribunal a méconnu la jurisprudence de la Cour à cet égard ; et iv) le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la surtaxe litigieuse constituait une ressource d’État, alors qu’il s’agissait en réalité de ressources privées. Le second moyen est tiré de ce que le Tribunal aurait dénaturé les faits en méconnaissant le sens et la portée du droit national. Les sociétés Infineon font valoir que, contrairement à ce que le Tribunal affirme : i) la BNetzA n’a pas fixé le montant de la surtaxe litigieuse ; ii) la BNetzA n’a pas imposé aux gestionnaires de réseau une méthode détaillée pour le calcul de cette surtaxe ; iii) les pertes de recettes des gestionnaires de réseau résultant des exonérations des redevances de réseau n’étaient pas...

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