conclusions de l’avocat général Kokott dans les affaires jointes Rust-Hackner e.a.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:594
Date11 July 2019
CourtCourt of Justice (European Union)
Celex Number62018CC0355

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 11 juillet 2019 (1)

Affaires jointes C355/18 à C357/18 et C479/18

Barbara Rust-Hackner (C‑355/18)

Christian Gmoser (C‑356/18)

Bettina Plackner (C‑357/18)

contre

Nürnberger Versicherung Aktiengesellschaft Österreich

[demande de décision préjudicielle formée par le Landesgericht Salzburg (Autriche)]

et

KL,

LK,

MJ,

NI

contre

UNIQA Österreich Versicherungen,

Allianz Elementar Lebensversicherungs-Aktiengesellschaft,

DONAU Versicherung AG Vienna Insurance Group (C‑479/18)

[demande de décision préjudicielle formée par le Bezirksgericht für Handelssachen Wien (Autriche)]

« Demande de décision préjudicielle – Assurance directe sur la vie – Directives 90/619/CEE, 92/96/CEE, 2002/83/CE et 2009/138/CE – Droit de renonciation – Absence d’information ou information erronée concernant les conditions de l’exercice de ce droit – Extinction du droit de renonciation – Effets juridiques de la renonciation »






I. Introduction

1. Dans quelles circonstances et pendant combien de temps un assuré peut-il renoncer à un contrat d’assurance vie en invoquant une absence d’information ou une information inexacte concernant le droit de renonciation ?

2. D’après les dispositions pertinentes des directives sur l’assurance, l’assuré a le droit de renoncer à un contrat d’assurance vie dans un court délai après la conclusion du contrat. Lors de la phase précontractuelle, l’assureur doit veiller à fournir une information suffisante concernant ce droit.

3. Dans les présentes affaires, qui ont pour origine quatre demandes de décision préjudicielle de deux juridictions autrichiennes, la Cour doit déterminer en substance dans quels cas une information incorrecte doit être assimilée à une absence d’information, en ce qu’elle ne permet pas d’atteindre l’objectif qu’elle poursuit. Dans de tels cas, il est en outre demandé à la Cour de préciser combien de temps l’assuré peut conserver son droit de renonciation. Enfin, dans le cas où une renonciation tardive exceptionnelle serait permise, ou même requise, par le droit de l’Union, il lui est demandé quelles sont les prescriptions du droit de l’Union applicables à l’aménagement des effets juridiques attachés à une déclaration de renonciation.

II. Le cadre légal

A. droit de l’Union

4. Comme les contrats d’assurance vie litigieux dans les procédures au principal ont été conclus à des moments différents, il y a lieu d’appliquer et d’interpréter des dispositions de différentes directives : alors qu’il convient d’examiner les questions préjudicielles des affaires C‑355/18, C‑356/18 et C‑357/18 ainsi que la deuxième question préjudicielle de l’affaire C‑479/18 à la lumière des deuxième (2) et troisième (3) directives sur l’assurance vie (4), pour les autres questions préjudicielles de l’affaire C‑479/18, les directives ultérieures, 2002/83 (5) et 2009/138 (6), sont également déterminantes. Toutefois, étant donné que les dispositions des directives à interpréter sont identiques sur le fond, aucune différence ne s’ensuit.

5. L’article 15, paragraphe 1, de la deuxième directive assurance vie prévoyait :

« Chaque État membre prescrit que le preneur d’un contrat d’assurance vie individuelle dispose d’un délai compris entre quatorze et trente jours à compter du moment à partir duquel le preneur est informé que le contrat est conclu pour renoncer aux effets de ce contrat.

La notification par le preneur de sa renonciation au contrat a pour effet de le libérer pour l’avenir de toute obligation découlant de ce contrat.

Les autres effets juridiques et les conditions de la renonciation sont réglés conformément à la loi applicable au contrat, […] notamment en ce qui concerne les modalités selon lesquelles le preneur est informé que le contrat est conclu ».

L’article 35, paragraphe 1, de la directive 2002/83 et l’article 186, paragraphe 1, de la directive solvabilité II ont un libellé quasiment identique à celui de cette disposition.

6. L’article 31, paragraphes 1 et 4 de la troisième directive assurance vie disposait :

« 1. Avant la conclusion du contrat d’assurance, au moins les informations énumérées à l’annexe II point A doivent être communiquées au preneur.

[…]

4. Les modalités d’application du présent article et de l’annexe II sont arrêtées par l’État membre de l’engagement ».

L’article 36, paragraphe 1, de la directive 2002/83 et l’article 185 de la directive solvabilité II comportent des dispositions identiques.

7. L’annexe II (« Information des preneurs ») de la troisième directive assurance vie comportait sous A. une liste d’informations à communiquer au preneur avant la conclusion de contrat (7). Conformément à la deuxième phrase de l’annexe, les informations à communiquer devaient « être formulées de manière claire et précise, par écrit, et être fournies dans une langue officielle de l’État membre de l’engagement » (8). D’après le point a.13, ces informations comprenaient les « [m]odalités d’exercice du droit de renonciation » (9).

B. Le droit national

8. L’article 165a du Versicherungsvertragsgesetz (loi autrichienne relative au contrat d’assurance (ci‑après le « VersVG ») dans la version applicable dans les affaires C‑356/18 et C‑357/18, ainsi que dans les affaires au principal A et B de l’affaire C‑479/18 (10) était libellé comme suit :

« (1) Le preneur a le droit de renoncer aux effets du contrat au cours d’un délai de deux semaines à compter de la conclusion du contrat. Si l’assureur a fourni une couverture provisoire, il a le droit au paiement de la prime au prorata de la durée de couverture.

(2) Si l’assureur ne s’est pas conformé à l’obligation de communication de son adresse (article 9a, paragraphe 1, point 1, du Versicherungsaufsichtsgesetz , VAG, loi autrichienne sur la gestion et la surveillance de l’assurance privée), le délai de renonciation au sens du paragraphe 1 ne commence pas à courir avant que cette adresse soit connue du preneur.

(3) Les paragraphes qui précèdent ne s’appliquent pas aux contrats de groupe d’assurance ni aux contrats d’une durée maximale de six mois ».

9. La version de l’article 165a du VersVG applicable à l’affaire au principal dans l’affaire C‑355/18, ainsi qu’à l’affaire au principal C de l’affaire C‑479/18 (11) a prolongé à 30 jours le délai visé au paragraphe 1. La version de l’article 165a du VersVG pertinente pour l’affaire au principal D de l’affaire C‑479/18 comporte l’ajout d’un paragraphe 2a (12) qui est libellé comme suit :

« (2a) Si le preneur est un consommateur (article 1er, paragraphe 1, point 2, du Konsumentenschutzgesetz, KSchG, loi autrichienne sur la protection des consommateurs), le délai de renonciation visé aux paragraphes 1 et 2 ne commence à courir qu’à compter de la date à laquelle le preneur a été informé de ce droit de renonciation ».

10. Les extraits pertinents de l’article 9a, paragraphe 1, du VAG, dans les versions applicables aux affaires au principal (BGBl. I nº 447/1996 et BGBl. I nº 34/2015) étaient libellés comme suit :

« (1) Lors de la conclusion d’un contrat d’assurance relativement à un risque situé sur le territoire national, le preneur doit recevoir par écrit, avant qu’il ne déclare sa volonté de contracter, des informations concernant

[…]

6. les circonstances dans lesquelles le preneur peut révoquer le contrat d’assurance ou renoncer à ses effets ».

III. Les faits et les procédures au principal

11. Les affaires au principal ont toutes pour objet des demandes de remboursement de la totalité des primes d’assurance versées y compris les intérêts capitalisés, que font valoir des personnes physiques, en tant que preneurs d’assurance contre les différents assureurs vie. Ces demandes sont fondées sur des déclarations de renonciation que les preneurs ont effectuées longtemps après la conclusion du contrat, parfois même après la résilation du contrat (« renonciation tardive »).

12. À l’appui de leurs demandes, les requérants des affaires au principal font valoir en substance que les assureurs respectifs ne les auraient pas du tout informés (affaire au principal B de l’affaire C‑479/18) ou en tout cas qu’ils les auraient informés de manière inexacte au sujet de leur droit de renonciation. L’information serait erronée, car les assureurs requerraient que la déclaration de renonciation soit formulée par écrit pour être valide, alors que, conformément au droit national, une déclaration sans forme particulière suffirait. Ainsi, les preneurs d’assurance auraient été empêchés d’exercer leur droit de renonciation garanti par le droit de l’Union, si bien que le délai de déclaration de la renonciation n’aurait pas commencé à courir.

13. Dans les affaires au principal, le litige entre les requérants, des preneurs d’assurance, et les défendeurs, des assureurs, porte sur le point de savoir si, au moment où il a été exercé, le droit de renonciation était déjà éteint. Il porte également sur le point de savoir si les droits des preneurs à un remboursement sont limités à la valeur de rachat au jour de la résiliation du contrat, ou s’il convient de restituer tous les versements effectués conformément aux règles applicables en matière d’enrichissement sans cause.

14. Dans les affaires C‑355/18 à C‑357/18, les assurés font valoir en substance à l’appui de leurs prétentions qu’ils avaient un droit de renonciation tardive, car ils auraient été informés de manière inexacte au sujet de la forme de la déclaration de renonciation. Après que la juridiction de première instance a fait droit à leurs demandes, la juridiction de renvoi, le Landesgericht Salzburg (tribunal régional de Salzburg, Autriche), en tant que juridiction d’appel, considère qu’il est nécessaire que la Cour interprète les dispositions pertinentes des directives sur l’assurance, car il s’interroge sur le point de savoir dans quelle mesure une information doit être considérée comme « erronée », lorsqu’elle n’a pas eu pour effet d’induire en erreur le preneur quant à l’existence de...

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