I. L. v Politsei- ja Piirivalveamet.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2022:753
Date06 October 2022
Docket NumberC-241/21
Celex Number62021CJ0241
CourtCourt of Justice (European Union)

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

6 octobre 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Directive 2008/115/CE – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Article 15, paragraphe 1 – Placement en rétention – Motifs de rétention – Critère général tiré du risque que l’exécution effective de l’éloignement soit compromise – Risque de commission d’une infraction pénale – Conséquences de l’établissement de l’infraction et du prononcé d’une sanction – Complication du processus d’éloignement – Article 6 de la de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Limitation du droit fondamental à la liberté – Exigence d’une base légale – Exigences de clarté, de prévisibilité et d’accessibilité – Protection contre l’arbitraire »

Dans l’affaire C‑241/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Riigikohus (Cour suprême, Estonie), par décision du 30 mars 2021, parvenue à la Cour le 14 avril 2021, dans la procédure

I. L.

contre

Politsei- ja Piirivalveamet,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal (rapporteure), présidente de chambre, MM. J. Passer, F. Biltgen, N. Wahl et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 mars 2022,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement estonien, par Mmes N. Grünberg et M. Kriisa, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement espagnol, par M. A. Ballesteros Panizo et Mme M. J. Ruiz Sánchez, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mmes C. Cattabriga, L. Grønfeldt et E. Randvere, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 juin 2022,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant I. L., un ressortissant moldave résidant en Estonie et ayant fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire, au Politsei- ja Piirivalveamet (Office de la police et des gardes‑frontières, Estonie) (ci-après le « PPA »), au sujet d’une décision par laquelle le PPA a ordonné le placement en rétention de I. L. au motif que celui-ci présentait un risque réel de commettre une infraction pénale dont l’établissement et la sanction auraient été susceptibles de compliquer considérablement le processus d’éloignement.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les considérants 16 et 17 de la directive 2008/115 énoncent :

« (16) Le recours à la rétention aux fins d’éloignement devrait être limité et subordonné au respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. La rétention n’est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l’éloignement et si l’application de mesures moins coercitives ne suffirait pas.

(17) Les ressortissants de pays tiers placés en rétention devraient être traités humainement et dignement dans le respect de leurs droits fondamentaux et conformément aux dispositions du droit national et du droit international. Sans préjudice de l’arrestation initiale opérée par les autorités chargées de l’application de la loi, régie par la législation nationale, la rétention devrait s’effectuer en règle générale dans des centres de rétention spécialisés. »

4 L’article 3, point 7, de cette directive définit le « risque de fuite » comme étant « le fait qu’il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet de procédures de retour peut prendre la fuite ».

5 L’article 15, paragraphe 1, de ladite directive dispose :

« À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque :

a) il existe un risque de fuite, ou

b) le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

Toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. »

Le droit estonien

6 L’article 68 de la väljasõidukohustuse ja sissesõidukeelu seadus (loi relative à l’obligation de quitter le territoire et à l’interdiction d’entrée sur le territoire), du 21 octobre 1998 (RT I 1998, 98, 1575), dans sa version applicable au litige au principal (ci‑après la « VSS »), intitulé « Risque de fuite de l’étranger », est ainsi libellé :

« L’adoption d’un ordre de quitter le territoire ou le placement en rétention d’un étranger donnent lieu à une évaluation de son risque de fuite. Un étranger présente un risque de fuite lorsque :

1) il n’a pas quitté l’Estonie ou un État membre de la convention de Schengen après l’expiration du délai de départ volontaire fixé par l’ordre de quitter le territoire ;

2) il a fourni des informations fausses ou des documents falsifiés lors de la demande de séjour légal en Estonie, de la demande de prolongation de ce séjour, de la demande de nationalité estonienne, de la demande de protection internationale ou de la demande de documents d’identité ;

3) il existe un doute légitime quant à son identité ou à sa nationalité ;

4) il a commis à plusieurs reprises des infractions intentionnelles ou a commis une infraction pénale pour lesquelles il a été condamné à une peine privative de liberté ;

5) il n’a pas respecté les mesures de surveillance prises à son égard afin d’assurer le respect de l’ordre de quitter le territoire ;

6) il a informé le [PPA] ou la Kaitsepolitseiamet (Agence de la sécurité intérieure, Estonie) de son intention de ne pas se conformer à l’ordre de quitter le territoire, ou l’autorité administrative parvient à cette conclusion au vu de l’attitude et du comportement de l’étranger ;

7) il est entré en Estonie pendant la période de validité de l’interdiction d’entrée dont il fait l’objet ;

8) il est placé en rétention en raison du franchissement illégal de la frontière extérieure de l’Estonie et n’a pas obtenu l’autorisation ou le droit de séjourner en Estonie ;

9) il a quitté sans autorisation le lieu de résidence désigné ou un autre État membre de la convention de Schengen ;

10) l’ordre de quitter le territoire délivré à l’étranger devient exécutoire en vertu d’une décision de justice. »

7 L’article 15 de la VSS, intitulé « Rétention de l’étranger et dispositif d’éloignement », prévoit :

« (1) L’étranger peut être placé en rétention au titre du paragraphe 2 ci‑dessous lorsque les mesures de surveillance prévues par la présente loi ne peuvent être efficacement appliquées. Le placement en rétention doit être conforme au principe de proportionnalité et doit tenir compte, dans chaque cas, des éléments pertinents relatifs à l’étranger.

(2) L’étranger peut être placé en rétention lorsque l’application des mesures de surveillance prévues par la présente loi ne garantit pas l’exécution effective de l’ordre de quitter le territoire et, en particulier, lorsque :

1) il existe un risque de fuite de l’étranger ;

2) l’étranger ne remplit pas son devoir de coopération ; ou

3) l’étranger n’est pas en possession des documents nécessaires pour le voyage retour ou que ces documents tardent à...

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