Commission of the European Communities v Portuguese Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:224
Date04 April 2006
Docket NumberC-61/05
Celex Number62005CC0053
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME E. SHARPSTON

présentées le 4 avril 2006 (1)

Affaires C-53/05 et C-61/05

Commission des Communautés européennes

contre

République portugaise






1. Par les deux recours qu’elle a introduits contre la République portugaise en application de l’article 226 CE, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater (2) que la République portugaise n’a pas correctement mis en œuvre les dispositions combinées des articles 2, 4 et 5 (lus en combinaison avec l’article 1er) de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (3) (ci‑après la «directive»).

La directive

2. La directive a été adoptée sur le fondement, notamment, de l’article 95 CE. Elle vise à éliminer les différences existant dans la protection juridique accordée par les États membres aux œuvres couvertes par le droit d’auteur et aux objets protégés par des droits voisins (4) en matière de location et de prêt (5). Elle se limite volontairement à établir que les États membres prévoient des droits de location et de prêt pour certains groupes de titulaires et à établir les droits de fixation (6), de reproduction, de distribution, de radiodiffusion et de communication au public pour certains groupes de titulaires dans le domaine de la protection des droits voisins (7). Le chapitre I de la directive, sur lequel porte le présent recours, établit des droits de location et de prêt conformément au premier de ces objectifs.

3. Dans le préambule de la directive figurent les considérants suivants:

[Considérant]

«[1] que la protection juridique que la législation et les usages des États membres assurent aux œuvres couvertes par le droit d’auteur et aux objets protégés par des droits voisins diffère en matière de location et de prêt et que ces différences sont de nature à créer des entraves aux échanges, à provoquer des distorsions de concurrence et à nuire à la réalisation et au bon fonctionnement du marché intérieur;

[2] que ces différences en matière de protection juridique risquent de se creuser à mesure que les États membres adoptent des dispositions législatives nouvelles et différentes ou parce que les jurisprudences nationales interprétant ces dispositions évolueront différemment;

[3] qu’il y a lieu d’éliminer ces différences, conformément à l’objectif énoncé à l’article 8 A du traité, qui est d’instaurer un espace sans frontières intérieures, de façon à établir, conformément à l’article 3 point f) du traité, un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché commun;

[4] que la location et le prêt d’œuvres, couvertes par le droit d’auteur, et d’objets protégés par des droits voisins revêtent une importance croissante, en particulier pour les auteurs, les artistes et les producteurs de phonogrammes et de films, [ …];

[…]

[7] que la continuité du travail créateur et artistique des auteurs, artistes interprètes ou exécutants exige que ceux-ci perçoivent un revenu approprié et que les investissements, en particulier ceux qu’exige la production de phonogrammes et de films, sont extrêmement élevés et aléatoires; que seule une protection juridique appropriée des titulaires de droits concernés permet de garantir efficacement la possibilité de percevoir ce revenu et d’amortir ces investissements;

[…]

[15] qu’il est nécessaire d’introduire un régime qui assure une rémunération équitable, à laquelle il ne peut être renoncé, aux auteurs et aux artistes interprètes ou exécutants […];

[…]

[17] que cette rémunération équitable doit tenir compte de l’importance de la contribution apportée au phonogramme et au film par les auteurs et les artistes interprètes ou exécutants concernés;

[18] qu’il est nécessaire aussi de protéger au moins les droits des auteurs à l’égard du prêt public en prévoyant un régime spécial […]».

4. L’article 1er, paragraphe 1, dispose que les États membres prévoient le droit d’autoriser ou d’interdire la location et le prêt d’originaux et de copies d’œuvres protégées par le droit d’auteur.

5. L’article 1er, paragraphe 2, définit la «location» d’objets comme «leur mise à disposition pour l’usage, pour un temps limité et pour un avantage économique ou commercial direct ou indirect». L’article 1er, paragraphe 3, définit le «prêt» d’objets comme «leur mise à disposition pour l’usage, pour un temps limité et non pour un avantage économique ou commercial direct ou indirect, lorsqu’elle est effectuée par des établissements accessibles au public».

6. L’article 2, paragraphe 1, dispose que:

«Le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la location et le prêt appartient:

– à l’auteur, en ce qui concerne l’original et les copies de son œuvre,

– à l’artiste interprète ou exécutant, en ce qui concerne les fixations de son exécution,

– au producteur de phonogrammes, en ce qui concerne ses phonogrammes

et

– au producteur de la première fixation, en ce qui concerne l’original et les copies de son film. Aux fins de la présente directive le terme ‘film’ désigne une œuvre cinématographique ou audiovisuelle ou séquence animée d’images, accompagnées ou non de son.»

7. L’article 2, paragraphe 2, dispose que le réalisateur principal d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle doit être considéré comme l’auteur ou un des auteurs.

8. L’article 2, paragraphe 4, dispose que les droits visés au paragraphe 1 de ce même article peuvent être transférés, cédés ou donnés en licence contractuelle.

9. L’article 4 dispose, pour ce qui nous intéresse ici, que:

«1. Lorsqu’un auteur ou un artiste interprète ou exécutant a transféré ou cédé son droit de location en ce qui concerne un phonogramme ou l’original ou une copie d’un film à un producteur de phonogrammes ou de films, il conserve le droit d’obtenir une rémunération équitable au titre de la location.

2. Le droit d’obtenir une rémunération équitable au titre de la location ne peut pas faire l’objet d’une renonciation de la part des auteurs ou artistes interprètes ou exécutants.

[…]

4. Les États membres peuvent réglementer la question […] de savoir auprès de qui cette rémunération peut être réclamée ou perçue.»

10. L’article 5 dispose, pour ce qui nous intéresse ici, que:

«1. Les États membres peuvent déroger au droit exclusif prévu à l’article 1er pour le prêt public, à condition que les auteurs au moins obtiennent une rémunération au titre de ce prêt. Ils ont la faculté de fixer cette rémunération en tenant compte de leurs objectifs de promotion culturelle.

[…]

3. Les États membres peuvent exempter certaines catégories d’établissements du paiement de la rémunération prévue [au paragraphe 1].»

11. L’article 15, paragraphe 1, de la directive imposait aux États membres de mettre en œuvre la directive avant le 1er juillet 1994.

Le droit national applicable

12. La République portugaise a entendu mettre en œuvre la directive par le décret-loi n° 332/97, du 27 novembre 1997.

13. L’article 5 de cette disposition législative prévoit que:

«1. Lorsque l’auteur transfère ou cède ses droits de location en ce qui concerne un phonogramme, un vidéogramme ou l’original ou une copie d’un film à un producteur de phonogrammes ou de films, il conserve un droit inaliénable à obtenir une rémunération équitable au titre de la location.

2. Pour l’application du paragraphe 1, le producteur est responsable du paiement de la rémunération laquelle, en l’absence d’accord entre les parties, est fixée par arbitrage et conformément à la loi.»

14. L’article 6, paragraphe 1, dispose que l’auteur a droit à une rémunération en cas de prêt public de l’original ou de copies de son œuvre.

15. L’article 6, paragraphe 3, dispose que:

«Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux bibliothèques publiques, scolaires et universitaires, aux musées, aux archives publiques, fondations publiques et institutions privées sans but lucratif.»

16. L’article 7, paragraphe 2, attribue des droits de location et de prêt:

«– à l’artiste interprète ou exécutant, en ce qui concerne les fixations de son exécution,

– au producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes, en ce qui concerne ses phonogrammes ou ses vidéogrammes, et

– au producteur de la première fixation d’un film, en ce qui concerne l’original et les copies de son film.»

17. L’article 7, paragraphe 4, définit le «film» comme «une œuvre cinématographique ou audiovisuelle, et toute séquence animée d’images, accompagnées ou non de son».

Affaire C-61/05: la violation alléguée de l’article 2

18. La Commission affirme que l’article 7 du décret-loi n° 332/97 a pour effet que le producteur de la première fixation d’un film ne peut pas nécessairement autoriser ou interdire la location de copies de son film, y compris des vidéogrammes ou des enregistrements sur DVD de ce film; il est certain qu’il n’a pas le droit exclusif de le faire, comme l’exige l’article 2, paragraphe 1, de la directive (8).

19. La République portugaise soutient que la liste figurant à l’article 2, paragraphe 1, n’est pas exhaustive et que la définition vague du terme «film» qui figure dans cette disposition pourrait avoir pour effet que le producteur de la première fixation d’un film soit lui-même le producteur de copies du film et qu’il puisse aussi céder des droits sur l’original et les copies, ou seulement sur des copies, à une autre personne – le producteur du vidéogramme. Le droit portugais place les producteurs de vidéogrammes et les producteurs de phonogrammes sur un pied d’égalité.

20. À mon sens, le recours engagé par la Commission est bien fondé, dans la mesure où il invoque une violation de l’article 2 de la directive.

21. Premièrement, si...

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