Commission of the European Communities v Republic of Austria.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:391
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-249/06
Date10 July 2008
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - fondé
Celex Number62006CC0205

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Poiares Maduro

présentées le 10 juillet 2008 (1)

Affaire C‑205/06

Commission des Communautés européennes

contre

République d’Autriche


et

Affaire C‑249/06

Commission des Communautés européennes

contre

Royaume de Suède








La présente version remplace et annule la précédente.





1. Les présentes affaires concernent des accords d’investissement conclus par la République d’Autriche ou le Royaume de Suède, d’une part, et divers pays tiers, d’autre part, accords garantissant aux investisseurs le transfert des capitaux liés à leurs investissements.

2. Tous ces accords d’investissement bilatéraux sont antérieurs à l’adhésion de l’Autriche et de la Suède et sont donc régis par l’article 307 CE. En vertu de cet article, l’Autriche et la Suède sont tenues de recourir à tous les moyens appropriés pour éliminer toute incompatibilité avec le traité CE que comportent ces accords. La Commission des Communautés européennes affirme que l’Autriche et la Suède ont manqué à cette obligation dans la mesure où leurs accords ne prévoient pas les restrictions à la libre circulation des capitaux à destination et en provenance de pays tiers visées aux articles 57, paragraphe 2, CE, 59 CE et 60, paragraphe 1, CE et où elles n’ont pas agi pour rectifier cette situation.

3. L’Autriche et de la Suède sont donc «accusées» d’avoir protégé la libre circulation des capitaux à destination et en provenance de pays tiers avec trop de zèle. Cependant, la principale question qui se pose dans les présentes affaires ne réside pas dans ce paradoxe apparent. Bien que les articles 57, paragraphe 2, CE, 59 CE et 60, paragraphe 1, CE permettent des restrictions à la libre circulation des capitaux, la Communauté doit encore introduire ces restrictions à l’égard des pays tiers concernés. Comment l’Autriche et la Suède pourraient‑elles être tenues pour responsables de la non‑élimination d’une incompatibilité qui, apparemment, doit encore se concrétiser?

I – Contexte factuel et juridique

4. L’Autriche a conclu plusieurs accords d’investissement bilatéraux avec des pays tiers avant son adhésion à l’Union européenne (2). Ces accords contiennent ce que l’on appelle une «clause de transfert», qui garantit aux investisseurs des deux parties le libre transfert, sans retard indu, des capitaux liés à leurs investissements.

5. Avant son adhésion, la Suède a aussi conclu avec des pays tiers un certain nombre d’accords d’investissement bilatéraux contenant une clause de transfert (3). Dans ces accords, cette clause autorise le transfert de plusieurs types de capitaux liés aux investissements, à savoir les bénéfices, le produit d’une liquidation, le remboursement de prêts et le paiement de frais. Dans certains accords, il est indiqué que le transfert sera effectué conformément à la législation et à la réglementation nationales applicables.

6. Les accords d’investissement ont commencé à prendre une importance croissante au cours des années 1990, ce qui a même donné lieu à des négociations menées sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques en vue de la conclusion d’un instrument multilatéral, négociations qui n’ont pas abouti. Au lieu de cela, s’est développé un réseau d’accords bilatéraux, qui se comptent à présent par milliers. L’Autriche et la Suède ont indiqué, sans être contredites par la Commission, que les clauses de transfert contenues dans leurs accords étaient des clauses usuelles, et même essentielles à ce type d’accord.

7. Le traité place la libre circulation des capitaux à destination et en provenance de pays tiers sur un pied d’égalité avec la libre circulation entre les États membres. L’article 56 CE interdit toutes les restrictions dans les deux cas, aussi bien que toutes les restrictions aux paiements entre les États membres et aux paiements à destination et en provenance des pays tiers. Cependant, le traité permet aux États membres d’imposer certaines restrictions (notamment à l’article 58 CE, qui énumère plusieurs raisons possibles) et, ce qui est plus important pour les présentes affaires, il confère cette même faculté à la Communauté elle‑même.

8. L’article 57, paragraphe 2, CE permet à la Communauté de réglementer les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers, y compris d’introduire des restrictions:

«Tout en s’efforçant de réaliser l’objectif de libre circulation des capitaux entre États membres et pays tiers, dans la plus large mesure possible et sans préjudice des autres chapitres du présent traité, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, peut adopter des mesures relatives aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers, lorsqu’ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l’établissement, la prestation de services financiers ou l’admission de titres sur les marchés des capitaux. L’unanimité est requise pour l’adoption de mesures en vertu du présent paragraphe qui constituent un pas en arrière dans le droit communautaire en ce qui concerne la libéralisation des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers.»

9. La Communauté peut aussi prendre des mesures de sauvegarde afin de faire face à des difficultés pour le fonctionnement de l’Union économique et monétaire, comme le précise l’article 59 CE:

«Lorsque, dans des circonstances exceptionnelles, les mouvements de capitaux en provenance ou à destination de pays tiers causent ou menacent de causer des difficultés graves pour le fonctionnement de l’Union économique et monétaire, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation de la BCE, peut prendre, à l’égard de pays tiers, des mesures de sauvegarde pour une période ne dépassant pas six mois pour autant que ces mesures soient strictement nécessaires.»

10. Enfin, en vertu de l’article 60, paragraphe 1, CE, la Communauté peut réduire les relations économiques avec des pays tiers, y compris quant aux mouvements de capitaux, sur la base d’une action commune relevant de la politique étrangère et de sécurité commune:

«Si, dans les cas envisagés à l’article 301, une action de la Communauté est jugée nécessaire, le Conseil, conformément à la procédure prévue à l’article 301, peut prendre, à l’égard des pays tiers concernés, les mesures urgentes nécessaires en ce qui concerne les mouvements de capitaux et les paiements.»

L’article 301 CE, auquel cette disposition se réfère, est formulé comme suit:

«Lorsqu’une position commune ou une action commune adoptées en vertu des dispositions du traité sur l’Union européenne relatives à la politique étrangère et de sécurité commune prévoient une action de la Communauté visant à interrompre ou à réduire, en tout ou en partie, les relations économiques avec un ou plusieurs pays tiers, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, prend les mesures urgentes nécessaires.»

11. En dépit des possibilités susmentionnées, il reste encore à la Communauté à introduire des restrictions affectant la libre circulation des capitaux à destination et en provenance des pays tiers qui sont parties aux accords conclus avec l’Autriche et la Suède. En particulier, la Communauté n’a pas encore fait usage de l’article 57, paragraphe 2, CE pour réglementer le domaine concerné; l’introduction des mesures de sauvegarde prévues à l’article 59 CE n’a pas été nécessaire, et, bien que le Conseil ait déjà fait usage de l’article 60, paragraphe 1, CE, il n’a visé aucun de ces pays tiers de manière significative (4).

12. L’article 307 CE s’appliquerait si un conflit devait se faire jour entre les accords conclus par l’Autriche et la Suède et le traité. En vertu de cet article, les accords demeureraient en vigueur, mais l’Autriche et la Suède seraient obligées de recourir à tous les moyens appropriés pour éliminer l’incompatibilité:

«Les droits et obligations résultant de conventions conclues antérieurement au 1er janvier 1958 ou, pour les États adhérents, antérieurement à la date de leur adhésion, entre un ou plusieurs États membres, d’une part, et un ou plusieurs États tiers, d’autre part, ne sont pas affectés par les dispositions du présent traité.

Dans la mesure où ces conventions ne sont pas compatibles avec le présent traité, le ou les États membres en cause recourent à tous les moyens appropriés pour éliminer les incompatibilités constatées. En cas de besoin, les États membres se prêtent une assistance mutuelle en vue d’arriver à cette fin et adoptent le cas échéant une attitude commune.

Dans l’application des conventions visées au premier alinéa, les États membres tiennent compte du fait que les avantages consentis dans le présent traité par chacun des États membres font partie intégrante de l’établissement de la Communauté et sont, de ce fait, inséparablement liés à la création d’institutions communes, à l’attribution de compétences en leur faveur et à l’octroi des mêmes avantages par tous les autres États membres.»

II – Procédure précontentieuse

13. Le 12 mai 2004, la Commission a, conformément à l’article 226 CE, adressé à l’Autriche et à la Suède des lettres dans lesquelles elle indiquait que les accords bilatéraux conclus par elles avec des pays tiers étaient, à son avis, incompatibles avec l’introduction par la Communauté des restrictions prévues aux articles 57, paragraphe 2, CE, 59 CE et 60, paragraphe 1, CE. Elle demandait à l’Autriche et à la Suède si elles avaient pris, conformément à l’article 307 CE, des mesures pour éliminer l’incompatibilité qu’elle avait constatée.

14. Dans leurs réponses, datées respectivement des 14 et 12 juillet 2004, l’Autriche et la Suède ont nié l’existence d’une telle incompatibilité. Cela a conduit la Commission à émettre, le 21 mars 2005, deux avis motivés, qui donnaient à l’Autriche et à la Suède un délai de deux mois pour...

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