SC Petrotel-Lukoil SA and Maria Magdalena Georgescu v Ministerul Economiei and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:139
Date01 March 2018
Celex Number62017CJ0076
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-76/17
62017CJ0076

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

1er mars 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Taxe d’effet équivalent à des droits de douane – Article 30 TFUE – Imposition intérieure – Article 110 TFUE – Taxe appliquée aux produits pétroliers exportés – Non-répercussion de la taxe sur le consommateur – Charge de la taxe supportée par le contribuable – Remboursement des sommes versées par le contribuable »

Dans l’affaire C‑76/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie), par décision du 17 novembre 2016, parvenue à la Cour le 13 février 2017, dans la procédure

SC Petrotel-Lukoil SA,

Maria Magdalena Georgescu

contre

Ministerul Economiei,

Ministerul Energiei,

Ministerul Finanţelor Publice,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, E. Juhász, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour SC Petrotel-Lukoil SA, par Mes C. Vasile, M. Strîmbei et A. Barbu, avocats,

pour le gouvernement roumain, par M. R.‑H. Radu ainsi que par Mmes L. Liţu et R. Mangu, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes F. Clotuche-Duvieusart et L. Radu Bouyon, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 30 TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SC Petrotel-Lukoil SA (ci-après « Lukoil ») et Mme Maria Magdalena Georgescu au Ministerul Economiei (ministère de l’Économie, Roumanie), au Ministerul Energiei (ministère de l’Énergie, Roumanie) et au Ministerul Finanţelor Publice (ministère des Finances publiques, Roumanie) au sujet du refus du ministère de l’Économie de rembourser les sommes forfaitaires versées par Lukoil au titre du Fonds spécial pour les produits pétroliers, constitué pour le recouvrement des dettes de l’ancienne Compania Română de Petrol (compagnie pétrolière roumaine, ci-après la « CRP »).

Le cadre juridique

3

L’Ordonanţa de urgenţă a Guvernului nr. 249/2000 privind constituirea şi utilizarea Fondului special pentru produse petroliere (ordonnance d’urgence du gouvernement no 249/2000 concernant la constitution et l’utilisation du Fonds spécial pour les produits pétroliers, Monitorul Oficial al României, partie I, no 647, du 12 décembre 2000), telle que modifiée par la Legea nr. 142/2006 pentru aprobarea Ordonanţei Guvernului nr. 53/2005 privind reglementarea unor măsuri financiare în domeniul bugetar şi al contabilităţii publice (loi no 142/2006 portant approbation de l’ordonnance du gouvernement no 53/2005 portant mesures financières dans le domaine budgétaire et de la comptabilité publique) (ci-après l’« OUG no 249/2000 »), a créé le Fonds spécial pour les produits pétroliers en vue d’acquitter l’ensemble des obligations pécuniaires de l’ancienne CRP.

4

L’article 1er de l’OUG no 249/2000 est libellé comme suit :

« Le Fonds spécial pour les produits pétroliers est créé en incluant une somme forfaitaire libellée en [lei roumains (RON)], équivalant à [0,01 dollar américain (USD) par litre] au taux de change en vigueur le dernier jour du mois précédant la livraison, dans le prix des produits pétroliers livrés sur les marchés national et étranger, essence et gazole, obtenus par des producteurs ou générés par transformation. »

5

Aux termes de l’article 2 de l’OUG no 249/2000 :

« Le Fonds spécial pour les produits pétroliers, constitué conformément à l’article 1er, est administré par le Ministerul Industriei şi Comerţului [(ministère de l’Industrie et du Commerce, Roumanie)] et sera utilisé pour acquitter l’ensemble des obligations pécuniaires de l’ancienne [CRP]. »

6

L’article 5 de l’OUG no 249/2000 dispose :

« L’obligation de calculer et de verser les sommes résultant de l’application de l’article 1er incombe aux producteurs et aux raffineurs qui sont des personnes morales établies en Roumanie, indépendamment de leur forme d’organisation, de la nature de leur capital et de la destination de leurs produits, celle-ci correspondant à la catégorie d’utilisation et aux types d’utilisateurs du produit concerné. »

7

L’article 7 de l’OUG no 249/2000 prévoit :

« La somme forfaitaire incluse dans le prix des produits pétroliers visés à l’article 1er de cette ordonnance représente une charge fiscalement déductible. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8

Lukoil a réclamé au ministère de l’Économie le remboursement des sommes qu’elle a versées au titre des exportations de produits pétroliers, en vertu de l’OUG no 249/2000, entre le 1er janvier 2007 et le 31 mars 2010.

9

Par lettre du 24 mai 2010, le ministère de l’Économie a refusé de rembourser les sommes réclamées par Lukoil.

10

Lukoil a alors introduit un recours devant la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest, Roumanie). Cette société a fait valoir, en substance, que lesdites sommes étaient indues à compter de l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne, le 1er janvier 2007, dans la mesure où leur versement était contraire à l’article 30 TFUE, car elles constituaient une taxe à caractère fiscal imposée unilatéralement par un État membre et perçue sur les marchandises qui traversent une frontière.

11

Par arrêt du 12 octobre 2011, la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest) a rejeté le recours de Lukoil. Cette juridiction a notamment jugé que la somme de 0,01 USD par litre incluse dans le prix des produits pétroliers était calculée pour les produits livrés aussi bien en Roumanie qu’en dehors de cet État membre, de telle sorte que, n’étant pas due en raison du franchissement d’une frontière par une marchandise, la taxe en question ne constituait ni un droit de douane à l’exportation ni une taxe d’effet équivalent, mais constituait une taxe intérieure. Elle a ajouté que, à supposer que la taxe instituée par l’OUG no 249/2000 constitue un droit de douane interdit par l’article 30 TFUE, la demande de Lukoil tendant à ce que cette taxe lui soit remboursée serait infondée, eu égard à l’interdiction de l’enrichissement sans cause, telle qu’appliquée par la Cour dans l’arrêt du 14 janvier 1997, Comateb e.a. (C‑192/95 à C‑218/95, EU:C:1997:12). En effet, selon la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest), la somme en question était incluse, en vertu de l’article 1er de l’OUG no 249/2000, dans le prix de l’essence et du gazole livrés en dehors de la Roumanie et était ainsi supportée non pas par la personne livrant les produits pétroliers, mais par l’acquéreur.

12

Lukoil a formé un pourvoi contre l’arrêt du 12 octobre 2011 devant l’Înalta Curte de Casație şi Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie). Cette juridiction a annulé ledit arrêt et a renvoyé l’affaire devant la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest). Par arrêt du 25 janvier 2016, cette dernière juridiction a rejeté le recours de Lukoil.

13

Dans cet arrêt, la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest) a considéré, sur la base d’une expertise comptable, que, bien qu’ayant calculé et versé la taxe en cause à l’État, Lukoil n’avait pas ajouté la somme forfaitaire de 0,01 USD par litre au prix de vente des produits pétroliers qu’elle a vendus entre le 1er janvier 2007 et le 31 mars 2010, mais avait imputé une telle somme sur ses propres ressources. Malgré ce constat, cette juridiction a, cependant, jugé que Lukoil n’avait pas prouvé que le paiement de ladite taxe lui avait causé un préjudice. En effet, Lukoil aurait mis en place, de sa propre initiative, une modalité de paiement qui n’est ni imputable à l’autorité défenderesse ni fondée sur les dispositions de l’OUG no 249/2000. Ainsi, ladite juridiction a jugé que Lukoil n’avait pas droit au remboursement demandé, dès lors que la taxe litigieuse avait été versée sur le fondement non pas de dispositions définitivement déclarées illégales, car contraires au droit de l’Union, mais d’un mécanisme que Lukoil avait elle-même mis en place et qui n’était pas prévu par la réglementation nationale.

14

Lukoil a formé un pourvoi contre l’arrêt du 25 janvier 2016 devant l’Înalta Curte de Casație şi Justiție (Haute Cour de cassation et de justice). Cette juridiction relève que la taxe litigieuse est une taxe d’effet équivalent à un droit de douane, car elle revêt un caractère pécuniaire, elle est imposée unilatéralement par l’autorité compétente d’un État membre et elle frappe les marchandises en raison du fait qu’elles franchissent la frontière. Elle indique que Lukoil a réclamé le remboursement des taxes qu’elle a payées avec ses fonds propres entre le 1er janvier 2007 et le 31 mars 2010. Or, la Cour ne se serait jamais prononcée, au regard de l’article 30 TFUE, sur la question de savoir si, dans l’hypothèse où il a effectivement supporté la charge d’une taxe d’effet équivalent à un droit de douane, un contribuable peut réclamer le remboursement des sommes versées, même si le mécanisme de paiement de cette taxe a été conçu dans la législation nationale de telle manière que ladite taxe soit répercutée sur le consommateur.

15

Dans ces conditions, l’Înalta Curte de Casație şi Justiție (Haute Cour de cassation et de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

...

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