European Commission v Ireland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:541
Docket NumberC-257/19
Date09 July 2020
Celex Number62019CJ0257
CourtCourt of Justice (European Union)

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

9 juillet 2020 (*)

« Manquement d’État – Principes régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes – Directive 2009/18/CE – Article 8, paragraphe 1 – Parties dont les intérêts pourraient être incompatibles avec la tâche confiée à l’organisme d’enquête – Membres de l’organisme d’enquête exerçant, en parallèle, d’autres fonctions – Défaut d’avoir institué un organisme d’enquête indépendant »

Dans l’affaire C‑257/19,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 26 mars 2019,

Commission européenne, représentée par M. S. L. Kalėda et Mme N. Yerrell, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Irlande, représentée par Mmes M. Browne et G. Hodge ainsi que par M. A. Joyce, en qualité d’agents, assistés de M. N. J. Travers, SC, et de M. B. Doherty, BL,

partie défenderesse,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. I. Jarukaitis, faisant fonction de président de la cinquième chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la cinquième chambre, MM. E. Juhász, M. Ilešič et C. Lycourgos (rapporteur), juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas institué un organisme d’enquête indépendant, sur le plan de son organisation, de sa structure juridique et de son mode de décision, de toute partie dont les intérêts pourraient être incompatibles avec la tâche qui lui est confiée, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2009/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes et modifiant la directive 1999/35/CE du Conseil et la directive 2002/59/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2009, L 131, p. 114).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

2 Les considérants 2, 13, 25 et 26 de la directive 2009/18 énoncent :

« (2) L’organisation diligente d’enquêtes techniques sur les accidents en mer améliore la sécurité maritime étant donné qu’elle contribue à prévenir la répétition de tels accidents qui entraînent la perte de vies humaines, la perte de navires et la pollution de l’environnement marin.

[...]

(13) Il est de la plus haute importance que les enquêtes de sécurité sur les accidents et incidents impliquant des navires de mer ou d’autres navires dans des zones portuaires ou d’autres zones maritimes réglementées soient effectuées de manière objective afin d’établir de façon probante les circonstances et les causes de ces accidents ou incidents. Il convient donc qu’elles soient menées par des enquêteurs qualifiés, sous le contrôle d’un organisme ou d’une entité indépendant(e), dotés des compétences nécessaires afin d’éviter tout conflit d’intérêts.

[...]

(25) Les recommandations de sécurité qui résultent d’une enquête de sécurité devraient être dûment prises en compte par les États membres et par [l’Union].

(26) Étant donné que le but d’une enquête technique de sécurité est de prévenir les accidents et les incidents de mer, ses conclusions et recommandations de sécurité ne devraient en aucun cas déterminer les responsabilités ou attribuer les fautes. »

3 L’article 1er de cette directive prévoit :

« 1. La présente directive a pour objet d’améliorer la sécurité maritime et la prévention de la pollution par les navires, de réduire ainsi les risques d’accidents de mer à l’avenir :

a) en facilitant l’organisation diligente d’enquêtes de sécurité et une analyse correcte des accidents et incidents de mer, afin d’en déterminer les causes ; et

b) en veillant à ce qu’il soit rendu compte de manière précise et en temps opportun des conclusions des enquêtes de sécurité et des propositions de mesures correctives.

2. Les enquêtes effectuées en vertu de la présente directive n’ont pas pour but de déterminer les responsabilités ou d’attribuer les fautes. Néanmoins, les États membres veillent à ce que l’organisme ou l’entité d’enquête (ci-après dénommés “organisme d’enquête”) ne s’interdise pas, du fait qu’il est possible de déterminer les fautes ou les responsabilités à partir des conclusions, de rendre pleinement compte des causes de l’accident ou de l’incident de mer. »

4 L’article 5 de ladite directive dispose :

« 1. Chaque État membre s’assure que l’organisme d’enquête visé à l’article 8 effectue une enquête de sécurité après un accident de mer très grave :

a) impliquant un navire battant son pavillon, quel que soit le lieu de l’accident ;

b) survenant dans sa mer territoriale ou ses eaux intérieures telles que définies dans la [convention des Nations unies sur le droit de la mer], quel que soit le pavillon du ou des navires impliqués dans l’accident ; ou

c) touchant d’importants intérêts de l’État membre, quel que soit le lieu de l’accident et le pavillon du ou des navires impliqués.

2. En outre, dans le cas d’accidents graves, l’organisme d’enquête effectue une évaluation préalable afin de décider de la nécessité de procéder ou non à une enquête de sécurité. Lorsque l’organisme d’enquête décide de ne pas effectuer une enquête de sécurité, les motifs de cette décision sont enregistrés et notifiés conformément à l’article 17, paragraphe 3.

Dans le cas de tout autre accident ou incident de mer, l’organisme d’enquête décide de la nécessité de procéder ou non à une enquête de sécurité.

[...] »

5 Aux termes de l’article 8 de la directive 2009/18 :

« 1. Les États membres font en sorte que les enquêtes de sécurité soient conduites sous la responsabilité d’un organisme d’enquête permanent et impartial, doté des compétences nécessaires et composé d’enquêteurs dûment qualifiés dans les domaines touchant aux accidents et incidents de mer.

Afin de mener une enquête de sécurité de manière objective, l’organisme d’enquête est indépendant, sur le plan de son organisation, de sa structure juridique et de son mode de décision, de toute partie dont les intérêts pourraient être incompatibles avec la tâche qui lui est confiée.

[...]

2. L’organisme d’enquête veille à ce que les différents enquêteurs aient des compétences opérationnelles et une expérience pratique dans les domaines ayant trait à leurs fonctions normales d’enquête. L’organisme d’enquête garantit en outre un accès rapide à l’expertise requise, s’il y a lieu.

3. Les activités confiées à l’organisme d’enquête peuvent être étendues à la collecte et à l’analyse de données relatives à la sécurité maritime, notamment à des fins de prévention, pour autant que ces activités ne nuisent pas à son indépendance ni n’engagent sa responsabilité sur des questions réglementaires, administratives ou de normalisation.

[...]

5. L’organisme d’enquête est autorisé à agir immédiatement lorsqu’il est informé d’un accident, quel que soit le moment, et à obtenir des moyens suffisants pour exercer ses fonctions en toute indépendance. Ses enquêteurs ont un statut leur procurant les garanties d’indépendance requises.

6. L’organisme d’enquête peut combiner les tâches qui lui incombent en vertu de la présente directive avec le travail d’enquête sur des événements autres que des accidents de mer, à la condition que ces enquêtes ne compromettent pas son indépendance. »

6 L’article 14, paragraphes 1 et 2, de cette directive dispose :

« 1. Les enquêtes de sécurité effectuées en vertu de la présente directive donnent lieu à la publication d’un rapport présenté selon un modèle défini par l’organisme d’enquête compétent et conformément aux sous-parties pertinentes de l’annexe I.

Les organismes d’enquête peuvent décider qu’une enquête de sécurité qui ne concerne pas un accident de mer très grave ou grave, selon le cas, et dont les conclusions ne sont pas susceptibles de conduire à la prévention d’accidents et d’incidents futurs donne lieu à la publication d’un rapport simplifié.

2. Les organismes d’enquête mettent tout en œuvre pour présenter au public, et plus particulièrement au secteur maritime, le rapport visé au paragraphe 1, y compris ses conclusions et toute recommandation éventuelle, dans les douze mois suivant le jour de l’accident. S’il est impossible de présenter le rapport final dans ce délai, un rapport intermédiaire est publié dans les douze mois qui suivent la date de l’accident ».

7 L’article 15 de ladite directive prévoit :

« 1. Les États membres veillent à ce que les recommandations de sécurité formulées par les organismes d’enquête soient dûment prises en considération par leurs destinataires et, le cas échéant, fassent l’objet d’un suivi adéquat dans le respect du droit [de l’Union] et du droit international.

2. S’il y a lieu, un organisme d’enquête ou la Commission formule des recommandations de sécurité en se fondant sur une analyse succincte des informations et sur les résultats globaux de toutes les enquêtes de sécurité menées.

3. En aucun cas, une recommandation de sécurité ne détermine la responsabilité ou n’impute la faute d’un accident. »

Le droit irlandais

La loi sur la marine marchande

8 L’article 7 du Merchant Shipping (Investigation of Marine Casualties) Act 2000 [loi de 2000 sur la marine marchande (enquêtes sur les accidents de mer), ci-après la « loi sur la marine marchande »] a institué le Marine Casualty Investigation Board (Bureau d’enquête sur les accidents de mer, Irlande) (ci-après le « MCIB »). Selon le paragraphe 1 de cet article, le MCIB a pour mission de « mener l’enquête en cas d’accident de mer et [de] publier les rapports relatifs à de telles enquêtes ». En vertu du paragraphe 3 dudit article, cet organisme est investi « des pouvoirs nécessaires ou connexes à l’exercice de ses fonctions ».

9 L’article 8 de la loi sur la marine marchande prévoit que le MCIB « est...

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