Deutsche Telekom AG v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2017:224
CourtGeneral Court (European Union)
Date28 March 2017
Docket NumberT-210/15
Celex Number62015TJ0210
62015TJ0210

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

28 mars 2017 ( *1 )*

«Accès aux documents — Règlement (CE) no 1049/2001 — Documents relatifs à une procédure d’application des règles de concurrence — Refus d’accès — Obligation de motivation — Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers — Exception relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit — Intérêt public supérieur — Consultation des tiers — Transparence — Absence de réponse à une demande confirmative dans les délais»

Dans l’affaire T‑210/15,

Deutsche Telekom AG, établie à Bonn (Allemagne), représentée par Mes A. Rosenfeld et O. Corzilius, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mme J. Vondung et M. A. Buchet, puis par MM. F. Erlbacher, P. Van Nuffel et A. Dawes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 17 février 2015 refusant d’accorder à la requérante l’accès aux documents relatifs à la procédure pour abus de position dominante portant la référence COMP/AT.40089 – Deutsche Telekom ,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, A. M. Collins et V. Valančius (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 27 octobre 2016,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Par décision du 25 juin 2013, la Commission européenne a ordonné une inspection dans les locaux de la requérante, Deustche Telekom AG, conformément à l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

2

Selon les termes de cette décision, la Commission disposait d’informations selon lesquelles la requérante « [pouvait] détenir une position dominante sur un ou plusieurs marchés pertinents en ce qui concern[ait] la fourniture de services de connectivité à Internet » et « [aurait] pu avoir mis en œuvre des pratiques qui restreign[ai]ent et/ou dégrad[ai]ent la qualité des services de connectivité à l’internet dans l’EEE » avec pour conséquence que des « fournisseurs indépendants de contenu et/ou d’applications sur Internet étaient placés dans une situation de désavantage concurrentiel ».

3

Du 9 au 11 juillet 2013, la Commission a procédé à des perquisitions dans les locaux de la requérante.

4

Par un communiqué de presse du 3 octobre 2014, la Commission a fait connaître sa décision de mettre fin à son enquête sur les pratiques de certains opérateurs européens de télécommunications sur les marchés des services de connectivité à Internet et a indiqué qu’elle continuerait de surveiller ce secteur.

5

Le 7 octobre 2014, la requérante a présenté une demande d’accès aux documents figurant dans le dossier de la Commission en application de de l’article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1049/2001, du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès aux documents de Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), et de l’article 27, paragraphe 2, deuxième phrase, du règlement no 1/2003.

6

Par lettre du 14 octobre 2014 et par courrier électronique du 23 octobre 2014 adressés à la Commission, la requérante a précisé que la demande d’accès portait sur l’ensemble des documents figurant dans le dossier de la procédure pour abus de position dominante portant la référence COMP/AT.40089 – Deutsche Telekom. Par ailleurs, dans ledit courrier électronique, la requérante a précisé que sa demande pouvait être analysée comme une demande d’accès aux documents fondée sur le règlement no 1049/2001.

7

Par lettre du 13 novembre 2014, la Commission a rejeté la demande initiale de la requérante. Elle a distingué à cet effet deux catégories de documents : d’une part, les documents internes de la Commission, pour lesquels elle a refusé l’accès sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, relatif à la protection du processus décisionnel, et de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du même règlement, relatif à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, et, d’autre part, les documents échangés entre la Commission et les parties intéressées, pour lesquels elle a refusé l’accès sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

8

Par lettre du 26 novembre 2014, la requérante a présenté une demande confirmative au sens de l’article 8 du règlement no 1049/2001.

9

Par lettre du 17 décembre 2014, la Commission a informé la requérante qu’elle avait besoin d’une prolongation du délai de réponse jusqu’au 19 janvier 2015. Le 19 janvier 2015, la Commission a fait savoir à la requérante qu’elle n’était pas en mesure de statuer sur la demande dans les délais annoncés et qu’une réponse lui serait envoyée dès que possible.

10

Par décision du 17 février 2015 (ci-après « la décision attaquée »), la Commission a rejeté la demande confirmative de la requérante, mais, à l’appui de cette décision, elle a toutefois invoqué un fondement juridique différent de celui qu’elle avait avancé dans sa réponse à la demande initiale.

11

Tout d’abord, s’agissant de l’exception relative à la protection du processus décisionnel, la Commission a indiqué que celle-ci n’avait plus de raison d’être, dès lors qu’une décision finale avait été prise par elle le 3 octobre 2014 dans la procédure pour abus de position dominante COMP/AT.40089.

12

Ensuite, la Commission, en substance, s’est prévalue de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux et, sur ce fondement, elle a refusé de donner accès, d’une part, à ses documents internes et, d’autre part, aux documents échangés avec les tiers.

13

Ainsi que l’ont admis les parties lors de l’audience, cette distinction entre documents internes et documents échangés avec les tiers, quoiqu’elle n’ait pas facilité le traitement de l’affaire par le Tribunal, est toutefois dépourvue d’incidence en l’espèce, dès lors qu’il est constant que la Commission a appliqué la présomption pour l’ensemble des documents du dossier de la procédure.

14

Enfin, et sur le fondement de la même présomption générale, la Commission a invoqué l’exception relative à la protection des objectifs des activités d’enquête prévue par l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 pour l’ensemble des documents visés par la demande, sans toutefois opérer cette fois de distinction entre ses documents internes et les documents échangés par elle avec les tiers.

15

À cet égard, elle a fait valoir que, par analogie avec la jurisprudence en matière d’ententes, il existait une présomption générale selon laquelle la divulgation de tels documents porterait, en principe, atteinte à la protection des intérêts commerciaux des entreprises concernées et à la protection des objectifs des activités d’enquête et qu’elle était par conséquent en droit de refuser l’accès aux documents figurant dans le dossier administratif établi en matière d’abus de position dominante sans avoir à procéder à un examen individuel de chacun des documents y figurant.

16

Pour terminer, elle a considéré qu’aucun des arguments avancés par la requérante n’établissait l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents et elle a, par voie de conséquence, rejeté la demande confirmative.

Procédure et conclusions des parties

17

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 avril 2015, la requérante a introduit le présent recours.

18

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner la Commission aux dépens.

19

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

20

À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, sept moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 1049/2001 et de l’obligation de motivation, le deuxième, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001, le troisième, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 1049/2001, le quatrième, de la violation de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001, le cinquième, de la violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, le sixième, de la violation de l’article 41, paragraphe 2, sous b), et de l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que de l’obligation de transparence prévue à l’article 15, paragraphe 3, TFUE et, le septième, de la violation de l’article 8 du règlement no 1049/2001.

21

Il convient, à titre liminaire, d’apprécier s’il y a lieu de reconnaître l’existence d’une présomption générale s’agissant d’une demande d’accès relative aux documents figurant dans le dossier administratif en matière d’abus de position dominante.

Sur l’existence d’une présomption générale s’agissant d’une demande d’accès aux documents figurant dans le dossier administratif en matière d’abus de position dominante

22

En vertu de l’article 15, paragraphe 3, TFUE et de l’article 42 de la charte des droits fondamentaux, tout citoyen...

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