Säveltäjäin Tekijänoikeustoimisto Teosto ry v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2013:170
CourtGeneral Court (European Union)
Docket NumberT-401/08
Date12 April 2013
Celex Number62008TJ0401
Procedure TypeRecours en annulation - fondé
62008TJ0401

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

12 avril 2013 ( *1 )

«Concurrence — Ententes — Droits d’auteur relatifs à l’exécution publique des œuvres musicales par l’internet, le satellite et la retransmission par câble — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE — Répartition du marché géographique — Accords bilatéraux entre les sociétés de gestion collective nationales — Pratique concertée excluant la possibilité d’octroyer des licences multiterritoriales et multirépertoires — Preuve — Présomption d’innocence»

Dans l’affaire T‑401/08,

Säveltäjäin Tekijänoikeustoimisto Teosto ry, établie à Helsinki (Finlande), représentée par Me H. Pokela, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. E. Paasivirta, F. Castillo de la Torre et P. Aalto, puis par MM. Paasivirta et Castillo de la Torre, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2008) 3435 final de la Commission, du 16 juillet 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/C2/38.698 – CISAC),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, S. Soldevila Fragoso et M. van der Woude, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite des audiences du 4 octobre 2011 et du 29 juin 2012,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige et décision attaquée

1

La décision C (2008) 3435 final de la Commission, du 16 juillet 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/C2/38.698 – CISAC) (ci-après la «décision attaquée»), porte sur les conditions de gestion des droits d’exécution publique des œuvres musicales ainsi que d’octroi des licences correspondantes en ce qui concerne uniquement les modes d’exploitation par l’internet, le satellite et la retransmission par câble. Elle est adressée à 24 sociétés de gestion collective établies dans l’Espace économique européen (EEE) qui sont membres de la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (CISAC) (ci-après les «SGC»), parmi lesquelles figure la requérante, Säveltäjäin Tekijänoikeustoimisto Teosto ry.

2

Les SGC gèrent les droits que détiennent les auteurs (paroliers et compositeurs) sur les œuvres musicales qu’ils ont créées. Ces droits comportent généralement le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire l’exploitation des œuvres protégées. C’est notamment le cas en ce qui concerne les droits d’exécution publique. Une SGC acquiert ces droits soit par cession directe des ayants droit originaux, soit par transmission de la part d’une autre SGC gérant les mêmes catégories de droits dans un autre pays, et concède, au nom de ses membres, des licences d’exploitation aux utilisateurs commerciaux, tels que les entreprises de radiodiffusion ou les organisateurs de spectacles (ci-après les «utilisateurs»).

3

La gestion des droits d’auteur implique pour chaque SGC de s’assurer que chaque ayant droit reçoive la rémunération qui lui est due pour les exploitations de ses œuvres, quel que soit le territoire sur lequel ces exploitations se déroulent, et de surveiller qu’aucune exploitation non autorisée d’œuvres protégées n’ait lieu.

4

Dans ce contexte, la CISAC a élaboré un contrat type non contraignant, dont la version initiale remonte à 1936, qui a été modifié à plusieurs reprises et doit être complété par les SGC contractantes, notamment en ce qui concerne la définition du territoire d’exercice (ci-après le «contrat type»). Sur la base du contrat type, les SGC ont constitué des accords de représentation réciproque, par lesquels elles s’accordent mutuellement le droit de concéder des licences (ci-après les «ARR»). Les ARR couvrent non seulement l’exercice des droits pour les applications traditionnelles «off-line» (hors ligne) (concerts, radio, discothèques, etc.), mais également l’exploitation par l’internet, le satellite ou la retransmission par câble.

I – Procédure administrative

5

En 2000, RTL Group SA, un groupe de radio et de télédiffusion, a déposé auprès de la Commission des Communautés européennes une plainte contre une SGC membre de la CISAC pour dénoncer le refus par celle-ci de lui accorder, pour ses activités de radiodiffusion musicale, une licence à l’échelle communautaire. En 2003, Music Choice Europe Ltd, qui fournit des services de radiodiffusion et de télévision sur Internet, a déposé une seconde plainte, dirigée contre la CISAC et visant le contrat type. Ces plaintes ont amené la Commission à ouvrir une procédure d’application des règles de concurrence.

6

Le 8 avril 2005, la requérante a transmis à la Commission une lettre en réponse à sa demande d’information datée du 14 mars 2005, incluant des extraits de ses ARR.

7

Le 31 janvier 2006, la Commission a adressé une communication des griefs à la CISAC et aux SGC (ci-après la «communication des griefs»), à laquelle la requérante a répondu le 10 avril 2006.

8

La CISAC et la plupart des SGC, dont la requérante, ont été entendues par la Commission lors de l’audition ayant eu lieu les 14, 15 et 16 juin 2006.

9

Le 18 septembre 2006, la Commission a envoyé à la requérante une nouvelle demande de renseignements, à laquelle cette dernière a répondu par lettre du 3 octobre 2006.

10

Au mois de mars 2007, la requérante et 17 autres SGC ainsi que la CISAC ont proposé à la Commission des engagements, au titre de l’article 9 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), qui ont fait l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne, conformément à l’article 27, paragraphe 4, de ce même règlement (JO 2007, C 128, p. 12).

11

Au considérant 72 de la décision attaquée, la Commission a affirmé que, au vu des observations reçues, les engagements visés au point 10 ci-dessus n’apporteraient pas de réponse adéquate aux problèmes de concurrence soulevés dans la communication des griefs.

II – Clauses du contrat type visées

12

La décision attaquée vise notamment les clauses prévues, au moins pendant une certaine période, par le contrat type relatives, d’une part, à l’affiliation des ayants droit aux SGC (ci-après la «clause d’affiliation») et, d’autre part, au caractère exclusif des mandats que les SGC se concèdent mutuellement dans les ARR ainsi qu’à leur portée territoriale.

13

S’agissant de la clause d’affiliation, l’article 11, paragraphe 2, du contrat type prévoyait, jusqu’au 3 juin 2004, que les SGC ne pouvaient accepter comme membre un auteur déjà affilié à une autre SGC ou ayant la nationalité de l’un des pays dans lesquels une autre SGC exerçait son activité que sous certaines conditions (considérants 18 à 21 et 27 de la décision attaquée). Il ne saurait être exclu qu’un certain nombre d’ARR contiennent toujours une telle clause (considérants 35, 125 et 260 de la décision attaquée).

14

S’agissant du caractère exclusif des mandats et de leur portée territoriale, premièrement, l’article 1er, paragraphes 1 et 2, du contrat type prévoyait, jusqu’en mai 1996, que l’une des SGC conférait à une autre, de manière réciproque, le droit exclusif, sur les territoires où cette dernière opérait, d’octroyer les autorisations nécessaires pour toute exécution publique (ci-après la «clause d’exclusivité»). Deuxièmement, l’article 6 du contrat type invite, à son paragraphe 1, les SGC à définir leurs territoires d’exercice respectifs, sans donner de précisions à cet égard. Le paragraphe 2 de ce même article stipule que chaque SGC doit s’abstenir, sur les territoires de l’autre, de toute ingérence dans l’exercice par cette dernière du mandat lui ayant été conféré (ci-après la «clause de non-ingérence») (considérants 22 à 25 de la décision attaquée).

15

Les SGC appliqueraient l’article 6, paragraphe 1, du contrat type de manière à y introduire des limitations territoriales, de sorte que la couverture géographique des licences concédées par une société donnée se trouve, à quelques minimes exceptions près, limitée au territoire du pays de l’EEE dans lequel celle-ci est établie (ci-après les «limitations territoriales nationales») (considérant 38 de la décision attaquée).

16

Les éléments fournis par les SGC au cours de la procédure administrative n’auraient pas permis à la Commission de conclure avec certitude, d’une part, que 17 de celles-ci aient effectivement et complètement supprimé la clause d’exclusivité de leurs ARR et, d’autre part, que l’ensemble des SGC aient effectivement et totalement supprimé la clause de non-ingérence desdits accords (considérants 37 et 40 de la décision attaquée).

III – Marchés concernés

17

La gestion collective des droits d’auteur visée par le contrat type englobait les trois marchés de produits suivants : premièrement, la fourniture de services de gestion de droits d’auteur aux ayants droit, deuxièmement, la fourniture de services de gestion de droits d’auteur aux autres SGC et, troisièmement, la concession de licences couvrant les droits d’exécution publique aux utilisateurs pour l’exploitation par l’internet, le satellite et la retransmission par câble (considérant 49 de la décision attaquée).

18

Du point de vue géographique, le premier marché serait de portée nationale, mais, en l’absence des restrictions d’affiliation, il pourrait être plus large (considérants 58 et 59 de la décision attaquée).

19

Le deuxième marché présenterait, quant à lui, un...

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