Biogaran v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2018:910
CourtGeneral Court (European Union)
Docket NumberT-677/14
Date12 December 2018
Celex Number62014TJ0677
Procedure TypeRecurso de anulación - infundado
62014TJ0677

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

12 décembre 2018 ( *1 )

« Concurrence – Ententes – Marché du périndopril, médicament destiné au traitement des maladies cardiovasculaires, dans ses versions princeps et génériques – Décision constatant une infraction aux articles 101 et 102 TFUE – Accords visant à retarder, voire à empêcher, l’entrée sur le marché de versions génériques du périndopril – Participation d’une filiale à l’infraction commise par sa société mère – Imputation de l’infraction – Responsabilité solidaire – Plafond de l’amende »

Dans l’affaire T‑677/14,

Biogaran, établie à Colombes (France), représentée par Mes T. Reymond, O. de Juvigny et J. Jourdan, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mmes F. Castilla Contreras, T. Vecchi et M. B. Mongin, puis par Mme Castilla Contreras, MM. Mongin et C. Vollrath, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2014) 4955 final de la Commission, du 9 juillet 2014, relative à une procédure d’application des articles 101 et 102 TFUE [affaire AT.39612 – Périndopril (Servier)], en tant qu’elle concerne la requérante et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée par ladite décision,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, L. Madise et R. da Silva Passos, juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 5 octobre 2017,

rend le présent

Arrêt

I. Antécédents du litige

A. Sur le périndopril

1

Le groupe Servier, formé de Servier SAS et de plusieurs filiales (ci-après, prises individuellement ou ensemble, « Servier »), a mis au point le périndopril, médicament indiqué en médecine cardiovasculaire, principalement destiné à lutter contre l’hypertension et l’insuffisance cardiaque, par le biais d’un mécanisme d’inhibition de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ci-après l’« ECA »).

2

L’ingrédient pharmaceutique actif (ci-après l’« IPA ») du périndopril, c’est-à-dire la substance chimique biologiquement active qui produit les effets thérapeutiques visés, se présente sous la forme d’un sel. Le sel utilisé initialement était l’erbumine (ou tert-butylamine), qui présente une forme cristalline en raison du procédé employé par Servier pour sa synthèse.

1. Brevet relatif à la molécule

3

Le brevet relatif à la molécule du périndopril (brevet EP0049658, ci-après le « brevet 658 ») a été déposé devant l’Office européen des brevets (OEB) le 29 septembre 1981. Le brevet 658 devait arriver à expiration le 29 septembre 2001, mais sa protection a été étendue dans plusieurs États membres de l’Union européenne, dont le Royaume-Uni, jusqu’au 22 juin 2003, ainsi que le permettait le règlement (CEE) no 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO 1992, L 182, p. 1). En France, la protection du brevet 658 a été étendue jusqu’au 22 mars 2005 et, en Italie, jusqu’au 13 février 2009.

2. Brevets secondaires

4

En 1988, Servier a, en outre, déposé devant l’OEB plusieurs brevets relatifs aux procédés de fabrication de la molécule du périndopril qui expiraient le 16 septembre 2008 : les brevets EP0308339, EP0308340, EP0308341 et EP0309324 (ci-après, respectivement, le « brevet 339 », le « brevet 340 », le « brevet 341 » et le « brevet 324 »).

5

De nouveaux brevets relatifs à l’erbumine et à ses procédés de fabrication ont été déposés devant l’OEB par Servier en 2001, dont le brevet EP1294689 (dit « brevet beta », ci-après le « brevet 689 »), le brevet EP1296948 (dit « brevet gamma », ci-après le « brevet 948 ») et le brevet EP1296947 (dit « brevet alpha », ci-après le « brevet 947 »). Le brevet 947, relatif à la forme cristalline alpha de l’erbumine et à son procédé de préparation, a été déposé le 6 juillet 2001 et délivré par l’OEB le 4 février 2004.

3. Périndopril de deuxième génération

6

À partir de 2002, Servier a commencé à développer un périndopril de deuxième génération, fabriqué à partir d’un autre sel que l’erbumine, l’arginine. Ce périndopril arginine devait présenter des améliorations en termes de durée de conservation, passant de deux à trois ans, de stabilité, permettant un seul type de conditionnement pour toutes les zones climatiques, et de stockage, ne nécessitant aucune condition particulière.

7

Servier a introduit une demande de brevet européen pour le périndopril arginine (brevet EP1354873B, ci-après le « brevet 873 ») le 17 février 2003. Le brevet 873 a été délivré le 17 juillet 2004, avec une date d’expiration fixée au 17 février 2023. L’introduction du périndopril arginine sur les marchés de l’Union a débuté en 2006.

B. Sur la requérante

8

Biogaran (ci-après la « requérante » ou « Biogaran »), filiale à 100 % des Laboratoires Servier SAS, eux-mêmes filiale de Servier SAS, et fondée en 1996, est une société de génériques dont l’activité de distribution est quasi exclusivement limitée à la France.

C. Sur les activités de Niche relatives au périndopril

9

La société de génériques Niche Generics Ltd (ci-après « Niche ») a repris l’ensemble des obligations et des responsabilités incombant à Bioglan Generics Ltd en vertu de l’accord de développement et de licence que celle-ci avait conclu le 26 mars 2001 avec Medicorp Technologies India Ltd (ci-après « Medicorp »), à laquelle a succédé Matrix Laboratories Ltd (ci-après « Matrix »), en vue de commercialiser une forme générique du périndopril (ci-après l’« accord Niche-Matrix »). L’accord Niche-Matrix stipulait que les deux sociétés commercialiseraient le périndopril générique dans l’Union, étant précisé que Matrix était principalement chargée du développement et de la fourniture de l’IPA du périndopril, alors que Niche était principalement responsable des démarches requises en vue de l’obtention des autorisations de mise sur le marché (AMM) ainsi que de la stratégie commerciale.

10

Matrix a fourni en avril 2003 un lot pilote d’IPA de périndopril ainsi que le dossier permanent de la substance active correspondant en vue de la préparation des demandes d’AMM par Niche.

11

Unichem Laboratories Ltd (ci-après « Unichem »), société mère de Niche, était, quant à elle, responsable de la production du périndopril sous sa forme pharmaceutique finale, en vertu d’un accord de développement et de fabrication des comprimés de périndopril conclu le 27 mars 2003 avec Medicorp, devenue Matrix, qui s’engageait à développer l’IPA du périndopril et à le lui fournir.

D. Sur les litiges relatifs au périndopril

1. Litiges devant l’OEB

12

Dix sociétés de génériques, dont Niche, ont formé opposition contre le brevet 947 devant l’OEB en 2004, en vue d’obtenir sa révocation dans sa totalité, en invoquant des motifs tirés du manque de nouveauté et d’activité inventive et du caractère insuffisant de l’exposé de l’invention. Niche s’est toutefois retirée de la procédure d’opposition le 9 février 2005.

13

Le 27 juillet 2006, la division d’opposition de l’OEB a confirmé la validité du brevet 947 à la suite de légères modifications des revendications initiales de Servier (ci-après la « décision de l’OEB du 27 juillet 2006 »). Sept sociétés ont formé un recours contre cette décision. Par décision du 6 mai 2009, la chambre de recours technique de l’OEB a annulé la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 et révoqué le brevet 947. La requête en révision déposée par Servier à l’encontre de cette décision a été rejetée le 19 mars 2010.

14

Niche a également déposé le 11 août 2004 une opposition contre le brevet 948 devant l’OEB, mais elle s’est retirée de la procédure le 14 février 2005.

2. Litiges devant les juridictions nationales

15

La validité du brevet 947 a, en outre, été contestée par des sociétés de génériques devant les juridictions de certains États membres, notamment aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.

16

Au Royaume-Uni, Servier a introduit le 25 juin 2004 une action en contrefaçon devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets), Royaume-Uni], à l’égard de Niche, en invoquant ses brevets 339, 340 et 341, cette dernière ayant déposé des demandes d’AMM au Royaume-Uni pour une version générique du périndopril, développée en partenariat avec Matrix en vertu de l’accord Niche-Matrix. Le 9 juillet 2004, Niche a signifié à Servier une demande reconventionnelle en nullité du brevet 947.

17

L’audience devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], portant sur le bien-fondé de la contrefaçon alléguée, a finalement été fixée aux 7 et 8 février 2005, mais n’a duré qu’une demi-journée, en raison du règlement amiable conclu entre Servier et Niche le 8 février 2005, qui a mis fin au contentieux entre ces deux parties.

18

Matrix a été tenue informée par Niche du déroulement de cette procédure contentieuse et y a été également associée en effectuant des dépositions devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], au nom de Niche. Servier a par ailleurs envoyé une lettre formelle d’avertissement à Matrix le 7...

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