Janusz Korwin-Mikke v European Parliament.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2018:320
CourtGeneral Court (European Union)
Date31 May 2018
Docket NumberT-770/16
Celex Number62016TJ0770
Procedure TypeRecurso de anulación - infundado
62016TJ0770

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

31 mai 2018 ( *1 )

« Droit institutionnel – Parlement européen – Règlement intérieur du Parlement – Comportement portant atteinte à la dignité du Parlement et au bon déroulement des travaux parlementaires – Sanctions disciplinaires de perte du droit à l’indemnité de séjour et de suspension temporaire de participation à l’ensemble des activités du Parlement – Liberté d’expression – Obligation de motivation – Erreur de droit »

Dans l’affaire T‑770/16,

Janusz Korwin-Mikke, demeurant à Józefów (Pologne), représenté par Mes M. Cherchi et A. Daoût, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. S. Alonso de León et Mme S. Seyr, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du président du Parlement du 5 juillet 2016 et de la décision du bureau du Parlement du 1er août 2016, infligeant au requérant la sanction de perte du droit à l’indemnité de séjour pour une durée de dix jours et de suspension temporaire de sa participation à l’ensemble des activités du Parlement pour une période de cinq jours consécutifs et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi par le requérant du fait desdites décisions,

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie),

composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas (rapporteur), D. Spielmann, Z. Csehi et Mme O. Spineanu-Matei, juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 29 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le requérant, M. Janusz Korwin-Mikke, est député au Parlement européen.

2

Lors de la séance plénière du Parlement du 7 juin 2016 (ci-après la « séance plénière du 7 juin 2016 »), ayant pour thème « L’état actuel des aspects extérieurs du programme européen sur la migration : pour une nouvelle entente sur la migration », le requérant a déclaré en polonais :

« Le problème ne vient pas du fait que les immigrants nous submergent, mais du fait que ce sont des immigrants inappropriés. Ils ne veulent pas du tout travailler à Bayerische Motorwerke ni chez Aldi. On leur a promis d’importantes allocations et ils veulent recevoir d’importantes allocations. Une fois déjà, [j’ai fait allusion à eux], ce qui m’a coûté 3000 euros, mais un diplomate congolais a dit que l’Europe était submergée par le cloaque africain. Alors, nous pouvons être fiers du fait que nous avons libéré une partie de l’Afrique de ce cloaque, mais notre devoir est de faire entendre raison à ces gens. Eh bien, rien ne fait entendre raison mieux que la faim. Il faut cesser de leur payer les allocations et tout simplement les forcer à travailler. Et vu que l’exemple, c’est le meilleur enseignant, nous devons leur donner l’exemple et cesser de payer les allocations à nous-mêmes également, car nous démoralisons nos propres gens aussi. »

3

À la suite de ces propos, la vice-présidente du Parlement qui conduisait les débats a invité le requérant à « s’adresser avec respect à l’Assemblée ». Immédiatement après, une députée européenne a soulevé un carton bleu et a demandé au requérant d’apporter des preuves à l’appui de ses affirmations.

4

En réponse à cette interpellation, le requérant a déclaré :

« [...] l’Amérique aussi était exploitée, et elle a un développement excellent. Par contre, je fais juste référence à l’opinion d’un diplomate du Congo – pays qui en sait quelque chose sur l’émigration d’Afrique. Moi je sais une chose : quand on paie les gens pour ne rien faire, on les démoralise. Il faut liquider toutes les allocations. Les gens doivent vivre du travail, pas des allocations. »

5

Le requérant a ultérieurement repris la parole pour préciser la traduction en anglais d’un mot employé lors de son intervention.

6

Le 8 juin 2016, le requérant a été convoqué par le président du Parlement à une audition qui s’est tenue le 14 juin 2016.

7

Par courriel du 9 juin 2016, le requérant a transmis à la vice-présidente du Parlement qui avait conduit les débats en cause un film diffusé sur le site Internet Youtube au cours duquel peuvent être entendus les propos tenus par le diplomate congolais auquel il a fait allusion dans son intervention du 7 juin 2016.

8

Par décision du 5 juillet 2016 (ci-après la « décision du président »), le président du Parlement a infligé au requérant les sanctions de perte du droit à l’indemnité de séjour pour une durée de dix jours et de suspension temporaire de sa participation à l’ensemble des activités du Parlement pour une période de cinq jours consécutifs, sans préjudice de l’exercice du droit de vote en séance plénière.

9

Le 18 juillet 2016, le requérant a introduit un recours interne devant le bureau du Parlement à l’encontre de la décision du président, en demandant l’annulation des sanctions prononcées à son encontre ainsi que des excuses publiques du président du Parlement devant le Parlement pour avoir employé des termes insultants à son égard.

10

Par décision du 1er août 2016 (ci-après la « décision du bureau »), notifiée au requérant le 2 septembre 2016, le bureau du Parlement a maintenu les sanctions infligées au requérant par la décision du président.

Procédure

11

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 novembre 2016, le requérant a introduit le présent recours.

12

Sur proposition de la sixième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

13

Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité le Parlement à déposer certains documents et les parties à répondre à certaines questions. Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

14

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 29 novembre 2017.

Conclusions des parties

15

Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision du président ;

annuler la décision du bureau ;

ordonner la réparation des préjudices financier et moral causés par les décisions du président et du bureau, évalués à 13060 euros ;

condamner le Parlement aux dépens.

16

Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter la demande en annulation de la décision du président comme irrecevable ;

rejeter la demande en annulation de la décision du bureau comme non fondée ;

rejeter la demande indemnitaire comme partiellement irrecevable et partiellement non fondée ;

condamner le requérant aux dépens.

17

Lors de l’audience, le requérant a déclaré renoncer au premier chef de conclusions, en estimant que la décision du président avait été remplacée par la décision du bureau, qui constitue la position finale du Parlement, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

En droit

Sur les conclusions en annulation

18

À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 166 du règlement intérieur du Parlement (ci-après le « règlement intérieur »), de la liberté de parole et d’expression et de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), du principe général d’impartialité et de l’obligation de motivation. Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 6 de la CEDH, des droits de la défense et de l’article 166, paragraphe 1, du règlement intérieur. Le quatrième moyen est tiré de la violation des principes de proportionnalité et non bis in idem ainsi que de la violation de l’obligation de motivation.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 166 du règlement intérieur, de la liberté de parole et d’expression et de l’obligation de motivation

19

Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, par le présent moyen, divisé en trois branches, le requérant, invoque, en substance, outre la violation de sa liberté d’expression, la violation de l’article 166 du règlement intérieur, en ce que, d’une part, le Parlement n’aurait pas établi que les conditions requises aux fins de l’application de cette disposition étaient remplies et, d’autre part, ladite décision ne serait pas suffisamment motivée. Cela a, au demeurant, été confirmé lors de l’audience, ce dont il a été pris acte.

20

Il y a lieu d’examiner, tout d’abord, la troisième branche, puis, conjointement, la première et la deuxième.

Sur la troisième branche, prise d’une violation de l’obligation de motivation

21

Le requérant soutient que la décision du bureau ne satisfait pas à l’obligation de motivation, dans la mesure où, premièrement, elle ne fait pas état d’éventuelles répercussions dans la presse ou de réactions au niveau politique, deuxièmement, elle ne constate pas que ses propos auraient constitué une incitation à la haine et, troisièmement, elle ne tient pas compte du...

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