Gascogne Sack Deutschland GmbH v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:361
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-40/12
Date30 May 2013
Celex Number62012CC0040
Procedure TypeRecurso de anulación
62012CC0040

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 30 mai 2013 ( 1 )

Affaire C‑40/12 P

Gascogne Sack Deutschland GmbH, anciennement Sachsa Verpackung GmbH

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Concurrence — Entente — Marché des sacs industriels en plastique — Amendes — Violation du droit fondamental d’être entendu dans un délai raisonnable par le Tribunal»

Avant-propos

1.

Le 16 novembre 2011, le Tribunal de première instance a rendu trois arrêts ( 2 ) rejetant les recours en annulation dirigés contre la décision de la Commission européenne clôturant l’affaire COMP/38354 – sacs industriels ( 3 ). Dans cette décision, la Commission a constaté que les entreprises prévenues s’étaient rendues coupables d’une violation grave et durable de ce qui était à l’époque l’article 81 CE (devenu article 101 TFUE) et elle a imposé de lourdes amendes à un certain nombre de sociétés filiales et à leurs sociétés mères respectives. Plusieurs d’entre elles, dont Gascogne Sack Deutschland GmbH (ci-après «Gascogne Sack Deutschland»), ont engagé un pourvoi contre les arrêts du Tribunal ( 4 ).

2.

Outre les questions de droit de la concurrence qu’ils soulèvent, ces pourvois font grief au Tribunal d’avoir enfreint l’article 47 de la charte des droits fondamentaux en ne statuant pas dans un délai raisonnable. Dans ces conditions, il incombe évidemment à la Cour de s’employer à traiter les pourvois en toute diligence. Afin de me plier à cette contrainte sans perdre de vue le temps nécessaire à la traduction, j’ai réparti les questions auxquelles je voudrais apporter une réponse entre les trois mémoires de conclusions de la manière suivante.

3.

J’exposerai les principales dispositions de droit applicables, puis je décrirai l’entente ainsi que la procédure qui a précédé la décision de la Commission et les amendes infligées aux points 6 à 34 des présentes conclusions. Chaque pourvoi soulevant des points légèrement différents en ce qui concerne les circonstances dans lesquelles les sociétés mères sont, ou ne sont pas, responsables des agissements des filiales qu’elles détiennent à 100 %, j’aborderai cette question dans chacune des affaires distinctement. Quant aux questions soulevées par le grief fait au Tribunal de n’avoir pas statué dans un délai raisonnable, je développerai mon analyse (concernant, en particulier, les critères permettant de déterminer si le Tribunal a pris un retard excessif ainsi que les éventuelles corrections disponibles si tel a été le cas) aux points 70 à 150 des conclusions que je présenterai dans l’affaire Groupe Gascogne/Commission ( 5 ). Quant aux arguments détaillés articulés par chacun des requérants à propos (par exemple) de la correction du raisonnement tenu par le Tribunal dans ses arrêts, je les examinerai séparément dans chacune des trois affaires ( 6 ).

Introduction

4.

Cette affaire soulève deux questions importantes. La première est celle de savoir comment calculer le montant des amendes lorsqu’une filiale en pleine propriété enfreint les règles de la concurrence et que cette infraction est imputée à sa société mère par l’effet d’une responsabilité conjointe et solidaire.

5.

La seconde question, qui porte sur le droit à une protection juridictionnelle effective qui est garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux ( 7 ) (ci‑après la «Charte») et par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la «CEDH»), soulève deux interrogations fondamentales: que faut-il entendre par «délai raisonnable» aux fins de l’application de l’article 47 de la Charte? Quelle est la mesure corrective appropriée lorsque le Tribunal ne statue pas dans ce délai?

Le cadre juridique

La convention européenne des droits de l’homme

6.

L’article 6, paragraphe 1, de la CEDH dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial. L’article 13 de la CEDH prévoit que toute personne dont les droits et libertés reconnus par la CEDH ont été violés a droit à l’octroi d’un recours effectif. Lorsque la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la «Cour de Strasbourg») constate une violation de la CEDH, l’article 41 de celle-ci dispose que la Cour accorde à la partie lésée une satisfaction équitable. (Il n’existe aucune disposition équivalente expresse concernant la Cour de justice de l’Union européenne.)

Les droits fondamentaux

7.

L’article 41 de la Charte garantit à toute personne le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union.

8.

L’article 47 de la Charte, qui est intitulé «Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial», dispose notamment que:

«[t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi».

9.

L’article 48 de la Charte consacre la présomption d’innocence et les droits de la défense. L’article 6, paragraphe 2, de la CEDH instaure une garantie similaire.

10.

L’article 51, paragraphe 1, de la Charte est rédigé dans les termes suivants:

«Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions et organes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l’application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l’Union telles qu’elles lui sont conférées dans les traités».

11.

L’article 52, paragraphe 3, de la Charte exige que les droits garantis par la Charte soient interprétés de la même manière que les droits correspondants inscrits dans la CEDH.

Dispositions des traités

Traité UE

12.

L’article 19, paragraphe 1, TUE impose à la Cour de justice de l’Union européenne en tant qu’institution (ce qui inclut donc la Cour de justice, le Tribunal et des Tribunaux spécialisés) d’«assure[r] le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités». Les États membres doivent donc «établi[r] les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union».

Traité FUE

13.

L’article 101 TFUE (ancien article 81 CE) interdit tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur.

14.

L’article 261 TFUE dispose:

«Les règlements arrêtés conjointement par le Parlement européen et le Conseil, et par le Conseil en vertu des dispositions des traités peuvent attribuer à la Cour de justice de l’Union européenne une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les sanctions prévues dans ces règlements».

15.

D’une manière plus générale, l’article 263 TFUE confère à la Cour la compétence de contrôler la légalité des actes des institutions, y compris ceux de la Commission et de se prononcer «sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir».

Les amendes dans le droit de la concurrence

16.

Les considérants 29, 33 et 37 de l’exposé des motifs du règlement (CE) no 1/2003 ( 8 ) sont rédigés comme suit:

«(29)

Le respect des articles 81 et 82 du traité et l’exécution des obligations imposées aux entreprises et aux associations d’entreprises en application du présent règlement doivent pouvoir être assurés au moyen d’amendes et d’astreintes. À cette fin, il y a lieu de prévoir également des amendes d’un montant approprié pour les infractions aux règles de procédure.

[…]

(33)

Toutes les décisions prises par la Commission en application du présent règlement étant soumises au contrôle de la Cour de justice dans les conditions définies par le traité, il convient de prévoir, en application de l’article 229 du traité [devenu article 261 TFUE], l’attribution à celle-ci de la compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les décisions par lesquelles la Commission inflige des amendes ou des astreintes.

[…]

(37)

Le présent règlement respecte les droits fondamentaux et les principes reconnus en particulier par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En conséquence, il doit être interprété et appliqué dans le respect de ces droits et principes.»

17.

L’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 ( 9 ) dispose qu’en cas de violation de l’article 101 TFUE:

«La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises […]. Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent» (ci-après le «plafond de 10 %»).

18.

Les juridictions de l’Union donnent une interprétation particulière à cette disposition dans le cas des groupes de sociétés. L’expression «chiffre d’affaires total» qu’elle contient désigne le chiffre d’affaires mondial du groupe, lequel est considéré comme une «entreprise» aux fins de l’application de cette disposition, c’est-à-dire que tous les éléments...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT