Banco Santander, SA v Cristobalina Sánchez López.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:505
Docket NumberC-598/15
Celex Number62015CC0598
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - inadmisible
Date29 June 2017
62015CC0598

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 29 juin 2017 ( 1 )

Affaire C‑598/15

Banco Santander SA

contre

Cristobalina Sánchez López

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de Primera Instancia de Jerez de la Frontera (tribunal de première instance de Jerez de la Frontera, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats de crédit conclus avec les consommateurs – Pouvoirs du juge national de soulever d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle d’un contrat hypothécaire dans le cadre d’une procédure simplifiée de reconnaissance des droits inscrits au registre immobilier »

1.

La présente demande de décision préjudicielle, qui porte en substance sur l’interprétation des articles 3, 6 et 7 de la directive 93/13/CEE ( 2 ), invite la Cour à fournir certaines précisions sur les pouvoirs devant être reconnus au juge national au titre de l’effectivité de la protection des consommateurs garantie par cette directive.

2.

Cette affaire, qui s’inscrit dans le prolongement de divers précédents jurisprudentiels relatifs à la procédure espagnole d’exécution hypothécaire ( 3 ), se rapporte plus précisément à une procédure d’exécution dite « simplifiée » faisant suite à l’engagement, menée devant notaire, d’une procédure de mise en œuvre extrajudiciaire d’une garantie hypothécaire. Il ressort du droit espagnol applicable aux faits de l’affaire au principal que cette procédure simplifiée est destinée à protéger et à faire exécuter les droits réels inscrits notamment au registre immobilier. La question se pose ainsi de savoir si l’effectivité de la protection des consommateurs découlant de la directive 93/13 exige que le juge national soit en mesure de contrôler l’éventuel caractère abusif des clauses contenues dans un contrat hypothécaire à un stade bien postérieur à la cession de propriété du bien qui avait été hypothéqué.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3.

L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit :

« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »

4.

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 énonce :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

5.

Conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, « [l]es États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel ».

Le droit espagnol

6.

La Ley 1/2000, de Enjuiciamento Civil (loi 1/2000, relative à la procédure civile), du 7 janvier 2000 ( 4 ), prévoit, à son article 250, paragraphe 1, ce qui suit :

« Le tribunal se prononce dans le cadre de la procédure simplifiée, quel que soit le montant, sur les demandes suivantes :

[...]

celles qui, invoquées par les titulaires de droits réels inscrits au registre immobilier, tendent à ce que ces droits soient ramenés à exécution à l’encontre des personnes qui s’opposent à ceux-ci ou perturbent leur exercice, alors qu’elles ne disposent pas de titre inscrit qui légitimerait leur opposition ou cette perturbation. »

7.

En vertu de l’article 444, paragraphe 2, de la LEC, la partie défenderesse doit, à la demande de la partie requérante, verser la caution déterminée par le tribunal pour pouvoir s’opposer à la demande formulée dans le cadre de la procédure de l’article 250, paragraphe 1, point 7, de la LEC. En outre, les motifs d’opposition qu’elle est en droit d’invoquer sont énumérés limitativement à l’article 444, paragraphe 2, de la LEC. N’en fait pas partie le motif tiré de l’existence de clauses abusives dans le contrat de prêt hypothécaire à l’origine de la vente extrajudiciaire.

8.

En vertu de l’article 440, paragraphe 2, de la LEC, si la partie défenderesse ne comparaît pas devant le tribunal ou si elle comparaît sans verser la caution, le juge est tenu, après avoir entendu la partie défenderesse, de rendre une décision ordonnant la mise en possession de l’immeuble et l’expulsion de son occupant.

9.

La réalisation extrajudiciaire d’un droit hypothécaire est notamment réglementée par l’article 41 de la Ley Hipotecaria (loi hypothécaire, ci-après la « LH ») ( 5 ). Cette disposition prévoyait, dans sa version applicable aux faits de l’affaire au principal, ce qui suit :

« Les actions réelles qui résultent des droits inscrits peuvent être exercées au moyen de la procédure simplifiée réglementée dans la [LEC] à l’encontre des personnes qui, sans disposer de titre inscrit, s’opposent à ces droits ou perturbent leur exercice. Ces actions, qui reposent sur la légitimation de l’inscription au registre que reconnaît l’article 38, exigent toujours que soit attestée la validité, sans aucune contradiction, de l’inscription correspondante, sur attestation du conservateur du registre. »

10.

L’article 129 de la LH dispose que « [l]’action hypothécaire peut être exercée directement sur les biens hypothéqués, son exercice étant soumis aux dispositions [de la LEC] [...] De surcroît, les parties peuvent convenir, dans l’acte de constitution de l’hypothèque, de la vente extrajudiciaire du bien hypothéqué [...] dans l’hypothèse d’un manquement à l’obligation garantie. La vente extrajudiciaire est réalisée par l’intermédiaire d’un notaire, suivant les formalités prévues dans le règlement hypothécaire ».

11.

Le Decreto por el que se aprueba el Reglamento Hipotecario (décret approuvant le règlement hypothécaire), du 14 février 1947 ( 6 ), précise le déroulement de la procédure de vente extrajudiciaire.

12.

Selon l’article 234 du RH :

« 1. La réalisation extrajudiciaire de l’hypothèque qui est prévue par l’article 129 de la [LH] exige que l’acte de constitution de l’hypothèque stipule que les parties se soumettent à cette procédure et que les informations suivantes y soient indiquées :

1)

la valeur à laquelle le bien immobilier est estimé par les intéressés, afin de servir de valeur pour la vente aux enchères [...]

2)

le domicile désigné par la personne constituant l’hypothèque pour la délivrance des demandes et notifications [...]

3)

la personne qui, le jour venu, doit consentir à l’acte de vente du bien immobilier en représentation du constituant. À cette fin, le créancier lui-même peut être désigné.

2. La clause en vertu de laquelle les parties souscrivant le prêt et garantissant l’hypothèque acceptent d’être soumises à la procédure de réalisation extrajudiciaire de l’hypothèque doit apparaître séparément des autres stipulations de l’acte. »

13.

L’article 236-l du RH énonce :

« 1. La meilleure offre ou l’adjudication ayant été vérifiée et, le cas échéant, le prix ayant été consigné, le notaire procède à l’inscription de l’acte sur la liste annuelle des documents qui sont authentifiés par ses soins et le meilleur offrant ou l’adjudicataire, d’une part, et le propriétaire du logement, d’autre part, font constater leur accord en la forme authentique [...]

[...]

3. L’acte authentique constitue un titre suffisant pour l’inscription (au registre immobilier) en faveur du meilleur offrant ou de l’adjudicataire [...] »

14.

L’article 236-m du RH dispose :

« L’adjudicataire peut demander la mise en possession des biens acquis auprès du juge de première instance du lieu où ces biens sont situés. »

15.

L’article 236-ñ du RH dispose :

« 1. Le notaire ne suspend les actions que lorsque des documents établissent [l’existence d’une procédure pénale ayant pour objet l’éventuel faux du titre hypothécaire ou lorsque le registre (immobilier) indique qu’un titre d’annulation de l’hypothèque a été présenté postérieurement] [...]

2. Après avoir vérifié certaines des circonstances prévues au point antérieur, le notaire sursoit à la réalisation extrajudiciaire de l’hypothèque jusqu’à, selon le cas, la fin de la procédure pénale ou la fin de la procédure d’enregistrement. La réalisation extrajudiciaire de l’hypothèque reprend, à la demande du créancier poursuivant, si le titre n’est pas déclaré comme étant un faux ou si l’annulation de l’hypothèque n’est pas inscrite. »

16.

En vertu de l’article 236-o du RH :

« En ce qui concerne les autres exceptions susceptibles d’être soulevées par le débiteur, les détenteurs tiers et les autres personnes intéressées, il y a lieu de s’en tenir aux dispositions des cinq derniers paragraphes de l’article 132 de la [LH] lorsque celui-ci s’applique. »

17.

La cinquième disposition transitoire de la Ley 1/2013, de medidas para reforzar la protección a los deudores hipotecarios, reestructuración de deuda y alquiler social (loi 1/2013, relative aux mesures visant à renforcer la protection des débiteurs hypothécaires, la restructuration de la dette et le loyer social), du 14 mai 2013 ( 7 ), a modifié à divers égards l’article 129 de la LH. Elle précise que ces modifications s’appliquent aux ventes extrajudiciaires de biens hypothéqués dont le processus a été engagé après...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT