Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 15 November 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:919
Date15 November 2018
Celex Number62017CC0483
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-483/17
62017CC0483

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 15 novembre 2018 ( 1 )

Affaire C‑483/17

Neculai Tarola

contre

Minister for Social Protection

[demande de décision préjudicielle formée par la Court of Appeal (Cour d’appel, Irlande)]

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Libre circulation des personnes – Directive 2004/38/CE – Droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres – Article 7, paragraphe 1, sous a) – Travailleurs salariés – Article 7, paragraphe 3, sous c) – Droit de séjour de plus de trois mois – Ressortissant d’un État membre ayant exercé une activité salariée dans un autre État membre pendant une période de quinze jours – Chômage involontaire – Conservation du statut de travailleur pendant au moins six mois »

I. Introduction

1.

Un citoyen de l’Union qui a exercé ses droits à la liberté de circulation et de séjour conformément à la directive 2004/38/CE ( 2 ) et a travaillé dans un État membre autre que le sien pendant une période de deux semaines, et qui perd involontairement son emploi salarié, conserve-t-il le statut de travailleur et, donc, le droit de séjour correspondant ?

2.

Telle est, en substance, la question préjudicielle que la Court of Appeal (Cour d’appel, Irlande) soumet à la Cour. La question a été soulevée à l’occasion d’une action introduite par un ressortissant roumain contre le Minister for Social Protection (ministre de la Protection sociale, Irlande) à la suite du rejet par ce dernier de sa demande d’octroi de l’allocation de demandeur d’emploi.

3.

Dans la présente affaire, la Cour est donc invitée pour la première fois à interpréter l’article 7, paragraphe 3, sous c), de cette directive.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4.

Les considérants 3, 9 et 10 de la directive 2004/38 énoncent :

« (3)

La citoyenneté de l’Union devrait constituer le statut de base des ressortissants des États membres lorsqu’ils exercent leur droit de circuler et de séjourner librement. Il est par conséquent nécessaire de codifier et de revoir les instruments communautaires existants qui visent séparément les travailleurs salariés, les non-salariés, les étudiants et autres personnes sans emploi en vue de simplifier et de renforcer le droit à la liberté de circulation et de séjour de tous les citoyens de l’Union.

[...]

(9)

Les citoyens de l’Union devraient avoir le droit de séjourner dans l’État membre d’accueil pendant une période ne dépassant pas trois mois sans être soumis à aucune condition ni à aucune formalité autre que l’obligation de posséder une carte d’identité ou un passeport en cours de validité, sans préjudice d’un traitement plus favorable applicable aux demandeurs d’emploi, selon la jurisprudence de la Cour de justice.

(10)

Il convient cependant d’éviter que les personnes exerçant leur droit de séjour ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant une première période de séjour. L’exercice du droit de séjour des citoyens de l’Union et des membres de leur famille, pour des périodes supérieures à trois mois, devrait, dès lors, rester soumis à certaines conditions. »

5.

L’article 1er de cette directive dispose :

« La présente directive concerne :

a)

les conditions d’exercice du droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;

[...] »

6.

L’article 7 de ladite directive, intitulé « Droit de séjour de plus de trois mois », prévoit, à ses paragraphes 1 et 3 :

« 1. Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois :

a)

s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans l’État membre d’accueil [...]

[...]

3. Aux fins du paragraphe 1, point a), le citoyen de l’Union qui n’exerce plus d’activité salariée ou non salariée conserve la qualité de travailleur salarié ou de non-salarié dans les cas suivants :

[...]

b)

s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté après avoir été employé pendant plus d’un an et s’est fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent ;

c)

s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté à la fin de son contrat de travail à durée déterminée inférieure à un an ou après avoir été involontairement au chômage pendant les douze premiers mois et s’est fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent ; dans ce cas, il conserve le statut de travailleur pendant au moins six mois ;

[...] »

B. Le droit irlandais

7.

L’article 6, paragraphe 2, sous a) et c), des European Communities (Free Movement of Persons) (no 2) Regulations 2006 [règlement relatif aux Communautés européennes (libre circulation des personnes) (no 2) de 2006] (ci-après le « règlement de 2006 »), qui a transposé en droit irlandais l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38, prévoit :

« a)

Sous réserve de l’article 20, un citoyen de l’Union peut séjourner sur le territoire de l’État pour une durée de plus de trois mois :

i)

s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans l’État ;

[...]

c)

Sous réserve de l’article 20, une personne à qui s’applique le point a), sous i), peut rester dans l’État lors de la cessation de l’activité visée audit point si

[...]

ii)

elle se trouve en chômage involontaire dûment constaté après avoir été employée pendant plus d’un an et s’est fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service compétent du Department of Social and Family Affairs (ministère des Affaires sociales et familiales, Irlande) et du FÁS [Foras Áiseanna Saothair (autorité pour la formation et l’emploi, Irlande)] [...] »

iii)

sous réserve du point d), elle se trouve en chômage involontaire dûment constaté à la fin de son contrat de travail à durée déterminée inferieure à un an ou après avoir été involontairement au chômage pendant les douze premiers mois et s’est fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service compétent du Department of Social and Family Affairs (ministère des Affaires sociales et familiales) et du FÁS [Foras Áiseanna Saothair (autorité pour la formation et l’emploi)] [...] ».

III. Les faits à l’origine du litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

8.

M. Neculai Tarola est un ressortissant roumain arrivé pour la première fois en Irlande en mai 2007, où il a été employé du 5 au 30 juillet 2007, puis du 15 août au 14 septembre 2007. Il n’est pas établi qu’il soit demeuré en Irlande entre 2007 et 2013. En revanche, il est constant qu’il a de nouveau été employé en Irlande du 22 juillet au 24 septembre 2013 par ASF Recruitment Ltd, puis du 8 au 22 juillet 2014 par Marren Brothers Ltd. Au titre de ce dernier emploi, il a perçu une rémunération de 1309 euros. Il a, par ailleurs, également travaillé en tant que sous-traitant indépendant du 17 novembre au 5 décembre 2014.

9.

Le 21 septembre 2013, M. Tarola a introduit auprès du ministre de la Protection sociale une demande d’allocation de demandeur d’emploi (jobseeker’s allowance). Cette demande a été rejetée au motif qu’il n’avait apporté la preuve ni de sa résidence habituelle en Irlande, ni de ses ressources pour la période du 15 septembre 2007 au 22 juillet 2013.

10.

Le 26 novembre 2013, M. Tarola a introduit une demande d’allocation d’assistance sociale complémentaire (supplementary welfare allowance). Cette demande a également été rejetée au motif qu’il n’avait pas été en mesure de produire les éléments établissant la façon dont il avait subvenu à ses besoins et payé son loyer du mois de septembre 2013 au 14 avril 2014.

11.

C’est pourquoi M. Tarola a formé un recours en révision de la décision du 26 novembre 2014 devant le ministre de la Protection sociale (Irlande). Ce recours a été rejeté au motif que la courte période de travail que M. Tarola avait accomplie en juillet 2014 n’était pas de nature à remettre en cause le constat selon lequel il n’avait pas sa résidence habituelle en Irlande. Il est établi que M. Tarola s’est fait enregistrer en tant que demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent.

12.

Le 10 mars 2015, M. Tarola a demandé au ministre de la Protection sociale de réexaminer sa décision du 26 novembre 2014, faisant notamment valoir que, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/38, il avait le droit de résider en Irlande en tant que travailleur pendant six mois après la cessation de son activité professionnelle en juillet 2014. Cette demande a été rejetée le 31 mars 2015 au motif que, depuis son arrivée en Irlande, il n’avait pas travaillé plus d’un an et ne disposait pas de ressources propres suffisantes pour subvenir à ses besoins.

13.

M. Tarola a alors introduit un recours contre la décision du 31 mars 2015 devant la High Court (Haute Cour, Irlande). Ce recours a été rejeté, au motif qu’il ne remplissait pas les conditions prévues à l’article 6, paragraphe 2, sous c), iii), du règlement de 2006. Plus précisément, la High Court (Haute Cour) a jugé que M. Tarola ne pouvait pas être considéré comme un « travailleur » et, donc, comme résidant habituellement en Irlande, et que, par conséquent, il ne pouvait pas prétendre à une assistance sociale à ce titre. En effet, la juridiction a considéré que cette disposition visait exclusivement les...

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