Van Doren + Q. GmbH v Lifestyle sports + sportswear Handelsgesellschaft mbH and Michael Orth.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2002:381
Date18 June 2002
Celex Number62000CC0244
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-244/00
EUR-Lex - 62000C0244 - FR 62000C0244

Conclusions de l'avocat général Stix-Hackl présentées le 18 juin 2002. - Van Doren + Q. GmbH contre Lifestyle sports + sportswear Handelsgesellschaft mbH et Michael Orth. - Demande de décision préjudicielle: Bundesgerichtshof - Allemagne. - Marques - Directive 89/104/CEE - Article 7, paragraphe 1 - Épuisement du droit conféré par la marque - Preuve - Lieu de première mise dans le commerce des produits par le titulaire de la marque ou avec son consentement - Consentement du titulaire à une mise dans le commerce dans l'EEE. - Affaire C-244/00.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-03051


Conclusions de l'avocat général

I- Introduction

1. L'épuisement des droits de propriété intellectuelle - en l'occurrence des droits tirés de la marque - interdit au titulaire de ces droits de s'opposer à la commercialisation ultérieure de marchandises marquées, dès lors que ces dernières ont été mises dans le commerce par lui ou avec son consentement. La directive 89/104/CEE (ci-après la «directive») prévoit en son article 7, paragraphe 1, l'épuisement communautaire - qui s'étend aujourd'hui à tout l'Espace économique européen (ci-après l'«EEE») - des droits conférés par la marque. Nous savons que l'interprétation de cette disposition a déjà fait l'objet de plusieurs arrêts de la Cour , qui ont précisé l'harmonisation des dispositions nationales sur ce point en particulier.

2. Dans la présente affaire, la Cour de justice est saisie d'une problématique qui n'est pas directement abordée dans la directive, bien qu'elle lui soit connexe, à savoir la répartition de la charge de la preuve en droit national lors d'une importation parallèle. La juridiction de renvoi - le Bundesgerichtshof allemand - veut en substance savoir si les articles 28 CE et 30 CE sont compatibles avec une règle nationale en matière de preuve qui impose, dans le cadre d'un recours en justice au titre de la violation d'une marque, au défendeur de faire la preuve des conditions d'application de l'épuisement, c'est-à-dire de la commercialisation de la marchandise dans l'EEE par le titulaire de la marque ou avec le consentement de celui-ci.

3. Il n'est pas contesté dans la procédure au principal que la personne assignée en justice au titre de la violation de droits tirés de la marque vend des marchandises d'origine. Par contre, nous ne savons pas avec certitude où ces marchandises ont été mises dans le commerce pour la première fois. En ce sens, la présente espèce se distingue de l'affaire Zino Davidoff et Levi Strauss , où le lieu de la première mise dans le commerce - en dehors de l'EEE - était connu.

4. Cependant, dans un régime où l'épuisement se limite à une zone géographique déterminée - à savoir le territoire de l'EEE -, le lieu de la première commercialisation de la marchandise marquée revêt une importance particulière. En effet, lorsqu'il est constant que la marchandise a été commercialisée par le titulaire de la marque ou avec son consentement, l'épuisement des droits tirés de la marque dépend du point de savoir si son titulaire a acquiescé à la commercialisation du produit dans l'EEE. Dans un tel cas de figure, la question de l'épuisement ne se pose en bonne logique que si la première commercialisation des marchandises en question a eu lieu en dehors de l'EEE.

5. Le lieu de la première mise dans le commerce est dès lors déterminant, dans la mesure où, lorsque les marchandises ont été commercialisées par le titulaire de la marque ou avec son consentement dans l'EEE, les droits tirés de la marque doivent ipso facto être considérés comme épuisés en application de l'article 7, paragraphe 1, de la directive, alors que, si la commercialisation a eu lieu en dehors de l'EEE, l'épuisement ne peut être retenu que si le titulaire de la marque a donné son consentement à la commercialisation dans l'EEE.

II - Cadre juridique

A - Droit communautaire

6. L'article 5 de la directive dispose:

«Droits conférés par la marque

1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

a) d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

[...]

3. Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit: [...].

[...]

b) d'offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe;

c) d'importer ou d'exporter les produits sous le signe;

[...]».

7. L'article 7 de la directive est intitulé «Épuisement du droit conféré par la marque». Son paragraphe 1 dispose:

«Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.»

8. Conformément aux dispositions combinées de l'article 65, paragraphe 2, et du point 4 de l'annexe XVII de l'accord sur l'Espace économique européen, l'article 7, paragraphe 1, de la directive a été modifié aux fins de l'accord en substituant aux termes «dans la Communauté» les mots «sur le territoire d'une partie contractante».

B - Le droit national

9. L'article 5, paragraphes 1 et 3, de la directive a été transposé en droit allemand par l'article 14, paragraphes 1 à 3, du Gesetz über den Schutz von Marken und sonstigen Kennzeichen (loi relative à la protection des marques et d'autres signes, ci-après le «MarkenG») du 25 octobre 1994 ; la transposition de l'article 7, paragraphe 1, de la directive a été assurée par l'article 24, paragraphe 1, du MarkenG.

10. L'article 14 du MarkenG dispose notamment que:

«(1) L'obtention de la protection de la marque au sens de l'article 4 confère à son titulaire un droit exclusif.

(2) En l'absence du consentement du titulaire de la marque, il est interdit aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires

1. d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est protégée,

[...]

(3) Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il est notamment interdit:

1. d'apposer le signe sur des produits ou sur leur conditionnement ou leur emballage;

2. d'offrir des produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins;

3. d'offrir ou de fournir des services sous le signe, d'importer ou d'exporter des produits sous le signe;

4. d'utiliser le signe dans les papiers d'affaires ou la publicité

[...]».

11. L'article 24, paragraphe 1, du MarkenG dispose:

«Le titulaire d'une marque ou d'une dénomination commerciale n'a pas le droit d'interdire à un tiers de l'utiliser pour des produits qui ont été mis dans le commerce sous cette marque ou dénomination commerciale par lui ou avec son autorisation dans le pays, dans l'un des autres États membres de l'Union européenne ou dans l'un des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen.»

III - Les faits

12. STUSSY Inc. (ci-après «STUSSY»), société établie à Irvine (Californie), est titulaire de la marque nominative et figurative «Stüssy», enregistrée pour des vêtements, en particulier des chemises, shorts, tenues de bain, tee-shirts, survêtements, vestes et pantalons. Les produits revêtus de cette marque sont commercialisés dans le monde entier. Ils ne portent pas de signes particuliers permettant de les rattacher à une zone de distribution déterminée.

13. Van Doren + Q. GmbH (ci-après la «partie demanderesse»), société établie à Cologne (Allemagne), grossiste et détaillant en vêtements, a obtenu les droits exclusifs de commercialisation des produits de STUSSY en Allemagne, en vertu d'un contrat de distribution conclu le 1er mai 1995. STUSSY l'a habilitée à introduire en son nom propre des procédures judiciaires en cessation et en indemnisation, du chef de violations de la marque.

14. Selon van Doren, les produits de la marque Stüssy n'ont, dans chaque pays de l'EEE, qu'un seul distributeur exclusif (importateur général), qui est contractuellement tenu de ne pas les céder à des intermédiaires en vue de leur commercialisation en dehors de la zone qui lui a été assignée.

15. Lifestyle sports + sportswear Handelsgesellschaft mbH, dont le gérant est M. Orth (la société et son gérant seront dénommés conjointement ci-après les «parties défenderesses»), commercialise en Allemagne des produits de la marque Stüssy, qu'elle n'a pas acquis auprès de la partie demanderesse.

16. Cette dernière a introduit devant les juridictions allemandes une action dirigée contre les parties défenderesses. Elle a demandé qu'elles soient condamnées à cesser cette commercialisation ainsi qu'à fournir des informations sur leurs activités depuis le 1er janvier 1995, et que soit constatée une obligation d'indemnisation à compter de cette dernière date. Elle a affirmé que les articles distribués par Lifestyle avaient été initialement commercialisés aux États-Unis et que le titulaire de la marque n'avait pas autorisé leur commercialisation en Allemagne ou dans un autre État de l'Union européenne.

17. Les parties défenderesses ont conclu au rejet de ces demandes en invoquant l'épuisement des droits conférés par la marque en ce qui concerne les marchandises en cause. Celles-ci auraient été acquises dans l'EEE, où elles auraient été commercialisées par le titulaire de la marque ou avec son consentement. Le vêtement acheté au mois d'octobre 1996 à titre de test auprès de Lifestyle aurait été acquis par cette dernière dans l'EEE, auprès d'un intermédiaire qui, comme le supposent les parties défenderesses, l'avait lui-même acheté à un distributeur agréé.

18. Les parties défenderesses ont fait valoir qu'elles n'étaient pas tenues de révéler le nom de leurs fournisseurs, tant que la partie requérante n'établirait pas l'étanchéité absolue de son système de...

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