European Commission v Kingdom of Denmark.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:894
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-541/16
Date23 November 2017
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62016CC0541
62016CC0541

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 23 novembre 2017 ( 1 )

Affaire C‑541/16

Commission européenne

contre

Royaume de Danemark

« Manquement d’État – Transport de marchandises par route – Règlement (CE) no 1072/2009 – Article 2, paragraphe 6 – Notion de “transport de cabotage” – Article 8, paragraphe 2 – Limitation à trois transports de cabotage dans un délai de sept jours à partir du dernier déchargement effectué au cours d’un transport international – Règle nationale permettant à un transport de cabotage de comporter soit plusieurs points de chargement, soit plusieurs points de déchargement, mais non les deux – Force juridique des “Questions et réponses” adoptées par la Commission et publiées sur son site Internet, qui n’ont pas fait l’objet d’un vote du comité des transports routiers »

1.

La prestation de services de transport international de fret routier dans l’Union européenne ne fait pas l’objet de quotas ou de restrictions en termes de volume ou de fréquence des services ( 2 ). En revanche, le cabotage, qui peut être défini comme la prestation de services de transport national de fret routier, fait l’objet de restrictions lorsqu’il est effectué par des transporteurs non-résidents. Bien qu’aucun quota ne s’applique à la prestation de services de cabotage par des transporteurs non-résidents, ces transporteurs ne sont, selon l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1072/2009, autorisés qu’à effectuer trois transports de cabotage consécutifs à un transport international en provenance d’un autre État membre ou d’un pays tiers. En outre, ces trois transports doivent avoir lieu dans les sept jours suivant le déchargement du transport international.

2.

L’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1072/2009, que l’on désigne comme la règle « trois en sept » ( 3 ), fait l’objet d’interprétations différentes au niveau national ( 4 ). Des difficultés sont apparues en ce qui concerne, notamment, la comptabilisation des transports de cabotage.

3.

Les dispositions nationales qui sont l’objet de la présente affaire sont les règles danoises qui prévoient qu’un transport de cabotage peut comporter soit plusieurs points de chargement, soit plusieurs points de déchargement, mais non les deux.

4.

La Commission européenne, pour sa part, considère qu’un transport de cabotage peut comporter plusieurs points de chargement et plusieurs points de déchargement. Par conséquent, elle a saisi la Cour, sur le fondement de l’article 258, deuxième alinéa, TFUE, d’un recours tendant à constater que, en refusant de comptabiliser comme un transport de cabotage un transport comportant plusieurs points de chargement et plusieurs points de déchargement, le Royaume de Danemark a manqué aux obligations qui lui incombent au titre du règlement no 1072/2009.

5.

Je souligne que, alors que le cabotage représente une très faible part du transport national de marchandises par route au Danemark ( 5 ) et que le cabotage illégal y est peu important ( 6 ), l’interprétation de la règle « trois en sept » peut néanmoins revêtir une importance pour cet État membre du fait que le Danemark semble être particulièrement affecté par ce que l’on appelle le « cabotage systématique », une pratique où « les transporteurs passent la majorité de leur temps à effectuer des transports nationaux dans un autre pays de l’Union ». Cette pratique semble due aux salaires relativement élevés des conducteurs au Danemark ( 7 ) ainsi, probablement, qu’à la géographie de cet État membre.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

6.

L’article 2 du règlement no 1072/2009 prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[…]

6)

“transports de cabotage”, des transports nationaux pour compte d’autrui assurés à titre temporaire dans un État membre d’accueil, dans le respect du présent règlement ;

[…] »

7.

Aux termes de l’article 8 du règlement no 1072/2009 :

« 1. Tout transporteur de marchandises par route pour compte d’autrui qui est titulaire d’une licence [de l’Union] et dont le conducteur, s’il est ressortissant d’un pays tiers, est muni d’une attestation de conducteur, est admis, aux conditions fixées par le présent chapitre, à effectuer des transports de cabotage.

2. Une fois que les marchandises transportées au cours d’un transport international à destination de l’État membre d’accueil ont été livrées, les transporteurs visés au paragraphe 1 sont autorisés à effectuer, avec le même véhicule, ou, s’il s’agit d’un ensemble de véhicules couplés, avec le véhicule à moteur de ce même véhicule jusqu’à trois transports de cabotage consécutifs à un transport international en provenance d’un autre État membre ou d’un pays tiers à destination de l’État membre d’accueil. Le dernier déchargement au cours d’un transport de cabotage avant de quitter l’État membre d’accueil a lieu dans un délai de sept jours à partir du dernier déchargement effectué dans l’État membre d’accueil au cours de l’opération de transport international à destination de celui‑ci.

Dans le délai visé au premier alinéa, les transporteurs peuvent effectuer une partie ou l’ensemble des transports de cabotage autorisés en vertu dudit alinéa dans tout État membre, à condition qu’ils soient limités à un transport de cabotage par État membre dans les trois jours suivant l’entrée à vide sur le territoire de cet État membre.

[…] »

B. Le droit danois

8.

Le point 3 des lignes directrices relatives aux règles sur le cabotage routier du règlement no 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route ( 8 ) (ci-après les « lignes directrices sur le cabotage »), que le Trafikstyrelsen (l’Office des transports) a publiées sur son site Internet le 21 mai 2010, indique :

« On entend par “transport de cabotage” un transport national de marchandises depuis leur chargement jusqu’à leur déchargement chez le destinataire indiqué dans le bordereau d’expédition. Un transport de cabotage peut comporter soit plusieurs points de chargement, soit plusieurs points de déchargement.

[…] »

II. La procédure précontentieuse

9.

Par lettres des 9 septembre et 2 octobre 2013, la Commission a demandé au Royaume de Danemark, dans le cadre d’une procédure pilote de l’Union ( 9 ), de fournir des informations sur les règles nationales relatives au cabotage. Le Royaume de Danemark a répondu par lettres des 18 novembre et 12 décembre 2013.

10.

Le 11 juillet 2014, la Commission, que ces réponses n’ont pas convaincue, a adressé au Royaume de Danemark une lettre de mise en demeure, où elle soutenait, notamment, que cet État membre avait violé l’article 2 et l’article 8 du règlement no 1072/2009. D’après la Commission, les lignes directrices sur le cabotage, selon lesquelles un transport de cabotage peut comporter soit plusieurs points de chargement, soit plusieurs points de déchargement, mais non les deux, étaient incompatibles avec ces dispositions, qui ne fixaient pas un nombre maximum de points de chargement ou de déchargement.

11.

Par lettre du 9 septembre 2014, le Royaume de Danemark a présenté ses observations sur la lettre de mise en demeure.

12.

Le 25 septembre 2015, la Commission a adressé un avis motivé au Royaume de Danemark. Elle y indiquait, notamment, que la définition d’un transport de cabotage comme comportant soit plusieurs points de chargement, soit plusieurs points de déchargement, était incompatible avec l’article 2, paragraphe 6, et l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1072/2009.

13.

Par lettre du 25 novembre 2015, le Royaume de Danemark a présenté ses observations sur l’avis motivé.

14.

Les arguments du Royaume de Danemark ne l’ayant pas convaincue, la Commission a, le 25 octobre 2016, introduit le présent recours.

III. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

15.

La Commission demande à la Cour de constater que le Royaume de Danemark a manqué à ses obligations au titre de l’article 2, paragraphe 6, et de l’article 8 du règlement no 1072/2009 et de condamner le Royaume de Danemark aux dépens.

16.

Le Royaume de Danemark demande à la Cour de rejeter le recours, dès lors qu’il n’a pas violé les dispositions du règlement no 1072/2009 afférentes au cabotage. Le Royaume de Danemark demande également à ce que la Commission soit condamnée aux dépens.

17.

Des observations écrites ont été présentées par la Commission et le Royaume de Danemark. Ces parties ont également été entendues lors de l’audience du 11 octobre 2017.

IV. Analyse

A. Arguments des parties

18.

La Commission fait valoir qu’en permettant qu’un transport de cabotage comporte soit plusieurs points de chargement, soit plusieurs points de déchargement, mais non les deux, le Royaume de Danemark a manqué à ses obligations au titre de l’article 2, paragraphe 6, et de l’article 8 du règlement no 1072/2009.

19.

En premier lieu, la Commission affirme que l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1072/2009 ne prévoit pas qu’un même transport de cabotage ait un nombre maximal de points de chargement et/ou de déchargement. Par conséquent, un tel transport peut avoir n’importe quel nombre de points de chargement et/ou de déchargement. Dès lors, les lignes directrices sur le cabotage, selon lesquelles un transport de cabotage peut comporter soit plusieurs points de chargement, soit plusieurs points de déchargement, mais non les deux, ajoutent une nouvelle condition à celles prévues par le règlement no 1072/2009. En effet, ce règlement limite le...

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