Opinion of Advocate General Bobek delivered on 22 February 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:96
Docket NumberC-59/17
Celex Number62017CC0059
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - sobreseimiento
Date22 February 2018
62017CC0059

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 22 février 2018 ( 1 )

Affaire C‑59/17

SCI Château du Grand Bois

contre

Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer)

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]

« Renvoi préjudiciel – Agriculture – Règlement (CE) no 555/2008 – Restructuration et reconversion des vignobles – Aides aux viticulteurs – Prime à l’arrachage – Contrôles sur place inopinés – Nécessité d’une permission pour pénétrer sur les terres de l’exploitation – Terres closes ou non – Inviolabilité du domicile – Droit de propriété »

I. Introduction

1.

En vertu de l’article 81 du règlement (CE) no 555/2008 ( 2 ), les destinataires d’une prime à l’arrachage font l’objet de contrôles sur place avant et après l’exécution de l’arrachage. Les contrôles sur place constituent une des méthodes pour effectuer ces inspections. Ainsi que le précise l’article 78, paragraphe 1, du règlement no 555/2008, ces contrôles sur place sont, en principe, effectués de manière inopinée.

2.

Le litige au principal oppose le demandeur d’une prime, la SCI Château du Grand Bois, et l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer). Ce litige a conduit le Conseil d’État (France) à demander à la Cour si le règlement no 555/2008 peut être interprété en ce sens qu’il autorise les agents de contrôle à pénétrer sur le vignoble en question pour y effectuer des contrôles sur place sans avoir obtenu la permission du demandeur de la prime, tout en respectant le principe de l’inviolabilité du domicile.

II. Le cadre juridique

A. La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

3.

En vertu de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux (ci-après la « Charte »), « [t]oute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ».

4.

Aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, « [t]oute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général ».

B. Le règlement (CE) no 479/2008

5.

L’article 3 du règlement (CE) no 479/2008 ( 3 ) portant organisation commune du marché vitivinicole, applicable à l’époque des faits, disposait que « [l]e présent chapitre établit les règles régissant l’octroi de fonds communautaires aux États membres et l’utilisation de ces fonds par les États membres, par l’intermédiaire de programmes d’aide nationaux […], afin de financer des mesures d’aide spécifiques visant à soutenir le secteur vitivinicole ».

6.

L’article 4, paragraphe 2, de ce règlement disposait :

« Les États membres assument la responsabilité des programmes d’aide et veillent à ce qu’ils soient cohérents sur le plan interne et à ce que leur conception et leur mise en œuvre se fassent avec objectivité en tenant compte de la situation économique des producteurs concernés et de la nécessité d’éviter des différences de traitement injustifiées entre producteurs.

Il incombe aux États membres de prévoir et d’appliquer les contrôles et les sanctions nécessaires en cas de manquement aux programmes d’aide. »

7.

L’article 11 traitait de la restructuration et de la reconversion des vignobles. Selon son paragraphe premier, « [l]objectif des mesures en matière de restructuration et de reconversion des vignobles est d’accroître la compétitivité des viticulteurs ».

8.

Le chapitre III du titre V prévoyait les conditions dans lesquelles une prime serait accordée en échange de l’arrachage de vigne (la « prime à l’arrachage »).

9.

L’annexe I, point 2, définissait l’arrachage comme l’« élimination complète des souches se trouvant sur une superficie plantée en vigne ».

C. Le règlement no 555/2008

10.

Le considérant 73 du règlement no 555/2008 précise : « Pour contribuer à une application uniforme de la réglementation dans toute la Communauté, il convient que les États membres prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte que le personnel des instances compétentes dispose des pouvoirs d’investigation appropriés pour assurer le respect de la réglementation ».

11.

Le titre V du règlement no 555/2008 porte sur les contrôles applicables dans le secteur vitivinicole. Son chapitre I énonce les principes applicables aux contrôles devant être effectués. La première disposition de ce chapitre, l’article 76, prévoit :

« Sans préjudice des dispositions particulières du présent règlement ou d’autres instruments législatifs communautaires, les États membres instaurent des contrôles et des mesures lorsque ceux-ci sont nécessaires pour garantir la bonne application du règlement (CE) no 479/2008 et du présent règlement. Ces contrôles doivent revêtir un caractère effectif, proportionné et dissuasif, afin d’assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés.

Les États membres veillent en particulier à ce que :

a)

tous les critères d’admissibilité établis par la législation communautaire, la législation nationale ou le cadre national puissent être contrôlés ;

[…]

d)

les contrôles et mesures soient adaptés à la nature du soutien en cause. Les États membres définissent les méthodes et les moyens de vérification ainsi que les personnes à contrôler ;

e)

les contrôles soient exécutés soit systématiquement, soit par sondage […] ;

f)

que les opérations admises au bénéfice d’un financement communautaire soient authentiques et conformes à la législation communautaire. »

12.

L’article 77 du règlement no 555/2008 se lit comme suit :

« 1. La vérification prend la forme de contrôles administratifs et, le cas échéant, de contrôles sur place.

[…]

3. Sauf lorsque des contrôles sur place systématiques sont prévus par le règlement (CE) no 479/2008 ou par le présent règlement, les autorités compétentes procèdent à des contrôles sur place portant sur un pourcentage approprié de bénéficiaires/producteurs déterminé par échantillonnage sur la base d’une analyse des risques conformément à l’article 79 du présent règlement.

[…] »

13.

L’article 78 du règlement no 555/2008 dispose :

« 1. Les contrôles sur place sont effectués de manière inopinée. Un préavis limité au strict nécessaire peut toutefois être donné, pour autant que cela ne nuise pas à l’objectif du contrôle. Le préavis ne dépasse pas 48 heures, sauf dans des cas dûment justifiés ou dans le cas des mesures pour lesquelles des contrôles sur place systématiques sont prévus.

2. Le cas échéant, les contrôles sur place prévus au présent règlement sont effectués conjointement avec d’autres contrôles prévus par la législation communautaire.

3. La demande ou les demandes d’aide concernées sont rejetées si les bénéficiaires ou leur représentant empêchent la réalisation du contrôle sur place. »

14.

Conformément à l’article 80 du règlement no 555/2008 :

« 1. Chaque contrôle sur place fait l’objet d’un rapport de contrôle rendant compte avec précision des différents éléments du contrôle.

Lorsque le contrôle concerne le financement communautaire, le rapport indique en particulier :

a)

les régimes d’aide et les demandes contrôlées ;

b)

les personnes présentes ;

c)

le cas échéant, les parcelles agricoles contrôlées, les parcelles agricoles mesurées et les résultats des mesures par parcelle agricole mesurée, ainsi que les techniques de mesure utilisées ;

d)

dans le cas du régime d’arrachage, si la superficie concernée a été correctement entretenue ;

e)

les quantités couvertes par le contrôle et les résultats de ce contrôle ;

f)

si le bénéficiaire/producteur a été averti de la visite et, dans l’affirmative, quel était le délai de préavis ;

g)

toute autre mesure de contrôle mise en œuvre.

2. Lorsque des divergences sont constatées entres les informations figurant dans la demande et la situation réelle observée lors du contrôle effectué sur place ou par télédétection, l’exploitant reçoit une copie du rapport de contrôle et bénéficie de la possibilité de signer le rapport avant que l’autorité compétente ne décide de réductions ou d’exclusions sur la base des constatations effectuées. »

15.

Aux termes de l’article 81 TFUE :

« […]

2. Lorsque des droits de replantation sont octroyés en vertu de l’article 92 du règlement (CE) no 479/2008, les superficies font l’objet d’un contrôle systématique avant et après l’exécution de l’arrachage. Les parcelles vérifiées sont celles pour lesquelles un droit de replantation doit être octroyé.

Le contrôle effectué avant l’arrachage comporte une vérification de l’existence du vignoble concerné.

Ce contrôle prend la forme d’un contrôle sur place classique. Toutefois, si l’État membre dispose d’un casier viticole informatisé fiable et actualisé, le contrôle peut être effectué au niveau administratif et l’obligation de réaliser un contrôle sur place avant l’arrachage peut être limitée à 5 % des demandes (annuellement), pour confirmer la fiabilité du système de contrôle administratif. Si les contrôles sur place révèlent des irrégularités ou des différences significatives dans une région ou une partie d’une région, l’autorité compétente augmente en conséquence...

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