Baris Unal v Staatssecretaris van Justitie.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:510
Date21 July 2011
Celex Number62010CC0187
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-187/10

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRALMME SHARPSTON – AFFAIRE C-187/10


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme ELEANOR Sharpston

présentées le 21 juillet 2011 (1)

Affaire C‑187/10

Baris Ünal

contre

Staatssecretaris van Justitie

[demande de décision préjudicielle du Raad van State (Pays-Bas)]

«Accord d’association CEE-Turquie – Décision nº 1/80 du Conseil d’association – Droit de séjour des ressortissants turcs – Permis de séjour accordé à un citoyen turc afin qu’il puisse vivre avec sa compagne – Séparation des parties non notifiée aux autorités compétentes – Retrait du permis de séjour»





1. La juridiction nationale a saisi la Cour d’une demande de décision préjudicielle afin d’obtenir une interprétation de la décision n° 1/80 (2).

2. L’article 6, paragraphe 1, de la décision n° 1/80 confère à tout travailleur turc appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre le droit au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur. La principale question qui se pose dans cette affaire est de savoir si, lorsque le permis de séjour originel du travailleur avait été délivré à la condition qu’il réside avec sa compagne, ce permis de séjour peut être retiré au terme d’un an d’emploi régulier au motif que la relation entre le titulaire du permis et sa compagne avait pris fin avant l’expiration de la période d’un an et avec effet rétroactif à la date à laquelle la relation a pris fin.

Le cadre juridique

La décision n° 1/80

3. L’article 6, paragraphe 1, de la décision n° 1/80 dispose ce qui suit:

«Sous réserve des dispositions de l’article 7 relatif au libre accès à l’emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre:

– a droit, dans cet État membre, après un an d’emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s’il dispose d’un emploi;

– a le droit, dans cet État membre, après trois ans d’emploi régulier et sous réserve de la priorité à accorder aux travailleurs des États membres de la Communauté, de répondre dans la même profession auprès d’un employeur de son choix à une autre offre, faite à des conditions normales, enregistrée auprès des services de l’emploi de cet État membre;

– bénéficie, dans cet État membre, après quatre ans d’emploi régulier, du libre accès à toute activité salariée de son choix.»

La législation néerlandaise

La loi de 2000 sur les étrangers

4. Conformément à l’article 8, sous a), de la loi de 2000 sur les étrangers (Vreemdelingenwet 2000), un citoyen étranger peut résider légalement aux Pays‑Bas lorsqu’il est titulaire d’un permis de séjour régulier à durée déterminée qui lui a été délivré en application de l’article 14.

5. L’article 14, paragraphe 2, prévoit notamment qu’un permis de séjour régulier à durée déterminée peut être assorti de restrictions liées à l’objectif en vue duquel le séjour est autorisé.

6. L’article 16, paragraphe 1, initio et sous g), permet aux autorités néerlandaises de rejeter une demande de permis de séjour régulier à durée déterminée lorsque le demandeur ne s’acquitte pas des obligations résultant de la restriction liée à l’objectif en vue duquel il veut séjourner aux Pays-Bas.

7. L’article 18, paragraphe 1, initio et sous f), permet de rejeter une demande de prorogation d’un permis de séjour régulier à durée déterminée lorsque le demandeur ne s’acquitte pas des obligations liées à la restriction dont le permis est assorti.

8. L’article 19 dispose, notamment, qu’un permis de séjour régulier à durée déterminée peut être retiré pour le motif visé à l’article 18, paragraphe 1, initio et sous f).

L’arrêté de 2000 sur les étrangers

9. L’article 4.43 de l’arrêté de 2000 sur les étrangers (Vreemdelingenbesluit 2000) impose à l’étranger qui séjourne légalement aux Pays-Bas au sens de l’article 8, sous a), de la loi de 2000 sur les étrangers et qui ne remplit plus les conditions liées à la restriction dont son permis de séjour est assorti l’obligation d’en aviser immédiatement le chef du corps de police régional de la région où est située la commune où réside l’étranger.

Changement de résidence

10. Il est constant que la loi néerlandaise exige de tout résident, néerlandais ou étranger, qui change de lieu de résidence qu’il notifie ce changement d’adresse aux autorités tant de la municipalité qu’il quitte qu’à celles de la municipalité où il réside désormais.

La procédure au principal et la question préjudicielle

11. M. Ünal est un ressortissant turc entré aux Pays-Bas le 24 février 2004, en possession d’une autorisation de séjour provisoire. Par décision du 2 septembre 2004, un permis de séjour régulier à durée déterminée lui a été délivré avec effet au 29 mars 2004 et pour une période expirant le 29 mars 2005, permis assorti de la condition qu’il «réside auprès de sa compagne A. M. de Souza van der Molen». Il apparaît qu’aussi bien M. Ünal que Melle de Sousa van der Molen étaient inscrits au registre de la population de la municipalité de ‘t Zandt.

12. Le 21 avril 2005, M. Ünal a introduit une demande de prorogation de son permis de séjour, prorogation qui lui a été accordée par décision du 26 juillet 2005, la condition de résidence chez sa compagne demeurant d’application.

13. Par décision du 4 mai 2006, la période de validité du permis de séjour a été prorogée jusqu’au 1er mars 2009.

14. Le permis de séjour délivré à M. Unal portait la mention «travail autorisé librement; permis d’embauche non requis».

15. Le 8 mai 2006, M. Unal a conclu un contrat de travail intérimaire avec un bureau d’intérim de Groningue et il a commencé à travailler pour un des clients de celle-ci, dont les locaux étaient situés à Nunspeet, à quelque 150 kilomètres de ‘t Zandt. Son travail exigeait donc de lui qu’il effectue un trajet aller-retour de 300 kilomètres environ chaque jour ouvrable. Le 21 novembre 2007, le contrat a été prolongé pour une période d’un an expirant le 21 novembre 2008. La période d’un an d’emploi régulier visée à l’article 6, paragraphe 1, premier tiret, de la décision n° 1/80 a donc commencé à courir le 8 mai 2006 et s’est terminée le 7 mai 2007.

16. Le 2 avril 2007 ou vers cette date, et, en tout état de cause, avant l’expiration de cette période d’un an, M. Ünal a déménagé de ‘t Zandt à Lelystad, située à 35 kilomètres seulement de Nunspeet. Il s’est alors dûment inscrit au registre de la population auprès des autorités compétentes de son nouveau lieu de résidence. Melle de Souza van der Molen est cependant restée inscrite en tant que résidente dans la région de ‘t Zandt où elle travaillait depuis dix ans environ. Le fait que les parties au principal ont cessé d’être enregistrées comme vivant à la même adresse a amené les autorités nationales à conclure qu’à partir de cette date, elles ne cohabitaient plus. Ces dernières n’ont donc pas accepté l’objection de M. Ünal, qui prétendait que Melle de Souza van der Molen et lui-même avaient continué à vivre ensemble jusqu’au début du mois de juin 2007 et que sa compagne avait conservé son inscription au registre de la population de ‘t Zandt parce que son logement n’avait pas été vendu (3).

17. Le 4 juin 2007, M. Ünal a demandé que la condition dont son permis de séjour était assorti soit amendée en ce sens qu’elle ne se réfère plus à l’obligation de résider avec Melle de Souza van der Molen et que la mention figurant sur son permis soit remplacée par «séjour prolongé».

18. Par décision du 28 décembre 2007, le Staatssecretaris van Justitie (secrétaire d’État à la Justice, ci-après le «secrétaire d’État») a rejeté sa demande au motif que la relation entre M. Ünal et Melle de Souza van der Molen avait effectivement pris fin le 2 avril 2007 puisqu’à partir de cette date, ils n’étaient plus inscrits au registre de la population de la municipalité de ‘t Zandt (ci-après le «registre de la population») comme résidant à la même adresse. Il en a donc conclu que M. Ünal ne respectait plus la condition dont était assorti le permis de séjour qui lui avait été octroyé.

19. Par décision séparée du 7 février 2008, le permis de séjour de M. Üna lui a été retiré avec effet rétroactif au 2 avril 2007. Eu égard à la nature de son permis de séjour, cela impliquait également le retrait de son droit de travailler. Le secrétaire d’État a estimé que le registre de la population avait une importance décisive et que les preuves fournies par M. Ünal n’étaient pas suffisantes pour infirmer les renseignements inscrits dans ce registre.

20. M. Ünal a introduit une réclamation contre les décisions du secrétaire d’État. Par décision du 31 juillet 2008, celui-ci a rejeté sa réclamation au motif que, faute de données objectivement vérifiables, il ne pouvait prêter foi aux déclarations de M. Ünal concernant les événements à l’origine de son déménagement à Lelystad. La déclaration écrite concordante de Melle de Souza van der Molen n’étant pas une preuve suffisante, l’inscription au registre de la population devait être considérée comme déterminante. Dès lors qu’à la date du 2 avril 2007, M. Ünal avait occupé un emploi régulier d’une durée inférieure à un an auprès du même employeur, il ne remplissait pas les critères lui permettant d’obtenir un permis de séjour prolongé sur la base de l’accord d’association CEE‑Turquie.

21. M. Ünal a interjeté appel de la décision du secrétaire d’État du 31 juillet 2008 devant le Rechtbank de La Haye («le Rechtbank»), qui, par décision du 6 juillet 2009, a rejeté ce recours comme étant non fondé au motif que M. Ünal n’avait pas démontré à suffisance de droit que sa relation avec sa compagne avait pris fin après le 2 avril 2007. Le Rechtbank de La Haye s’est donc rangé au point de vue du secrétaire d’État et il a conclu que, puisque M. Ünal n’avait pas encore occupé un emploi régulier d’une durée d’un an auprès du même employeur à la date à laquelle sa rupture avec sa compagne était réputée avoir eu lieu, il n’avait pas droit au...

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