United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland v European Parliament and Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:520
CourtCourt of Justice (European Union)
Date08 September 2005
Docket NumberC-66/04
Celex Number62004CC0066
Procedure TypeRecurso de anulación - infundado

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE Kokott

présentées le 8 septembre 2005 (1)

Affaire C-66/04

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

contre

Parlement européen

et

Conseil de l’Union européenne

«Règlement (CE) n° 2065/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 10 novembre 2003, relatif aux arômes de fumée utilisés ou destinés à être utilisés dans ou sur les denrées alimentaires – Choix de la base juridique – Article 95, paragraphe 1, CE – Délégation de pouvoirs d’exécution – Article 202 CE»





I – Introduction

1. Le règlement (CE) n° 2065/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 10 novembre 2003, relatif aux arômes de fumée utilisés ou destinés à être utilisés dans ou sur les denrées alimentaires (2), ne précise pas directement les arômes de fumée qui peuvent être utilisés dans le marché intérieur. Il prévoit essentiellement une procédure par laquelle la Commission autorise ce que l’on appelle les produits primaires pour la fabrication des arômes de fumée. Les substances autorisées sont reprises dans une liste positive à l’annexe du règlement.

2. Le litige entre les parties porte sur la question de savoir si l’article 95, paragraphe 1, CE autorise la mise en place d’un tel modèle de réglementation «en plusieurs étapes» ou s’il autorise uniquement les mesures qui harmonisent elles-mêmes directement le droit des États membres. Le litige porte en outre sur la question de savoir si les pouvoirs de la Commission dans cette procédure sont définis avec suffisamment de précision.

II – Situation de départ et cadre juridique

3. La base juridique du règlement est l’article 95 CE qui, entre autres, dispose:

«1. […] Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 et après consultation du Comité économique et social, arrête les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur.

[…]

4. Si, après l’adoption par le Conseil ou par la Commission d’une mesure d’harmonisation, un État membre estime nécessaire de maintenir des dispositions nationales justifiées par des exigences importantes visées à l’article 30 ou relatives à la protection de l’environnement ou du milieu de travail, il les notifie à la Commission, en indiquant les raisons de leur maintien.

5. En outre, sans préjudice du paragraphe 4, si, après l’adoption par le Conseil ou par la Commission d’une mesure d’harmonisation, un État membre estime nécessaire d’introduire des dispositions nationales basées sur des preuves scientifiques nouvelles relatives à la protection de l’environnement ou du milieu de travail en raison d’un problème spécifique de cet État membre, qui surgit après l’adoption de la mesure d’harmonisation, il notifie à la Commission les mesures envisagées ainsi que les raisons de leur adoption.»

4. La délégation des pouvoirs d’exécution à la Commission est réglée à l’article 202, troisième tiret, CE:

«En vue d’assurer la réalisation des objets fixés par le présent traité et dans les conditions prévues par celui-ci, le Conseil:

[…]

– confère à la Commission, dans les actes qu’il adopte, les compétences d’exécution des règles qu’il établit. Le Conseil peut soumettre l’exercice de ces compétences à certaines modalités. Il peut également se réserver, dans des cas spécifiques, d’exercer directement des compétences d’exécution. Les modalités visées ci-dessus doivent répondre aux principes et règles que le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après avis du Parlement européen, aura préalablement établis.»

5. La production d’arômes de fumée est décrite au septième considérant du règlement:

«[…] La production de ces arômes de fumée commence par la condensation de la fumée. La fumée condensée est normalement séparée par des procédés physiques en un condensat de fumée primaire à base d’eau, une phase à haute densité de goudron insoluble dans l’eau et une phase huileuse insoluble dans l’eau. Cette dernière phase est un sous-produit qui n’est pas adapté à la production d’arômes de fumée. Les condensats de fumée primaires et les fractions de la phase à haute densité de goudron insoluble dans l’eau, qu’on appelle les ‘fractions de goudron primaires’, sont purifiés pour éliminer les composants de fumée qui sont les plus nocifs pour la santé humaine. Ils peuvent alors être utilisés en l’État dans ou sur les denrées alimentaires ou pour la production d’arômes de fumée dérivés obtenus par d’autres traitements physiques appropriés tels que des procédés d’extraction, la distillation, la concentration par évaporation, l’absorption ou la séparation par membrane et l’addition d’ingrédients alimentaires, d’autres arômes, d’additifs alimentaires ou de solvants, sans préjudice d’une législation communautaire plus spécifique.»

6. En ce qui concerne les risques liés aux arômes de fumée, le sixième considérant constate ce qui suit:

«La composition chimique de la fumée est complexe et elle dépend notamment des espèces de bois employées, de la méthode utilisée pour produire de la fumée, de la teneur en eau du bois, et de la température et de la concentration en oxygène pendant la production de fumée. Les aliments fumés en général posent des problèmes de santé, notamment en ce qui concerne la présence possible d’hydrocarbures aromatiques polycycliques. Étant donné que les arômes de fumée sont produits à partir de fumée soumise à des procédés de fractionnement et de purification, l’utilisation d’arômes de fumée est généralement considérée comme posant moins de problèmes pour la santé que le procédé de fumage traditionnel. Toutefois, la possibilité d’un recours plus étendu aux arômes de fumée par rapport au fumage traditionnel doit être prise en considération dans les évaluations de sécurité.»

7. Le huitième considérant explique les difficultés de l’évaluation scientifique:

«Le comité scientifique de l’alimentation humaine a conclu que, en raison des grandes différences physiques et chimiques entre les arômes de fumée utilisés pour aromatiser les aliments, il n’est pas possible de concevoir une approche commune de l’évaluation de leur sécurité et, en conséquence, l’évaluation toxicologique devrait se concentrer sur la sécurité de différents condensats de fumée.»

8. En vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement, un arôme de fumée ou une denrée alimentaire dans laquelle ou sur laquelle est présent un tel arôme de fumée ne peut être commercialisé que si le produit primaire dont il est dérivé a été autorisé par la Commission conformément au règlement.

9. L’article 3 du règlement définit les produits primaires comme étant les condensats de fumée primaires ou les fractions de goudron primaires. Ces produits primaires font l’objet de la procédure d’autorisation établie par le règlement. La Commission statue sur l’autorisation sur demande du fabricant avec la participation d’un comité (3) et de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (4) (ci-après l’«Autorité de sécurité des aliments»). Elle doit évaluer un arôme de fumée sur demande et soit elle doit le reprendre dans la liste des arômes de fumée autorisés («liste positive») en adoptant un règlement d’exécution, soit elle doit refuser l’autorisation au moyen d’une décision adressée au demandeur.

10. Les conditions d’une autorisation sont définies comme suit à l’article 4, paragraphe 1, du règlement:

«L’utilisation des arômes de fumée dans ou sur les denrées alimentaires n’est autorisée que s’il a été suffisamment démontré que:

– cela ne présente aucun risque pour la santé humaine,

– cela n’induit pas les consommateurs en erreur.»

11. Conformément à l’article 9 du règlement, la Commission, dans sa décision, peut également prendre en considération d’autres «facteurs légitimement liés au domaine considéré».

12. En outre, en vertu de l’article 5 du règlement, les bois utilisés pour la production de produits primaires ne doivent pas avoir été traités, avec ou sans intention, avec des substances chimiques pendant les six mois précédant immédiatement l’abattage ou après l’abattage, à moins qu’il puisse être démontré que la substance utilisée pour ce traitement ne dégage pas de substances potentiellement toxiques pendant la combustion. L’annexe I du règlement contient d’autres conditions relatives aux procédés de fabrication, telles que les teneurs maximales en benzo[a]pyrène et benzo[a]anthracène.

III – Conclusions des parties à la procédure

13. Par requête du 11 février 2003, parvenue à la Cour de justice le 16 février 2004, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a introduit un recours en application de l’article 230 CE contre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne et il a conclu à ce qu’il plaise à la Cour:

1) déclarer que le règlement n° 2065/2003 est invalide;

2) condamner le Parlement et le Conseil aux dépens du Royaume-Uni.

14. Le Parlement et le Conseil ont conclu à ce qu’il plaise à la Cour:

1) rejeter le recours, et

2) condamner le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord aux dépens.

15. Par ordonnance du président de la Cour du 24 juin 2004, adoptée en application de l’article 40, paragraphe 1, du statut de la Cour de justice et de l’article 93, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission des Communautés européennes a été autorisée à intervenir à l’appui du Parlement et du Conseil. Elle soutient les conclusions du Parlement et du Conseil.

IV – Appréciation en droit

16. Le recours soulève en premier lieu la question de savoir si l’article 95, paragraphe 1, CE est la bonne base juridique pour le règlement. Par ailleurs, le Royaume-Uni se pose également la question de savoir si ce modèle de réglementation est proportionnel. Enfin, le Royaume-Uni soutient que le règlement viole l’article 202, troisième tiret, CE, étant donné qu’il délègue à la Commission les fonctions essentielles...

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