Opinion of Advocate General Campos Sánchez-Bordona delivered on 19 July 2016.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:574
Date19 July 2016
Celex Number62016CC0294
Procedure TypePetición de decisión prejudicial - procedimiento de urgencia
CourtCourt of Justice (European Union)
62016CC0294

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. M. CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 19 juillet 2016 ( 1 )

Affaire C‑294/16 PPU

JZ

[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Rejonowy dla Łodzi-Śródmieścia w Łodzi (tribunal d’arrondissement de Łódź, Pologne)]

«Renvoi préjudiciel — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Décision-cadre 2002/584/JAI — Mandat d’arrêt européen et procédures de remise entre États membres — Effets de la remise — Déduction de la période de détention subie dans l’État membre d’exécution — Article 26 — Détention résultant de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen — Notion — Assignation à résidence avec surveillance électronique — Inclusion — Droits fondamentaux — Article 6 et article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne»

1.

La présente demande de décision préjudicielle a été soulevée dans le cadre d’une procédure ayant pour objet la demande d’une personne pénalement condamnée, visant à déduire de la durée totale de la peine privative de liberté subie dans l’État d’émission d’un mandat d’arrêt européen (la République de Pologne) la période au cours de laquelle l’État d’exécution du mandat (Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord) a mis en œuvre une assignation à résidence avec surveillance électronique et d’autres mesures restrictives.

2.

Par sa question préjudicielle, le Sąd Rejonowy dla Łodzi-Śródmieścia w Łodzi (tribunal d’arrondissement de Łódź, Pologne) cherche en substance à savoir si des mesures telles que celles en cause au principal peuvent être qualifiées de « détention » au sens de l’article 26, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584/JAI ( 2 ), cette question conduisant la Cour à se prononcer, pour la première fois, sur l’interprétation de cette disposition.

3.

Bien que, de prime abord, l’on pourrait être amené à conclure que la notion de « détention », au sens de l’article 26, paragraphe 1, de la décision-cadre, ne serait que celle qui comporte la privation de la liberté stricto sensu, il découle de l’interprétation de cette disposition dans le respect des droits fondamentaux consacrés par l’article 6 TUE et reflétés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») que cette notion de détention peut comprendre des mesures comportant une restriction de liberté qui, par son intensité, peut être assimilée à une privation de celle-ci.

4.

C’est à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qu’il faudra d’apprécier si, dans le cas d’espèce, les mesures imposées par l’État membre d’exécution, du fait de leur cumul, de leur gravité et de leur durée, comportent une restriction de liberté comparable à une incarcération et doivent donc être déduites de la durée totale de privation de liberté qui serait à subir dans l’État membre d’émission du mandat d’arrêt européen.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. Le traité UE

5.

L’article 6 TUE dispose :

« 1. L’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte […], laquelle a la même valeur juridique que les traités.

Les dispositions de la Charte n’étendent en aucune manière les compétences de l’Union telles que définies dans les traités.

Les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte sont interprétés conformément aux dispositions générales du titre VII de la Charte régissant l’interprétation et l’application de celle-ci et en prenant dûment en considération les explications visées dans la Charte, qui indiquent les sources de ces dispositions.

2. L’Union adhère à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la “CEDH”)]. Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l’Union telles qu’elles sont définies dans les traités.

3. Les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la [CEDH] et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux. »

6.

Aux termes de l’article 1, paragraphe 1, du protocole no 30 sur l’application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à la Pologne et au Royaume-Uni, « [l]a Charte n'étend pas la faculté de la Cour de justice de l'Union européenne, ou de toute juridiction de la Pologne ou du Royaume-Uni, d'estimer que les lois, règlements ou dispositions, pratiques ou action administratives de la Pologne ou du Royaume-Uni sont incompatibles avec les droits, les libertés et les principes fondamentaux qu'elle réaffirme ».

2. La Charte

7.

L’article 6 de la Charte garantit que « [t]oute personne a le droit à la liberté et à la sûreté ».

8.

Aux termes de l’article 49, paragraphe 3, de la Charte, « [l]’intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’infraction ».

9.

Tel qu’il est prévu à l’article 50 de la Charte, « [n]ul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi ».

3. La décision-cadre

10.

Le considérant 12 de la décision-cadre précise que celle-ci respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par l’article 6 TUE et reflétés dans la Charte, notamment dans son chapitre VI.

11.

L’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre rappelle que celle-ci « ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 du traité sur l’Union européenne ».

12.

L’article 26 de la décision-cadre, intitulé « Déduction de la période de détention subie dans l’État membre d’exécution », dispose, à son paragraphe :

« L’État membre d’émission déduit de la durée totale de privation de liberté qui serait à subir dans l’État membre d’émission toute période de détention résultant de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, par suite de la condamnation à une peine ou mesure de sûreté privatives de liberté. »

B – Le droit polonais

13.

L’article 63, paragraphe 1, du kodeks karny (code pénal), du 6 juin 1997 ( 3 ), prévoit une obligation de déduire de la durée totale de la peine privative de liberté la période de privation effective de liberté de la personne condamnée survenue pendant la procédure.

14.

L’article 607f du kodeks postępowania karnego (code de procédure pénale), du 6 juin 1997 ( 4 ), contient une disposition mettant en œuvre l’article 26 de la décision-cadre. Son libellé est analogue à celui de l’article 63, paragraphe 1, du code pénal. Son champ d’application est néanmoins limité à la privation de liberté liée à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen.

II – Le litige au principal

15.

En 2007, M. Z a été condamné par une juridiction polonaise à une peine privative de liberté de trois ans et deux mois. M. Z ayant quitté la Pologne, la juridiction compétente a émis un mandat d’arrêt européen. Le 18 juin 2014, M. Z a été arrêté par les autorités du Royaume-Uni en exécution dudit mandat d’arrêt européen.

16.

Pendant la période allant du 19 juin 2014 au 14 mai 2015, M. Z a été soumis à une assignation à résidence (curfew condition) avec surveillance électronique (electronic monitoring condition).

17.

Le 14 mai 2015, M. Z a été remis aux autorités polonaises. Le condamné a, par la suite, déposé, auprès de la juridiction de renvoi, une demande visant à ce que la période de son assignation à résidence avec surveillance électronique au Royaume-Uni soit déduite de la durée totale de privation de liberté à subir en Pologne.

III – La question préjudicielle

18.

Dans ce contexte, le Sąd Rejonowy dla Łodzi-Śródmieścia w Łodzi (tribunal d’arrondissement de Łódź) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 26, paragraphe 1, de la décision-cadre […], lu conjointement avec l’article 6, paragraphes 1 et 3, TUE et avec l’article 49, paragraphe 3, de la [Charte], doit-il être interprété en ce sens que la notion de “détention” comprend également les mesures appliquées par l’État membre d’exécution et consistant en la surveillance électronique du lieu de séjour de la personne visée par le mandat, combinée à une assignation à résidence ? »

19.

La juridiction de renvoi observe que, bien que l’exécution de certaines peines privatives de liberté sous la forme d’une assignation à résidence avec surveillance électronique ne soit pas inconnue du système juridique polonais, elle n’est toutefois pas prévue pour toutes les peines. De plus, l’assignation à résidence avec surveillance électronique n’est pas prévue en droit polonais en tant que mesure de sûreté. Il en découle des doutes quant à la possibilité de déduire les périodes d’application d’une telle mesure de la durée totale de privation de liberté.

20.

Les juridictions nationales semblent interpréter la notion de « détention » au sens de l’article 26, paragraphe 1, de la décision-cadre à la lumière des dispositions y correspondantes du droit national, à savoir celles de l’article 63, paragraphe 1, du code pénal. Ainsi, vu que la notion y utilisée, à savoir celle de « privation effective de liberté », a une portée plutôt restreinte, il est possible de noter une certaine réticence des juridictions nationales à l’égard de la possibilité de déduire la période d’assignation à résidence avec surveillance électronique de la peine privative de liberté. Toutefois, la Cour...

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