Patrice D'Oultremont and Others v Région wallonne.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:561
Date14 July 2016
Celex Number62015CC0290
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-290/15
62015CC0290

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 14 juillet 2016 ( 1 )

Affaire C‑290/15

Patrice D’Oultremont,

Henri Tumelaire,

François Boitte,

Éoliennes à tout prix? ASBL

contre

Région wallonne

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (Belgique)]

«Environnement — Directive 2001/42/CE — Plan et programme — Définition — Installation d’éoliennes»

I – Introduction

1.

L’augmentation de la production d’énergie éolienne fait l’objet de vifs débats et donne parfois lieu à de violentes critiques. Eu égard à la menace de changement climatique, elle est toutefois encouragée par l’Union européenne et de nombreux États membres.

2.

Le présent litige tire son origine du fait que l’adoption de certaines règles en matière d’installations éoliennes dans la Région wallonne belge n’a pas été précédée d’une évaluation environnementale avec participation du public conformément à la directive 2001/42/CE relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement ( 2 ). Cela est regrettable, ne serait‑ce que parce qu’une telle procédure peut constituer un forum de discussion autour de tels projets et contribuer à rendre le débat plus objectif.

3.

La Cour a examiné le contenu de la directive ESIE pour la première fois il y a quelques années dans l’arrêt Terre wallonne et Inter‑Environnement Wallonie ( 3 ). Depuis lors, elle a développé une jurisprudence abondante en la matière ( 4 ). La présente demande de décision préjudicielle nous ramène toutefois à nouveau à la question centrale de cette première procédure, à savoir la signification de la paire de notions « plans et programmes ». La Cour doit en effet décider si un arrêté qui fixe, entre autres, des règles en matière de bruit et de projection périodique d’ombres d’installations éoliennes constitue un plan ou un programme au sens de la directive ESIE et s’il doit dès lors être soumis à une évaluation environnementale.

4.

Il n’a cependant jusqu’à présent pas été tenu compte, dans la procédure, du fait qu’un autre arrêt a déjà, outre plusieurs constatations importantes portant sur d’autres domaines du droit de l’environnement de l’Union, défini abstraitement ce qu’il convient d’entendre par « plan ou programme » au sens de la directive ESIE. Il s’agit d’un acte définissant les critères ainsi que les modalités de l’aménagement du territoire et fixant des règles et des procédures de contrôle auxquelles serait soumise la mise en œuvre d’un ou de plusieurs projets ( 5 ). Il ne reste donc plus qu’à examiner si cette définition doit être nuancée ou si elle est pertinente en l’espèce.

II – Le cadre juridique

A – Le droit international

5.

Le droit de l’Union en matière d’évaluation environnementale est étroitement lié à différentes conventions internationales.

1. La convention d’Espoo

6.

La convention de la CEE-ONU sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière ( 6 ) a été signée en 1991 et approuvée au nom de ce qui était alors la Communauté européenne en 1997 ( 7 ).

7.

L’évaluation de plans et programmes est mentionnée à l’article 2, paragraphe 7, de la convention d’Espoo :

« Les évaluations de l’impact sur l’environnement prescrites par la présente convention sont effectuées, au moins au stade du projet de l’activité proposée. Dans la mesure voulue, les Parties s’efforcent d’appliquer les principes de l’évaluation de l’impact sur l’environnement aux politiques, plans et programmes. »

2. Le protocole de Kiev

8.

Depuis l’année 2008, l’Union est partie au protocole relatif à l’évaluation stratégique environnementale à la convention de la CEE-ONU sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière ( 8 ) à la convention d’Espoo ( 9 ). Les règles de ce protocole coïncident pour l’essentiel avec celles de la directive ESIE et sont transposées par cette dernière ( 10 ).

9.

L’article 13 du protocole de Kiev mentionne le processus d’élaboration de textes politiques ou législatifs, mais n’a toutefois pas d’équivalent dans la directive ESIE.

« 1. Chaque partie s’efforce de veiller à ce que les préoccupations d’environnement, y compris de santé, soient prises en considération et intégrées, selon qu’il convient, dans le processus d’élaboration de ses projets de textes politiques ou législatifs qui sont susceptibles d’avoir des effets notables sur l’environnement, y compris sur la santé.

[…] »

3. La convention d’Aarhus

10.

La convention de 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement ( 11 ) aborde également l’évaluation environnementale.

11.

La convention d’Aarhus contient, à son article 6, des règles relatives à la participation du public lors de l’autorisation d’activités ( 12 ). Les articles 7 et 8 de cette convention mentionnent la participation du public en ce qui concerne des plans, programmes, politiques et dispositions réglementaires.

12.

Il convient de souligner l’article 7, quatrième phrase, de la convention d’Aarhus, qui porte sur les politiques :

« Chaque partie s’efforce autant qu’il convient de donner au public la possibilité de participer à l’élaboration des politiques relatives à l’environnement. »

13.

Conformément à l’article 8, phrase 1, de la convention d’Aarhus, « [c]haque partie s’emploie à promouvoir une participation effective du public à un stade approprié – et tant que les options sont encore ouvertes – durant la phase d’élaboration par des autorités publiques des dispositions réglementaires et autres règles juridiquement contraignantes d’application générale qui peuvent avoir un effet important sur l’environnement ».

B – Le droit de l’Union

1. La directive ESIE

14.

Les objectifs de la directive ESIE découlent notamment de son article 1er :

« La présente directive a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, et de contribuer à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption de plans et de programmes en vue de promouvoir un développement durable en prévoyant que, conformément à la présente directive, certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une évaluation environnementale. »

15.

Les plans et programmes sont définis à l’article 2, sous a) :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a)

“plans et programmes” : les plans et programmes, y compris ceux qui sont cofinancés par la Communauté européenne, ainsi que leurs modifications :

élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, par le biais d’une procédure législative, et

exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives ».

16.

L’article 3 de la directive ESIE définit les plans et programmes devant faire l’objet d’une évaluation. Sont notamment pertinents les paragraphes 1, 2 et 4 de cet article :

« 1. Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

2. Sous réserve du paragraphe 3, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et programmes :

a)

qui sont élaborés pour les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme, de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE [du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 1985, L 175, p. 40)] pourra être autorisée à l’avenir ; ou

b)

pour lesquels, étant donné les incidences qu’ils sont susceptibles d’avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive 92/43/CEE [du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7)].

[…]

4. Pour les plans et programmes, autres que ceux visés au paragraphe 2, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir, les États membres déterminent s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. »

17.

L’annexe I détermine les informations que le rapport sur les incidences environnementales doit contenir. Notons, à cet égard la lettre c), qui requiert la présentation des caractéristiques environnementales des zones susceptibles d’être touchées de manière notable.

18.

L’annexe II cite des critères permettant de déterminer l’ampleur probable des incidences visées à l’article 3, paragraphe 5, de la directive ESIE. Il convient de souligner ici les caractéristiques des incidences et de la zone susceptible d’être touchée devant être présentées conformément au point 2, cinquième à septième tirets :

« la magnitude et l’étendue spatiale géographique des incidences (zone géographique et taille de la population susceptible d’être touchée),

la valeur et la vulnérabilité de la zone susceptible d’être touchée...

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