Heger Rudi GmbH v Finanzamt Graz-Stadt.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:156
Docket NumberC-166/05
Celex Number62005CC0166
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date07 March 2006

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME E. SHARPSTON

présentées le 7 mars 2006 (1)

Affaire C‑166/05

Rudi Heger GmbH

contre

Finanzamt Graz-Stadt

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche)]





1. Cette demande de décision préjudicielle sur le fondement de l’article 234 CE porte sur la détermination du lieu où sont effectuées des opérations imposables aux fins de la TVA applicable et prélevée en vertu de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil (2) (ci-après la «sixième directive»).

2. L’affaire pendante devant le Verwaltungsgerichtshof autrichien concerne une société établie en Allemagne qui a acheté en Autriche, où elle ne réalise pas de prestations de services et n’est donc pas enregistrée aux fins de la TVA, un grand nombre de licences de pêche autorisant à pêcher dans certaines zones d’une rivière située en Autriche afin de les revendre à des clients originaires d’autres pays.

3. La juridiction nationale souhaite savoir si la revente des licences constitue une «prestation de services se rattachant à un bien immeuble», au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de ladite directive.

4. Dans l’affirmative, cette opération est imposable en Autriche, où est situé le bien immeuble, et la société requérante doit donc s’enregistrer aux fins de la TVA en Autriche où elle pourra déduire la taxe en amont sur le prix d’achat de ces licences.

5. Dans la négative, la transaction devant être qualifiée de prestation de services ordinaire au sens de l’article 9, paragraphe 1, le lieu de la prestation de services sera situé en Allemagne où la société a établi le siège de son activité économique et, au lieu de déduire la taxe en amont, elle devra en demander le remboursement en vertu du mécanisme mis en place par la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil (3) (ci-après la «huitième directive»).

Le cadre juridique

Les dispositions pertinentes du droit communautaire

6. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la sixième directive est considéré comme la livraison d’un bien le «transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire». En vertu de l’article 5, paragraphe 3, sous a) et sous b), les États membres peuvent considérer comme «biens corporels» respectivement «certains droits sur les biens immeubles» et «les droits réels donnant à leur titulaire un pouvoir d’utilisation sur les biens immeubles».

7. L’article 6, paragraphe 1, de la sixième directive définit la prestation de services comme «toute opération qui ne constitue pas une livraison d’un bien au sens de l’article 5». Cette opération peut consister entre autres «en une cession d’un bien incorporel représenté ou non par un titre» ou «en une obligation de ne pas faire ou de tolérer un acte ou une situation».

8. Il est indiqué au septième considérant de la sixième directive que la détermination du lieu des opérations imposables «a entraîné des conflits de compétence entre États membres, notamment en ce qui concerne […] les prestations de services». C’est pour cette raison que l’article 9 de la sixième directive prévoit des règles pour déterminer l’endroit où est réputée se situer une prestation de services aux fins de la TVA (et, par conséquent, le lieu où la prestation de services doit être imposée).

9. L’article 9, paragraphe 1, pose la règle d’ordre général selon laquelle le lieu d’une prestation de services est réputé se situer à l’endroit où le prestataire «a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle».

10. L’article 9, paragraphe 2, prévoit ensuite un certain nombre de règles spéciales dérogeant à la règle générale posée à l’article 9, paragraphe 1. En vertu de l’article 9, paragraphe 2, sous a), «le lieu des prestations de services se rattachant à un bien immeuble, y compris les prestations d’agents immobiliers et d’experts, ainsi que les prestations tendant à préparer ou à coordonner l’exécution de travaux immobiliers comme les prestations fournies par les architectes et les bureaux de surveillance, est l’endroit où le bien est situé».

11. L’article 9, paragraphe 2, sous e), énumère un certain nombre de prestations de services dont le lieu de prestation est réputé se situer à «l’endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable pour lequel la prestation de services a été rendue ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle», lorsqu’elles sont rendues, entre autres, à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire. Cette énumération inclut notamment «les prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d’études, avocats, experts comptables et autres prestations similaires, ainsi que le traitement de données et la fourniture d’informations» et «la mise à disposition de personnel».

12. L’article 13 prévoit des exonérations de TVA. L’article 13, B, sous b), exonère, entre autres, «l’affermage et la location de biens immeubles».

13. Les modalités de remboursement concernant les livraisons transfrontalières trouvent leur origine dans la huitième directive. En substance, le droit à remboursement de la TVA en amont en vertu de la huitième directive naît lorsque l’assujetti est établi dans un autre État membre et n’a pas effectué par la suite d’opération soumise à TVA sur le territoire du pays dans lequel la TVA en amont a été perçue. Par contre, dès lors que par la suite l’assujetti a effectué des opérations imposables sur le territoire du pays où la TVA en amont a été réglée, il ne jouit plus d’un droit à remboursement de la TVA en vertu de la huitième directive, mais de celui d’appliquer la règle générale de déduction en vertu des articles 17 et suivants de la sixième directive.

La législation nationale pertinente

14. Le paragraphe 3a, alinéa 6, de la loi autrichienne de 1994 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (ci-après l’«UStG 1994») est une transposition de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive dont le libellé est pratiquement identique.

15. Un règlement du ministre fédéral autrichien des Finances (4) pris en application de l’UStG 1994 a transposé, entre autres, les dispositions de la huitième directive. En vertu de ce règlement, le droit à remboursement de la taxe en amont payée en Autriche naît, notamment, lorsqu’une entreprise établie en dehors de l’Autriche a effectué une opération subséquente dont le lieu de livraison ou fourniture, et par conséquent le lieu d’imposition, n’est pas réputé être situé en Autriche. Par contre, si l’opération subséquente est réputée être une livraison ou fourniture qui a eu lieu en Autriche, il n’y a pas de droit à remboursement de la TVA en amont en vertu de ce règlement, mais un droit à déduction selon les règles ordinaires.

La procédure au principal et la question préjudicielle

16. Rudi Heger GmbH (ci-après «Heger») est une société dont le siège est en Allemagne et qui n’a pas d’établissement en Autriche. En 1997 et en 1998, Heger a acheté des contingents de permis de pêche dans la Gmunder Traun, une rivière située en Haute-Autriche, à une société ayant son siège en Autriche, la Flyfishing Adventure GmbH (ci-après «Flyfishing»). En achetant ces contingents, la requérante a acquis des permis de pêche autorisant à pêcher dans des zones particulières de cette rivière à certaines périodes de l’année. Heger a vendu ces permis à un grand nombre d’acquéreurs à travers l’Union européenne.

17. En plus du prix de vente de ces licences de pêche, Flyfishing a facturé à Heger la TVA autrichienne au taux de 20 % pour un montant total de 152 000 ATS (soit environ 11 045 euros).

18. En décembre 1999, Heger a adressé à l’autorité nationale compétente une demande de remboursement de la TVA réglée en rapport avec les permis de pêche pour 1997 et 1998 sur le fondement de la huitième directive telle que transposée en Autriche.

19. Il ressort de l’ordonnance de renvoi que cette demande a été rejetée au motif que la revente des licences de pêche par Heger à ses clients serait une prestation de services se rattachant à un bien immeuble situé en Autriche. Nonobstant le fait que Heger, le prestataire, était établi en Allemagne, cette prestation de services serait donc réputée avoir eu lieu, et être imposable, en Autriche. Par conséquent, les conditions d’un droit à remboursement de la TVA en amont sur la vente par Flyfishing à Heger des contingents de permis de pêche ne seraient pas remplies en vertu des dispositions autrichiennes transposant la huitième directive.

20. Heger a exercé un recours contre cette décision devant la juridiction nationale qui a sursis à statuer et déféré à titre préjudiciel à la Cour la question suivante:

«Le fait d’octroyer un droit de pêche sous forme d’une cession à titre onéreux de permis de pêche constitue-t-il une ‘prestation de services se rattachant à un bien immeuble’, au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la [sixième directive]?»

21. La République italienne et la Commission des Communautés européennes ont déposé des observations écrites. Aucune partie n’ayant demandé à être entendue, il n’a pas été tenu d’audience de plaidoiries.

Appréciation

22. Pour que l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive s’applique dans la présente affaire, de sorte que l’opération soit réputée être une «prestation de services se rattachant à un bien immeuble», les conditions suivantes doivent être remplies cumulativement. Premièrement, la cession des permis de pêche doit constituer une «prestation de services»; deuxièmement, les parties de la rivière visées dans les permis de pêche doivent être qualifiées de «bien immeuble»; enfin, il doit exister un lien suffisant entre les deux. Si tel est le cas, le lieu de l’opération imposable est réputé se situer en...

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