The Queen, on the application of International Association of Independent Tanker Owners (Intertanko) and Others v Secretary of State for Transport.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:689
Date20 November 2007
Celex Number62006CC0308
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-308/06

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 20 novembre 2007 (1)



Affaire C-308/06




The International Association of Independent Tanker Owners (Intertanko),

The International Association of Dry Cargo Shipowners (Intercargo),

The Greek Shipping Co‑operation Committee,

Lloyds’Register,

The International Salvage Union

contre

The Secretary of State for Transport



[demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) (Royaume‑Uni)]


«Directive 2005/35/CE – Pollution causée par les navires – Négligence grave – convention des Nations unies sur le droit de la mer – Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (Marpol 73/78)»






I – Introduction

1. La question qui se pose en l’espèce est de savoir si les dispositions de la directive 2005/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions (2), sont compatibles avec des normes juridiques de rang supérieur.

2. The International Association of Independent Tanker Owners (Intertanko), The International Association of Dry Cargo Shipowners (Intercargo), The Greek Shipping Co-operation Committee, Lloyd’s Register et The International Salvage Union ont introduit une action conjointe devant la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) (Royaume‑Uni), contre le Secretary of State for Transport (le ministre des Transports britannique) au sujet de la transposition envisagée de la directive 2005/35. Les sociétés susmentionnées sont des organisations importantes du secteur du transport maritime international. Intertanko représente par exemple près de 80 % de la flotte mondiale des tankers.

3. Le litige porte sur le point de savoir si les articles 4 et 5 de la directive 2005/35 sont compatibles avec la convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 10 décembre 1982 (3) (ci-après la «convention sur le droit de la mer»), à laquelle la Communauté européenne a adhéré en 1998 (4), avec la convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires, et le protocole de 1978 à celle‑ci (5) (ci-après «Marpol 73/78»). Ces dispositions régissent la responsabilité pénale du fait de rejets illicites. Les doutes résultent principalement du fait que la directive 2005/35 semble comporter un critère de responsabilité plus strict que celui qui est prévu par Marpol 73/78. En vertu de ladite directive, la négligence grave suffit notamment, tandis que Marpol 73/78 exige tout au moins la témérité ainsi que la conscience qu’un dommage en résulterait probablement.

4. Il se pose en outre la question de savoir si la condition de responsabilité constituée par la négligence grave est compatible avec le principe de sécurité juridique.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

5. La directive 2005/35 a été adoptée sur le fondement de l’article 80, paragraphe 2, CE, qui constitue la base juridique des mesures relatives aux transports maritimes.

6. Les motifs de l’adoption de la directive 2005/35 découlent en particulier des deuxième et troisième considérants de celle-ci:

«(2) Dans tous les États membres, les normes matérielles pour les rejets de substances polluantes provenant des navires sont fondées sur la convention Marpol 73/78. Toutefois, ces règles sont quotidiennement ignorées par un très grand nombre de navires qui naviguent dans les eaux communautaires, sans qu’aucune mesure ne soit prise pour corriger cet état de fait.

(3) La convention Marpol 73/78 est mise en œuvre différemment d’un État membre à l’autre, de sorte qu’une harmonisation est nécessaire au niveau communautaire; en particulier, les pratiques des États membres concernant l’imposition de sanctions pour les rejets de substances polluantes par les navires varient fortement.»

7. L’article 3 détermine le champ d’application de ladite directive:

«1. La présente directive s’applique, conformément au droit international, aux rejets de substances polluantes dans:

a) les eaux intérieures, y compris les ports, d’un État membre, dans la mesure où le régime Marpol est applicable;

b) les eaux territoriales d’un État membre;

c) les détroits utilisés pour la navigation internationale soumis au régime du passage en transit, conformément à la partie III, section 2, de la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, dans la mesure où un État membre exerce une juridiction sur ces détroits;

d) la zone économique exclusive, ou une zone équivalente, d’un État membre, établie conformément au droit international, et

e) la haute mer.

2. La présente directive s’applique aux rejets de substances polluantes provenant de tout type de navire, quel que soit son pavillon, à l’exception des navires de guerre et navires de guerre auxiliaires, ainsi que des autres navires appartenant à un État ou exploités par un État et affectés, au moment considéré, exclusivement à un service public non commercial.»

8. En l’espèce, c’est la validité des articles 4 et 5 de la directive 2005/35 qui est mise en doute, lesquels sont libellés comme suit:

«Article 4

Infractions

Les États membres veillent à ce que les rejets par des navires de substances polluantes dans l’une des zones visées à l’article 3, paragraphe 1, soient considérés comme des infractions s’ils ont été commis intentionnellement, témérairement ou à la suite d’une négligence grave. Ces infractions sont considérées comme des délits par la décision-cadre 2005/667/JAI, qui complète la présente directive, et dans les circonstances prévues par cette décision.

Article 5

Exceptions

1. Un rejet de substances polluantes dans l’une des zones visées à l’article 3, paragraphe 1, n’est pas considéré comme une infraction s’il remplit les conditions énoncées à l’annexe I, règles 9, 10, 11 a) ou 11 c), ou à l’annexe II, règles 5, 6 a) ou 6 c), de Marpol 73/78.

2. Un rejet de substances polluantes dans les zones visées à l’article 3, paragraphe 1, points c), d) et e), n’est pas considéré comme une infraction de la part du propriétaire, du capitaine ou de l’équipage agissant sous l’autorité du capitaine s’il remplit les conditions énoncées à l’annexe I, règle 11 b), ou à l’annexe II, règle 6 b), de Marpol 73/78.»

B – Le droit international

1. La convention sur le droit de la mer

9. La convention sur le droit de la mer comporte des dispositions relatives aux poursuites en cas de pollution marine.

10. L’article 211, paragraphe 1, première phrase, de ladite convention prévoit le développement de normes internationales de protection de l’environnement:

«Les États, agissant par l’intermédiaire de l’organisation internationale compétente ou d’une conférence diplomatique générale, adoptent des règles et normes internationales visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin par les navires et s’attachent à favoriser l’adoption, s’il y a lieu de la même manière, de dispositifs de circulation des navires visant à réduire à un minimum le risque d’accidents susceptibles de polluer le milieu marin, y compris le littoral, et de porter atteinte de ce fait aux intérêts connexes des États côtiers.»

11. L’article 211, paragraphe 5, de la convention sur le droit de la mer fonde la compétence législative des États côtiers pour la zone économique exclusive:

«Aux fins de la mise en application visée à la section 6, les États côtiers peuvent adopter pour leur Zone économique exclusive des lois et règlements visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution par les navires qui soient conformes et donnent effet aux règles et normes internationales généralement acceptées établies par l’intermédiaire de l’organisation internationale compétente ou d’une conférence diplomatique générale.»

12. Les détroits sont régis, en vertu de l’article 42, paragraphe 1, sous b), de la même convention par des dispositions analogues à celles qui concernent la zone économique exclusive:

«1. Sous réserve de la présente section, les États riverains d’un détroit peuvent adopter des lois et règlements relatifs au passage par le détroit portant sur:

[…]

b) la prévention, la réduction et la maîtrise de la pollution, en donnant effet à la réglementation internationale applicable visant le rejet dans le détroit d’hydrocarbures, de résidus d’hydrocarbures et d’autres substances nocives;

[…]»

13. L’article 89 de la convention sur le droit de la mer exclut en principe la compétence législative des États en ce qui concerne la haute mer:

«Aucun État ne peut légitimement prétendre soumettre une partie quelconque de la haute mer à sa souveraineté.»

14. L’article 218, paragraphe 1, de cette convention prévoit cependant que les États du port peuvent engager des poursuites en cas de rejets illicites:

«Lorsqu’un navire se trouve volontairement dans un port ou à une installation terminale au large, l’État du port peut ouvrir une enquête et, lorsque les éléments de preuve le justifient, intenter une action pour tout rejet effectué au-delà de ses eaux intérieures, de sa mer territoriale ou de sa Zone économique exclusive par le navire en infraction aux règles et normes internationales applicables établies par l’intermédiaire de l’organisation internationale compétente ou d’une conférence diplomatique générale.»

15. Des dispositions différentes s’appliquent aux eaux territoriales (appelées «mer territoriale» par la convention). L’article 2 de ladite convention régit la souveraineté de l’État côtier sur cette zone.

«1. La souveraineté de l’État côtier s’étend, au-delà de son territoire et de ses eaux intérieures et, dans le cas d’un État archipel, de ses eaux archipélagiques, à une zone de mer adjacente désignée sous le nom de mer territoriale.

2. Cette souveraineté s’étend à l’espace aérien au-dessus de la mer...

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