Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid v Asociación de Usuarios de Servicios Bancarios (Ausbanc).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:682
Date29 October 2009
Celex Number62008CC0484
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-484/08

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA Trstenjak

présentées le 29 octobre 2009 (1)

Affaire C‑484/08

Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid

contre

Asociación de Usuarios de Servicios Bancarios (Ausbanc)

[demande de décision préjudicielle introduite par le Tribunal Supremo (Espagne)]

«Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Article 4, paragraphe 2 – Appréciation du caractère abusif des clauses concernant l’objet principal du contrat – Article 8 – Harmonisation minimum – Dispositions nationales plus strictes visant à assurer un niveau de protection des consommateurs plus élevé – Différences par rapport à un début d’harmonisation complète»






Table des matières


I – Introduction

II – Cadre normatif

A – Le cadre juridique communautaire

B – Le cadre juridique national

III – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

IV – Procédure devant la Cour

V – Principaux arguments des parties

VI – Appréciation juridique

A – Explication préliminaire

B – Recevabilité de la demande préjudicielle

C – Analyse des questions préjudicielles

1. Sur la première et la deuxième question

a) Applicabilité de l’article 8 de la directive 93/13

i) Existence d’une règle nationale plus stricte

ii) Ouverture du champ d’application de la directive 93/13

– Champ d’application personnel et matériel

– Interprétation de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13

b) Portée de l’habilitation énoncée à l’article 8 de la directive 93/13

i) L’article 4, paragraphe 2, n’est pas contraignant

ii) Harmonisation minimum

c) Résultat

2. Sur la troisième question

a) Appréciation juridique à la lumière des objectifs de la Communauté

b) Appréciation juridique sur la base des règles de concrétisation

i) Les règles de concurrence

ii) Les libertés fondamentales

c) Résultat

VII – Conclusion

I – Introduction

1. Le Tribunal Supremo (Espagne, ci-après la «juridiction de renvoi») a saisi la Cour de trois questions préjudicielles relatives à l’interprétation de l’article 8 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (2), lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 2, de la directive et avec les articles 2 CE, 3, paragraphe 1, sous g), CE et 4, paragraphe 1, CE.

2. D’un point de vue juridique, il s’agit en substance du point de savoir si les États membres de la Communauté peuvent se prévaloir de l’article 8 de la directive 93/13 pour étendre, par dérogation à son article 4, paragraphe 2, l’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles à des clauses qui portent sur l’«objet principal du contrat» ou l’«adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part».

3. La juridiction de renvoi a saisi la Cour dans le cadre d’un litige opposant l’Asociación de Usuarios de Servicios Bancarios (la défenderesse en cassation, ci‑après la «défenderesse au principal»), une personne morale dont l’objet statutaire consiste dans la «défense des intérêts légitimes des usagers des services fournis par les établissements de crédit et par les établissements financiers de crédit», à l’établissement de crédit Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid (la requérante en cassation, ci-après la «requérante au principal»). En première instance, la défenderesse au principal avait introduit une action en nullité d’une «clause d’arrondi» inscrite par la requérante au principal dans les conditions générales de ses contrats de prêt immobilier ainsi qu’une action en cessation de son utilisation.

II – Cadre normatif

A – Le cadre juridique communautaire

4. Les douzième, dix-septième et dix-neuvième considérants de la directive 93/13 sont rédigés dans les termes suivants:

«considérant, toutefois, qu’en l’état actuel des législations nationales, seule une harmonisation partielle est envisageable; que, notamment, seules les clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle font l’objet de la présente directive; qu’il importe de laisser la possibilité aux États membres, dans le respect du traité, d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de la présente directive;

[…]

considérant que, pour les besoins de la présente directive, la liste des clauses figurant en annexe ne saurait avoir qu’un caractère indicatif et que, en conséquence du caractère minimal, elle peut faire l’objet d’ajouts ou de formulations plus limitatives notamment en ce qui concerne la portée de ces clauses, par les États membres dans le cadre de leur législation;

[…]

considérant que, pour les besoins de la présente directive, l’appréciation du caractère abusif ne doit pas porter sur des clauses décrivant l’objet principal du contrat ou le rapport qualité/prix de la fourniture ou de la prestation; que l’objet principal du contrat et le rapport qualité/prix peuvent, néanmoins, être pris en compte dans l’appréciation du caractère abusif d’autres clauses; qu’il en découle, entre autres, que, dans le cas de contrats d’assurance, les clauses qui définissent ou délimitent clairement le risque assuré et l’engagement de l’assureur ne font pas l’objet d’une telle appréciation dès lors que ces limitations sont prises en compte dans le calcul de la prime payée par le consommateur».

5. L’article 3 de la directive 93/13 dispose ce qui suit:

«1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion.

Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe.

3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.»

6. L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 ajoute la précision suivante:

«L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.»

7. L’article 8 de la directive 93/13 énonce le principe suivant:

«Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur.»

B – Le cadre juridique national

8. L’article 10 bis, paragraphe 1, de la loi générale n° 26/1984, du 19 juillet 1984, relative à la protection des consommateurs et des usagers (Ley 26/1984 general para la defensa de consumidores y usuarios), qui a été inséré par la loi n° 7/1998, du 13 avril 1998, relative aux conditions générales des contrats, dispose ce qui suit à propos de la notion de clauses abusives:

«sont considérées comme abusives toutes les clauses qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle et qui, en dépit de la bonne foi de leur auteur, créent au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations contractuels des parties. En tout état de cause, sont considérées comme abusives les clauses énumérées dans la première disposition additionnelle de la présente loi.»

9. L’article 8, paragraphe 2, de la loi n° 7/1998 frappe les clauses abusives de nullité:

«En particulier, sont nulles les conditions générales abusives dans les contrats conclus avec un consommateur, telles qu’elles sont définies, en tout état de cause, par l’article 10 bis et la première disposition additionnelle de la loi générale n° 26/1984 du 19 juillet 1984 relative à la protection des consommateurs et des usagers.»

10. L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 n’a pas été transposé dans l’ordre juridique espagnol.

III – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

11. Les contrats de prêt hypothécaire que la requérante au principal concluait avec ses clients désireux d’acheter un logement prévoyaient, notamment, un taux d’intérêt nominal variable qui devait être adapté périodiquement en fonction du taux de référence convenu. Les contrats contenaient, en outre, une clause rédigée au préalable aux termes de laquelle le taux d’intérêt dû par l’emprunteur devait, dès la première révision, être arrondi au quart de pourcent supérieur chaque fois que la variation de taux excédait 0,25 %.

12. Selon la défenderesse au principal, cette clause, connue dans la pratique bancaire sous le nom de «clause d’arrondi», n’a pas été individuellement négociée avec les emprunteurs et elle est donc nulle en application de l’article 8, paragraphe 2, lu en combinaison avec les articles 1er, 2 et 10 a, paragraphe 1, de la loi générale n° 26/1984. Elle a donc engagé une action en annulation de cette clause ainsi qu’une action en cessation de la conclusion de contrats de prêt contenant la clause litigieuse.

13. La requérante au principal a conclu au rejet de la demande au motif que la clause d’arrondi est une règle permettant de...

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