Opinion of Advocate General Bobek delivered on 8 May 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:310
Docket NumberC-304/17
Celex Number62017CC0304
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date08 May 2018
62017CC0304

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 8 mai 2018 ( 1 )

Affaire C‑304/17

Helga Löber

contre

Barclays Bank plc

[demande de décision préjudicielle introduite par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Compétence en matière civile et commerciale – Matière délictuelle ou quasi délictuelle – Investissement fondé sur un prospectus lacunaire – Lieu où le fait dommageable s’est produit – Pertinence du compte bancaire »

I. Introduction

1.

Mme Helga Löber a investi dans des certificats sous la forme d’obligations au porteur émises par la banque Barclays Bank plc. Afin d’acquérir ces certificats, les montants correspondants ont été virés depuis le compte courant (personnel) de Mme Löber situé à Vienne (Autriche), vers deux dépôts bancaires situés à Graz (Autriche) et à Salzbourg (Autriche). Le paiement des certificats en cause a ensuite été réalisé depuis ces dépôts bancaires.

2.

Par la suite, ces certificats ont été dévalorisés. Mme Löber a estimé que sa décision d’investissement avait été induite par un prospectus lacunaire (au sens de trompeur) émis en lien avec lesdits certificats. Elle a introduit un recours contre Barclays Bank tendant au paiement de la somme de 34459,06 euros, majorée des intérêts et frais. Ce montant correspond, selon elle, au dommage que lui ont causé les déclarations erronées faites par Barclays Bank par l’émission d’un prospectus lacunaire.

3.

Mme Löber a introduit son recours devant une juridiction de Vienne, lieu de son domicile. C’est également le lieu où se situe son compte courant, depuis lequel elle a réalisé le premier virement aux fins de l’investissement. Les juridictions de première instance et d’appel ont néanmoins estimé qu’elles n’étaient pas compétentes pour connaître de l’affaire. Celle-ci est désormais pendante devant l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche). Cette juridiction demande, en substance, lequel des comptes bancaires utilisés est, éventuellement, pertinent pour déterminer quelle juridiction est compétente aux fins de connaître du recours en question.

II. Cadre juridique

4.

L’action au principal ayant été intentée le 16 novembre 2012, le règlement (CE) no 44/2001 ( 2 ) reste applicable ratione temporis ( 3 ).

5.

Les considérants 11 et 12 du règlement no 44/2001 énoncent ce qui suit :

« (11)

Les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur et cette compétence doit toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. […]

(12)

Le for du domicile du défendeur doit être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter une bonne administration de la justice. »

6.

L’article 2, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 énonce que « [s]ous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre ».

7.

L’article 3, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que « [l]es personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les tribunaux d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du […] chapitre [II] ».

8.

En vertu de l’article 5, paragraphe 3, qui figure à la section 2 du chapitre II, « [u]ne personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre : [...] 3) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire [...] »

III. Les faits, la procédure nationale et la question préjudicielle posée

9.

Barclays Bank (ci-après la « défenderesse ») a son siège à Londres (Royaume-Uni) et une succursale à Francfort-sur-le-Main (Allemagne). La défenderesse a émis des « X1 Global EUR Index Zertifikate » (ci-après les « certificats ») sous la forme d’obligations au porteur auxquelles des investisseurs institutionnels ont souscrit. Ces investisseurs institutionnels ont ensuite revendu les certificats sur les marchés secondaires à des consommateurs se trouvant, entre autres, en Autriche.

10.

La valeur des certificats (et donc le montant remboursable) se déterminait sur la base d’un indice formé à partir d’un portefeuille de plusieurs fonds cibles. Ce portefeuille était constitué et géré par la société X1 Fund Allocation GmbH, ayant son siège en Allemagne.

11.

Les certificats ont été émis sur le fondement d’un « prospectus de base » (allemand) du 22 septembre 2005 et des conditions générales du 20 décembre 2005. Le prospectus de base a été notifié à l’autorité nationale compétente, l’Österreichische Kontrollbank AG (banque autrichienne de contrôle).

12.

L’offre publique de souscription a eu lieu entre le 20 décembre 2005 et le 24 février 2006. Les certificats ont été émis le 31 mars 2006. La chambre de compensation qui a traité cet achat était une société anonyme ayant son siège à Francfort-sur-le-Main.

13.

Afin de réaliser cet investissement, Mme Löber (ci-après la « requérante »), domiciliée à Vienne, a d’abord viré les montants correspondants depuis son compte courant (personnel) situé à Vienne vers deux dépôts bancaires tenus par deux banques autrichiennes différentes dont le siège était à Salzbourg et à Graz respectivement (ci-après les « comptes de règlement »). Au moyen de ces comptes de règlement, elle a ensuite investi la somme de 28648,43 euros dans ces certificats (en deux tranches : les 8 novembre 2006 et 4 août 2007).

14.

La juridiction de renvoi a constaté que les fonds investis avaient été perdus du fait des agissements du gestionnaire des opérations et conseiller du fonds de la société X1 Fund Allocation (ci-après le « gestionnaire X1 Fund Allocation »).

15.

La requérante a introduit un recours contre la défenderesse, tendant au paiement de la somme de 34459,06 euros, majorée des intérêts et frais, en échange de la remise simultanée de ses droits dans les certificats. La requérante a fondé sa demande en paiement, d’une part, sur des moyens de nature contractuelle, et, d’autre part, sur la responsabilité du fait du prospectus. Sur ce dernier fondement, elle a affirmé que la défenderesse aurait passé sous silence des risques et des informations cruciaux concernant la structure de l’investissement ainsi que les fonds gérés par le gestionnaire X1 Fund Allocation. Elle a en outre fait valoir que les indications du prospectus seraient largement trompeuses.

16.

Pour ce qui est de la compétence relative à son droit issu de la responsabilité du fait du prospectus, la requérante s’est fondée sur l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001.

17.

La défenderesse a contesté la compétence des juridictions autrichiennes et a conclu au rejet du recours.

18.

Par ordonnance du 18 juillet 2016, le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne, Autriche), statuant en première instance, s’est déclaré internationalement incompétent. Selon lui, la requérante ne pouvait fonder la compétence du tribunal saisi, relative au droit contractuel, ni sur l’article 15, paragraphe 1, ni sur l’article 5, point 1, sous a), du règlement no 44/2001. Les droits en matière délictuelle dont ceux tirés de la responsabilité du fait du prospectus, remplissaient certes les conditions de l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001. Mais la requérante n’avait pas invoqué que le préjudice s’était matérialisé directement sur son compte bancaire situé à Vienne. Au contraire, elle avait acquis ses certificats au moyen des comptes de règlement. Le préjudice avait donc été subi à Graz et à Salzbourg.

19.

Statuant en appel, l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche) a confirmé cette décision par ordonnance du 6 décembre 2016. Concernant le droit contractuel, il a jugé que le lieu d’exécution au sens de l’article 5, point 1, sous a), du règlement no 44/2001 se situait à Francfort‑sur‑le‑Main. Par conséquent, les tribunaux autrichiens n’avaient pas de compétence internationale de ce chef. Concernant le droit issu de la responsabilité du fait du prospectus, la requérante ne pouvait pas se fonder sur l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001, car ce droit en matière délictuelle était étroitement associé au droit contractuel.

20.

L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême), la juridiction de renvoi, a été saisie d’un pourvoi. Cette dernière a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour de la question préjudicielle suivante :

« Quelle est, en vertu de l’article 5, point 3, du [règlement no 44/2001], la juridiction compétente pour des prétentions extracontractuelles au titre de la responsabilité du fait du prospectus lorsque :

l’investisseur a pris à son domicile sa décision d’investissement provoquée par le prospectus lacunaire, et que

sur le fondement de cette décision, il a viré le prix d’achat de la valeur mobilière acquise sur le marché secondaire depuis son compte tenu par une banque autrichienne vers un compte de règlement tenu par une autre banque autrichienne, d’où ledit prix d’achat a ensuite été transféré au vendeur pour le compte du requérant ?

S’agit-il :

a)

de la juridiction dans le ressort de laquelle l’investisseur a son domicile ;

b...

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