Nintendo Co. Ltd and Others v PC Box Srl and 9Net Srl.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:581
Date19 September 2013
Celex Number62012CC0355
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-355/12
62012CC0355

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 19 septembre 2013 ( 1 )

Affaire C‑355/12

Nintendo Co. Ltd,

Nintendo of America Inc.,

Nintendo of Europe GmbH

contre

PC Box Srl,

9Net Srl

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale di Milano (Italie)]

«Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information — Protection des mesures techniques destinées à empêcher ou à limiter des actes non autorisés par le titulaire du droit — Consoles de jeux vidéo conçues pour ne pas permettre l’utilisation de jeux autres que ceux autorisés par le fabricant de la console — Dispositifs permettant de contourner ces mesures — Pertinence de l’utilisation prévue des consoles — Pertinence de la portée, de la nature et de l’importance des différentes utilisations possibles des appareils»

1.

L’article 6 de la directive 2001/29/CE ( 2 ) impose aux États membres de prévoir une protection juridique appropriée contre toute une série d’actes ou d’activités contournant ou visant à contourner toute mesure technique efficace destinée à empêcher ou à limiter les actes non autorisés par le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin du droit d’auteur.

2.

Un fabricant de jeux vidéo et de consoles pour y jouer les conçoit de sorte que les deux unités doivent se reconnaître mutuellement en échangeant des informations cryptées pour que l’on puisse jouer à un jeu sur une console. L’intention affirmée est de s’assurer que seuls des jeux fabriqués par le fabricant ou sous licence qu’il concède (et qui sont protégés en vertu de la directive 2001/29) puissent être joués sur ces consoles (il n’est pas soutenu que ces dernières bénéficient de la même protection) et d’empêcher ainsi l’utilisation des consoles pour jouer avec des copies non autorisées de jeux protégés.

3.

Un autre opérateur commercialise des appareils pouvant servir à permettre l’utilisation d’autres jeux, en ce compris des jeux qui ne sont pas des copies de jeux produits ou autorisés par le fabricant de la console, sur lesdites consoles. Il affirme que le but poursuivi par le fabricant – qui souhaite empêcher la commercialisation de tels appareils – est non pas d’empêcher la copie non autorisée de ses jeux (but qui doit être protégé contre tout contournement, en application de l’article 6 de la directive 2001/29), mais d’augmenter les ventes de tels jeux (but qui n’appelle aucune protection à ce titre).

4.

Dans ce contexte, le Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie) demande, en substance, premièrement, si l’article 6 de la directive 2001/29 vise les systèmes de reconnaissance installés dans le matériel (les consoles) ainsi que les codes cryptés des éléments protégés par le droit d’auteur, même si l’interopérabilité entre les systèmes et les produits s’en trouve limitée, et, deuxièmement, lorsqu’il faut apprécier si d’autres appareils ont une finalité ou des usages possibles autres que le contournement, quelle importance il faut accorder à l’utilisation prévue des consoles et comment évaluer les différentes utilisations des autres appareils.

5.

La juridiction nationale limite ses questions à l’interprétation de la directive 2001/29. Néanmoins, un jeu vidéo est également, dans une large mesure, un programme informatique (bien qu’il puisse incorporer d’autres œuvres de l’esprit, tant narratives que graphiques) et les programmes informatiques entrent dans le champ d’application de la directive 2009/24 ( 3 ).

Synthèse du droit de l’Union pertinent

6.

Les principaux aspects pertinents des directives 2001/29 et 2009/24 peuvent se résumer comme suit.

La directive 2001/29

7.

Le préambule de la directive 2001/29 reconnaît que, de plus en plus, des mesures technologiques permettront aux titulaires de droits d’empêcher ou de limiter les actes qu’ils n’ont pas autorisés, mais s’inquiète également du développement au même rythme de moyens illicites de contournement de telles mesures. Les mesures installées par les titulaires de droits doivent donc faire l’objet d’une protection juridique ( 4 ). Une telle protection juridique doit porter sur les mesures techniques qui permettent efficacement de limiter les actes non autorisés par les titulaires d’un droit d’auteur, de droits voisins ou du droit sui generis sur une base de données, sans toutefois empêcher le fonctionnement normal des équipements électroniques et leur développement technique. Elle doit respecter le principe de proportionnalité et ne doit pas interdire les dispositifs ou les activités qui ont, sur le plan commercial, un objet ou une utilisation autre que le contournement de la protection technique ( 5 ). En outre, la protection juridique conférée par la directive 2001/29 ne doit pas empiéter sur celle accordée par la directive 2009/24 aux mesures techniques utilisées en liaison avec des programmes d’ordinateur ( 6 ).

8.

L’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/29 précise que celle-ci laisse intactes et n’affecte en aucune façon les dispositions de droit de l’Union existantes concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur.

9.

Son article 6 est intitulé «Obligations relatives aux mesures techniques».

10.

L’article 6, paragraphe 1, impose aux États membres de prévoir une protection juridique appropriée contre le contournement de toute mesure technique efficace, que la personne effectue en sachant, ou en ayant des raisons valables de penser, qu’elle poursuit cet objectif.

11.

L’article 6, paragraphe 2, impose aux États membres de prévoir une protection juridique appropriée contre la fabrication, l’importation, la distribution, la vente, la location, la publicité en vue de la vente ou de la location, ou la possession à des fins commerciales de dispositifs, produits ou composants ou la prestation de services qui:

«a)

font l’objet d’une promotion, d’une publicité ou d’une commercialisation, dans le but de contourner la protection, ou

b)

n’ont qu’un but commercial limité ou une utilisation limitée autre que de contourner la protection, ou

c)

sont principalement conçus, produits, adaptés ou réalisés dans le but de permettre ou de faciliter le contournement de la protection de toute mesure technique efficace.»

12.

L’article 6, paragraphe 3, entend par «mesures techniques», «toute technologie, dispositif ou composant qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, est destiné à empêcher ou à limiter, en ce qui concerne les œuvres ou autres objets protégés, les actes non autorisés par le titulaire d’un droit […]». Elles sont réputées «efficaces» lorsque l’utilisation d’une œuvre protégée est contrôlée par les titulaires du droit grâce à l’application d’un code d’accès ou d’un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l’œuvre protégée ou d’un mécanisme de contrôle de copie qui atteint cet objectif de protection.

La directive 2009/24

13.

Le préambule de la directive 2009/24 semble définir l’expression «programme d’ordinateur» comme incluant ceux qui sont incorporés au matériel ( 7 ) et indique clairement que seule «l’expression d’un programme d’ordinateur» est protégée et non les idées et les principes sous‑jacents ( 8 ). Il précise que «la reproduction, la traduction, l’adaptation ou la transformation non autorisée de la forme du code sous lequel une copie de programme d’ordinateur a été fournie» constituent une atteinte aux droits exclusifs de l’auteur, mais reconnaît qu’une telle reproduction ou transformation peut s’avérer indispensable, par exemple pour permettre l’interopérabilité avec d’autres programmes ou l’interconnexion de tous les éléments d’un système informatique, y compris ceux de fabricants différents, afin qu’ils puissent fonctionner ensemble. Ce n’est que dans ces circonstances bien précises qu’«une personne ayant le droit d’utiliser une copie du programme» n’a pas à requérir l’autorisation du titulaire du droit d’auteur ( 9 ). La protection des programmes d’ordinateur par le droit d’auteur ne doit pas faire obstacle, le cas échéant, à la mise en œuvre d’autres formes de protection. Toute disposition contractuelle contraire aux dispositions de la directive concernant notamment la décompilation devrait toutefois être nulle et non avenue ( 10 ).

14.

En conséquence, l’article 1er, paragraphes 1 et 2, impose aux États membres de protéger les programmes d’ordinateur (y compris toute forme d’expression d’un programme d’ordinateur, mais non les idées et les principes qui sont à leur base) par le droit d’auteur en tant qu’œuvres littéraires au sens de la convention de Berne ( 11 ).

15.

L’article 4, paragraphe 1, sous a) et c), dispose que les droits exclusifs du titulaire comportent notamment «le droit de faire ou d’autoriser»:

«a)

la reproduction permanente ou provisoire d’un programme d’ordinateur, en tout ou en partie, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit; [...]

[...]

c)

toute forme de distribution, y compris la location, au public de l’original ou de copies d’un programme d’ordinateur.»

16.

L’article 5 prévoit cependant un certain nombre d’exceptions à ces droits exclusifs. Notamment, toute personne détenant légitimement et ayant le droit d’utiliser le programme d’ordinateur n’a pas à demander d’autorisation dans les cas suivants: la reproduction du programme pour l’utilisation d’une manière conforme à sa destination, y compris pour corriger des erreurs; la création d’une copie de sauvegarde dans la mesure où celle‑ci est nécessaire pour l’utilisation du programme; ou...

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