Opinion of Advocate General Jääskinen delivered on 21 May 2015.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:341
Docket NumberC-439/13
Date21 May 2015
Celex Number62013CC0439(01)
Procedure TypeRecurso por responsabilidad
CourtCourt of Justice (European Union)
62013CC0439(01)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 21 mai 2015 ( 1 )

Affaire C‑439/13 P

Elitaliana SpA

contre

Eulex Kosovo

«Réouverture de la procédure orale — Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) — Mission de l’Union européenne — Compétence des juridictions de l’Union — Budget de l’Union — Marchés publics de services — Règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 — Appel d’offres concernant le soutien par hélicoptère à la mission EULEX au Kosovo — Contrôle de légalité de la décision d’attribution d’un marché public»

I – Introduction

1.

La présente procédure trouve ses origines dans un recours en annulation introduit devant le Tribunal de l’Union européenne par une entreprise de droit italien Elitaliana SpA (ci‑après «Elitaliana») contre une mesure adoptée dans le cadre d’une procédure d’adjudication d’un marché public ( 2 ) par Eulex Kosovo, entité créée au titre de l’action commune 2008/124/PESC du Conseil, du 4 février 2008, relative à la mission «État de droit» menée par l’Union européenne au Kosovo ( 3 ). En rejetant comme irrecevable le recours d’Elitaliana au motif que Eulex Kosovo ne possédait pas la qualité de partie défenderesse ( 4 ), le Tribunal a jugé dans l’ordonnance Elitaliana/Eulex Kosovo ( 5 ) qu’il n’y avait pas lieu de se prononcer sur la question portant sur sa compétence pour connaître des recours dirigés contre les actes adoptés sur la base des dispositions du traité UE relatives à la PESC.

2.

Dans mes premières conclusions rendues à propos du pourvoi dirigé contre ladite ordonnance ( 6 ), j’ai conclu au rejet du pourvoi, eu égard au statut d’Eulex Kosovo. Dans ce cadre, je ne me suis pas prononcé sur la problématique de la compétence de la Cour.

3.

Pour être en mesure de statuer sur la présente affaire, la Cour a toutefois souhaité être éclairée sur l’ensemble des aspects pertinents et a, par ordonnance du 10 février 2015, ordonné la réouverture de la procédure orale pour permettre aux parties d’exprimer leur point de vue sur la question de savoir:

«[...] [s]i le Tribunal de l’Union européenne et la Cour de justice de l’Union européenne disposent de la compétence pour connaître de cette affaire, en prenant en considération les dispositions concernant la [PESC] contenues dans le titre V, chapitre 2, section 1, du traité UE et celles de l’article 275 TFUE.»

4.

Conformément à l’article 24 TUE, lu en combinaison avec l’article 275 TFUE, la Cour n’est effectivement pas compétente en ce qui concerne les dispositions relatives à la PESC, à l’exception du contrôle au regard de l’article 40 TUE et de l’article 275, second alinéa, TFUE.

5.

Néanmoins, je souhaite souligner d’emblée que la présente affaire, dès lors qu’il s’agit de marchés publics passés dans le cadre de l’action extérieure de l’Union européenne, relève directement du champ d’application des dispositions budgétaires du droit de l’Union. À l’instar d’Elitaliana, du Conseil de l’Union européenne et de la Commission européenne, qui s’accordent globalement à considérer que la Cour est compétente pour connaître de la présente affaire ( 7 ), j’entends argumenter en faveur de la compétence du Tribunal et de la Cour aux fins de contrôler la légalité de la décision d’attribution d’un marché public au regard des règles applicables en matière du budget de l’Union, tant sous l’angle du financement des mesures relevant de la PESC que sous l’angle de l’exécution du budget de l’Union.

II – Le cadre juridique

6.

L’article 41, paragraphe 1, TUE dispose:

«Les dépenses administratives entraînées pour les institutions par la mise en œuvre du présent chapitre sont à la charge du budget de l’Union.»

7.

Aux termes de l’article 41, paragraphe 2, premier alinéa, TUE, les dépenses opérationnelles entraînées par la mise en œuvre du présent chapitre sont également à la charge du budget de l’Union, à l’exception des dépenses afférentes à des opérations ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense et des cas où le Conseil en décide autrement à l’unanimité.

8.

Selon l’article 310, paragraphes 1 et 3, TFUE:

«1. Toutes les recettes et les dépenses de l’Union doivent faire l’objet de prévisions pour chaque exercice budgétaire et être inscrites au budget.

Le budget annuel de l’Union est établi par le Parlement européen et le Conseil conformément à l’article 314.

Le budget doit être équilibré en recettes et en dépenses.

[...]

3. L’exécution de dépenses inscrites au budget requiert l’adoption préalable d’un acte juridiquement contraignant de l’Union qui donne un fondement juridique à son action et à l’exécution de la dépense correspondante en conformité avec le règlement visé à l’article 322, sauf exceptions prévues par celui‑ci.»

9.

L’article 317 TFUE est ainsi rédigé:

«La Commission exécute le budget en coopération avec les États membres, conformément aux dispositions des règlements pris en exécution de l’article 322, sous sa propre responsabilité et dans la limite des crédits alloués, conformément au principe de la bonne gestion financière. Les États membres coopèrent avec la Commission pour faire en sorte que les crédits soient utilisés conformément aux principes de la bonne gestion financière.

[...]

À l’intérieur du budget, la Commission peut procéder, dans les limites et conditions fixées par le règlement pris en exécution de l’article 322, à des virements de crédits, soit de chapitre à chapitre, soit de subdivision à subdivision.»

10.

Le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes ( 8 ), énonce à son article 4, paragraphe 2, sous a):

«Les dépenses et les recettes des Communautés comprennent:

a)

les recettes et les dépenses de la Communauté européenne, y compris les dépenses administratives entraînées pour les institutions par les dispositions du traité sur l’Union européenne dans le domaine de la [PESC] et dans celui de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, ainsi que les dépenses opérationnelles entraînées par la mise en œuvre desdites dispositions quand celles‑ci sont à la charge du budget».

11.

Conformément à l’article 162, paragraphe 1, dudit règlement, les dispositions de la première et de la troisième parties du règlement financier no 1605/2002 s’appliquent aux actions extérieures financées par le budget, sous réserve des dérogations prévues au présent titre.

12.

Ainsi qu’il ressort de l’article 163 du règlement financier no 1605/2002, les actions visées au présent titre peuvent être exécutées soit de façon centralisée par la Commission, soit de manière décentralisée par le ou les pays tiers bénéficiaires, soit conjointement avec des organisations internationales.

13.

Aux termes de l’article 166 du règlement financier no 1605/2002:

«1. Les actions menées donnent lieu:

a)

à l’établissement d’une convention de financement entre la Commission, agissant au nom des Communautés, et le ou les pays tiers bénéficiaires ou les organismes désignés par ceux‑ci, ci‑après dénommés ‘bénéficiaires’;

b)

ou à un contrat ou une convention de subvention avec des organismes de droit public national ou international ou des personnes physiques ou morales, chargées de leur réalisation.

[...]»

14.

L’article 167 du règlement financier no 1605/2002 énonce:

«1. Les dispositions de l’article 56 et du chapitre 1 du titre V de la première partie relatives aux dispositions générales de passation des marchés sont applicables aux marchés couverts par le présent titre, sous réserve des dispositions spécifiques relatives aux seuils et aux modalités de passation des marchés extérieurs prévues par les modalités d’exécution. Les pouvoirs adjudicateurs au sens du présent chapitre sont:

a)

la Commission au nom et pour le compte d’un ou plusieurs bénéficiaires;

b)

le ou les bénéficiaires;

c)

un organisme de droit national ou international ou des personnes morales ou physiques ayant signé avec la Commission une convention de financement ou de subvention pour la mise en œuvre d’une action extérieure.

[...]»

III – La procédure devant la Cour

15.

En réponse à l’invitation adressée aux parties par la Cour dans l’ordonnance de réouverture de la procédure orale du 10 février 2015, Elitaliana, Eulex Kosovo, le Conseil ainsi que la Commission ont présenté leurs observations écrites. Eulex Kosovo, le Conseil et la Commission ont été entendus à l’audience qui s’est tenue le 25 mars 2015.

IV – Sur les actions de l’Union dans le cadre de l’action extérieure et les limites de la compétence de la Cour dans le domaine de la PESC

A – Réflexions liminaires sur la PESC

16.

Sur le plan historique, lors de la signature du traité de Maastricht, la PESC, en tant que politique commune de l’Union ancrée dans la coopération intergouvernementale, a été le fruit d’un compromis. Alors que la PESC a été conçue comme un système distinct, par comparaison aux politiques communautaires et à la coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, elle a été intégrée formellement, organiquement et matériellement à une structure unique, l’Union ( 9 ). Ainsi, dès sa conception, la PESC a relevé d’un cadre institutionnel unique ( 10 ), commun aux trois piliers.

17.

Il est constant que l’action extérieure de l’Union englobe maintes matières telles que la sécurité et la défense, la politique commerciale, l’aide au développement, la coopération avec les pays tiers, l’aide humanitaire, les accords...

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