Igor Simutenkov v Ministerio de Educación y Cultura and Real Federación Española de Fútbol.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:6
Date11 January 2005
Celex Number62003CC0265
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-265/03

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME CHRISTINE STIX-HACKL

présentées le 11 janvier 2005 (1)

Affaire C-265/03

Igor Simutenkov

contre

Ministerio de Educación y Cultura

et

Real Federación Española de Fútbol

[demande de décision préjudicielle formée par l’Audiencia Nacional (Espagne)]

«Article 23 de l’accord de partenariat et de coopération CE/Fédération de Russie – Libre circulation des travailleurs – Limitation du nombre de joueurs de pays tiers ne faisant pas partie de l’EEE – Football»





I – Introduction

1. Dans la présente procédure préjudicielle, il s’agit de l’interprétation de l’accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la Fédération de Russie, d’autre part (2) (ci‑après l’«accord»), plus précisément de l’effet direct ainsi que de l’importance et du sens qu’il convient de donner à l’article 23 de cet accord concernant les conditions relatives à l’emploi. La procédure au principal concerne la réglementation d’une fédération sportive, par laquelle le nombre de joueurs de football originaires de pays tiers est limité lors de certaines compétitions.

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

2. L’article 23, paragraphe 1, de l’accord stipule que:

«Sous réserve des lois, des conditions et des procédures applicables dans chaque État membre, la Communauté et ses États membres assurent que les ressortissants russes légalement employés sur le territoire d’un État membre ne font l’objet d’aucune discrimination fondée sur la nationalité, en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération ou de licenciement, par rapport aux ressortissants dudit État membre.»

B – Droit national

3. Une licence de joueur de football professionnel est, conformément à l’article 129, paragraphe 2, du règlement général de la Real Federación Española de Fútbol (ci‑après la «RFEF»), un titre délivré par la RFEF permettant de pratiquer ce sport en tant que joueur affilié et d’être aligné dans des matchs et des compétitions officiels en qualité de joueur appartenant à une équipe donnée. Il y a lieu de citer, parmi les compétitions officielles à l’échelle nationale, les championnats nationaux de première et de deuxième division, le championnat/coupe d’Espagne de Sa Majesté le Roi et la supercoupe. Il faut donc être titulaire de la licence fédérale en question pour participer à ces compétitions.

4. L’article 173 du règlement général dispose que:

«Les joueurs de football doivent posséder la nationalité espagnole ou être ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen pour pouvoir être inscrits et obtenir la licence de joueur professionnel, sous réserve des exceptions prévues dans le présent règlement.»

L’article 176 du même règlement énonce que:

«1. Les équipes relevant des compétitions officielles organisées à l’échelle nationale et de nature professionnelle peuvent y inscrire des joueurs étrangers qui ne sont pas ressortissants communautaires, dont le nombre est fixé dans les accords conclus à cet effet entre la RFEF, la ligue nationale de football professionnel et l’association des footballeurs espagnols, accords qui réglementent en outre le nombre de joueurs de cette catégorie qui peuvent être alignés simultanément.

2. Conformément à l’accord souscrit entre ces organismes le 28 mai 1999, la réglementation régissant cette matière est, à compter de la saison 2000/2001 jusqu’à la saison 2004/2005, les deux incluses, la suivante […]

3. Les joueurs de football qui relèvent du régime institué par le présent article jouissent, dans le cadre de l’organisation fédérale, des mêmes droits et obligations et sont soumis à la même réglementation que les joueurs affiliés au titre de la règle générale.»

5. La partie de l’article 176, paragraphe 2, qui n’a pas été reproduite ci‑dessus a trait au nombre de licences attribuées pour chaque saison (5 en première division pour la saison 2000/2001, 4 pour chacune des trois saisons suivantes et 3 pour la saison 2004/2005; 4 en deuxième division pour la saison 2000/2001, 3 pour chacune des deux saisons suivantes et 2 pour la dernière saison) et au nombre de joueurs qui ne sont pas ressortissants communautaires qu’il est permis d’aligner simultanément (3 en première division au cours des cinq saisons et 3 en deuxième division pour les deux premières saisons et 2 pour les trois saisons suivantes).

III – Faits, procédure au principal et question préjudicielle

6. M. Igor Simutenkov est un ressortissant russe, titulaire d’un titre de séjour et d’un permis de travail en Espagne. M. Simutenkov est engagé comme joueur de football professionnel en vertu d’un contrat de travail conclu avec le Club Deportivo Tenerife et il détient une licence fédérale en qualité de joueur non ressortissant communautaire ni ressortissant d’un pays de l’Espace économique européen (EEE). En janvier 2001, il a présenté, par l’intermédiaire de son club, une demande à la RFEF afin que, en vertu de l’accord, cette dernière remplace sa licence par une licence de joueur communautaire. Ladite fédération sportive a rejeté cette demande au titre des articles 173 et suivants de son règlement général et de l’accord du 28 mai 1999, souscrit par la RFEF et la ligue nationale de football professionnel.

7. À la suite de cela, M. Simutenkov a formé un recours contre la RFEF devant le Juzgado de lo Social n° 3 de Santa Cruz de Tenerife, par lequel il a demandé le respect de son droit fondamental à l’absence de toute discrimination en raison de sa nationalité.

8. Le recours a été déclaré fondé par le Juzgado de lo Social n° 3 de Santa Cruz de Tenerife qui, par jugement du 19 avril 2001, a constaté l’existence d’un traitement discriminatoire et a reconnu au requérant le droit d’être traité comme un ressortissant communautaire en matière de conditions de travail. L’arrêt n’était pas définitif du fait de l’incident tiré d’un conflit de compétences.

9. Le Tribunal Supremo a constaté la compétence du Juzgado Central de lo Contencioso‑Administrativo. Celui‑ci a, par jugement du 22 octobre 2002, rejeté le recours de M. Simutenkov.

10. M. Simutenkov a interjeté appel du jugement précité devant l’Audiencia Nacional (Sala de lo Contencioso‑Administrativo). Celle‑ci a, par ordonnance du 4 mars 2003, décidé de déférer la question suivante à la Cour à titre préjudiciel:

«L’article 23 de l’accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la Fédération de Russie, d’autre part, fait à Corfou le 24 juin 1994, s’oppose‑t‑il à l’application par une fédération sportive à un sportif professionnel de nationalité russe, régulièrement employé par un club de football espagnol, tel que celui en cause dans le recours au principal, d’une règle selon laquelle les clubs ne sont autorisés à aligner, dans les compétitions organisées à l’échelle nationale, qu’un nombre limité de joueurs originaires de pays tiers qui ne sont pas parties à l’accord sur l’Espace économique européen?»

IV – Appréciation

11. Concernant le contenu de la question préjudicielle ou l’examen de celle‑ci, il convient de noter que, au préalable, il faut répondre à la question de savoir si la disposition pertinente de l’accord est directement applicable, même si cela n’a pas été expressément demandé par la juridiction de renvoi.

A – Quant à l’effet direct de l’article 23 de l’accord

12. Selon une jurisprudence constante, une disposition d’un accord conclu par la Communauté avec un pays tiers doit être considérée comme étant d’application directe lorsqu’elle comporte une obligation claire et précise qui n’est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’aucun acte ultérieur.

13. En vue de déterminer si cette condition est remplie, il convient d’examiner deux points. En premier lieu, il faut examiner cette disposition de manière isolée en partant de son libellé. En second lieu, l’accord doit être apprécié en tant que tel, c’est‑à‑dire par rapport à son objet et à sa nature (ou par rapport à son objectif et à son contexte). Cette manière de procéder a été adoptée par la Cour, tant pour ce qui concerne les accords d’association (3) que les accords de coopération (4).

1. Examen isolé de la disposition

14. Pour procéder à un examen isolé de l’article 23 de l’accord, il convient de commencer par son libellé. Ce faisant, il faut tenir compte du fait que les textes de droit communautaire sont rédigés en plusieurs langues et que les diverses versions linguistiques font également foi. Une interprétation d’une disposition de droit communautaire implique ainsi une comparaison des versions linguistiques (5).

15. Une telle comparaison entre les différentes versions de l’article 23, paragraphe 1, de l’accord montre que le libellé et la signification de celui‑ci ne correspondent pas dans toutes les versions linguistiques. Si l’on part des dix langues officielles à la date de la signature, on constate la chose suivante: alors que sept langues (6), la version russe incluse, sont de nature à conclure à l’existence d’une obligation, par exemple dans le sens...

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