T-Mobile Austria GmbH and Others v Republik Österreich.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:520
Date07 September 2006
Celex Number62004CC0284
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-284/04

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE Kokott

présentées le 7 septembre 2006 (1)

Affaire C-284/04

T-Mobile Austria GmbH e.a.

contre

République d’Autriche

[demande de décision préjudicielle introduite par le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien (Autriche)]

«Sixième directive TVA – Notion d’activité économique – Assujettissement des organismes de droit public – Adjudication par voie d’enchères de droits d’utilisation de fréquences pour des services de télécommunications mobiles numériques de la troisième génération (UMTS) ainsi que pour les GSM‑DCS‑1800 et le système TETRA»





I – Introduction

1. En novembre 2000, la Telekom-Control-Kommission, autorité réglementaire autrichienne, a adjugé des lots de fréquences permettant d’offrir des services de télécommunications mobiles du type UMTS/IMT-2000 (2) (appelés aussi services de télécommunications mobiles de la troisième génération – 3 G –) et a attribué dans ce même contexte aux mieux-disants les droits d’utilisation de ces mêmes fréquences. Les redevances récoltées à ce titre se sont élevées à 831 595 241,10 euros au total. Des fréquences permettant d’offrir des services de téléphonie mobile de la deuxième génération (norme GSM (3)), d’une part, et servant au système radioélectrique à ressources partagées transeuropéen TETRA (4), d’autre part, avaient déjà été attribuées auparavant de cette manière.

2. Les appareils de télécommunications mobiles – 3G disposent d’une capacité de transmission des données supérieure aux téléphones mobiles des générations antérieures. Ils permettent en particulier de proposer des services multimédias comme les vidéoconférences, l’accès à internet et les services en ligne. On considère que l’introduction de la télécommunication mobile UMTS est un progrès technique significatif qui ouvre aux entreprises de télécommunications de nombreux champs d’activité nouveaux.

3. Dans le litige au principal, les huit entreprises de télécommunications (ci‑après également les «demanderesses») qui ont acquis les droits d’utilisation des fréquences soutiennent que l’attribution des droits est une opération soumise à la TVA et que la redevance d’utilisation des fréquences serait grevée de TVA. Elles réclament dès lors l’émission de factures attestant la TVA. C’est une condition pour déduire, en tant que taxe versée en amont, la TVA qu’elles prétendent avoir acquittée.

4. Aux termes de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive sur la TVA (5) (ci-après la «sixième directive») ne sont imposables que les opérations qu’un assujetti accomplit dans le cadre de son activité économique. Conformément à l’article 4, paragraphe 5, la directive n’assimile en principe pas l’État et ses organismes à un assujetti lorsqu’ils agissent en tant qu’autorités publiques. C’est l’interprétation de ces dispositions au regard de l’adjudication par voie d’enchères des droits d’utilisation des fréquences qui est au cœur de la présente procédure.

5. Dans une demande de décision préjudicielle parallèle (6), dans laquelle nous présentons également des conclusions aujourd’hui, le VAT and Duties Tribunal London pose des questions analogues dans l’examen de l’adjudication de licences UMTS au Royaume-Uni.

6. De surcroît, d’autres États membres ont suivi les exemples autrichien et britannique en recueillant eux aussi d’importantes redevances de licence. L’importance particulière de la présente procédure et de la procédure parallèle issue du Royaume-Uni ne tient donc pas uniquement aux montants énormes qui sont en jeu. Elles ont aussi valeur d’affaires pilotes pour des litiges analogues dans d’autres États membres.

II – Cadre juridique

A – Les dispositions relatives à la TVA

1. La réglementation communautaire

7. Aux termes de l’article 2, point 1, de la sixième directive sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

«les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel; […]»

8. L’article 4 de la sixième directive définit l’assujetti comme suit:

«1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

2. Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

[…]

5. Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, même lorsque, à l’occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.

Toutefois, lorsqu’ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance.

En tout état de cause, les organismes précités ont la qualité d’assujettis notamment pour les opérations énumérées à l’annexe D et dans la mesure où celles-ci ne sont pas négligeables.

[…]»

9. L’annexe D mentionne en son point 1 les télécommunications; en tant qu’activité visée à l’article 4, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive.

2. La législation nationale

10. Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, point 1, de la loi autrichienne de 1994 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Umsatzsteuergesetz 1994, ci-après l’«UStG 1994») sont soumises à la taxe sur le chiffre d’affaires les livraisons et autres prestations effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un entrepreneur dans le cadre de son entreprise. L’opération effectuée sur la base d’un acte législatif ou administratif, ou réputée effectuée en vertu d’une disposition législative, n’en demeure pas moins imposable.

11. En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de l’UStG 1994 est considéré comme un entrepreneur au sens de la même loi quiconque exerce de manière indépendante une activité commerciale ou professionnelle. Est commerciale ou professionnelle toute activité permanente visant à en retirer des recettes.

12. En vertu de l’article 2, paragraphe 3, de l’UStG 1994, les organismes de droit public n’ont en principe d’activité commerciale ou professionnelle que dans le cadre de leurs établissements commerciaux [article 2 de la loi relative à l’impôt sur les sociétés (Körperschaftsteuergesetz, ci-après le «KStG»)]. L’article 2, paragraphe 1, du KStG établit qu’est un établissement commercial d’un organisme de droit public tout organe qui est économiquement autonome et a exclusivement ou majoritairement une activité économique permanente à caractère privé, qui vise à en retirer des recettes ou, en l’absence de participation aux échanges économiques généraux, d’autres avantages économiques, et qui ne relève pas de l’agriculture ou de la sylviculture.

13. L’article 2, paragraphe 5, du KStG dispose dans le passage qui nous intéresse: «L’activité n’est pas une activité économique à caractère privé au sens du paragraphe 1 si elle est accomplie majoritairement en tant qu’autorité publique (service public) […]».

14. L’article 11, paragraphe 1, première et deuxième phrases, de l’UStG 1994 prévoit ceci: «si l’entrepreneur effectue des opérations au sens de l’article 1er, paragraphe 1, point 1, de l’UStG 1994, il est habilité à délivrer des factures. S’il effectue des opérations destinées à un autre entrepreneur, pour les besoins de son entreprise, ou à une personne morale, dans la mesure où il ne s’agit pas d’un entrepreneur, il est tenu de délivrer des factures» (7). Ces factures doivent, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, point 6, de l’UStG 1994, mentionner le montant de la taxe afférente à la redevance.

B – Cadre juridique de l’attribution de fréquences UMTS

15. Les fréquences d’utilisation sont une ressource rare. Le spectre des fréquences techniquement exploitables a déjà été attribué en grande partie à différents services et types d’exploitation. Pour éviter des perturbations, chaque exploitation dispose de segments (bandes de fréquences) précis délimités entre eux. La réglementation mondiale des fréquences est le fruit des travaux de l’Union internationale des télécommunications (UIT), une organisation internationale œuvrant sous l’égide des Nations unies.

16. Les bandes de fréquences ouvertes aux télécommunications mobiles UMTS/IMT–2000 ont été établies dans leur principe en 1992 par la Conférence mondiale des radiocommunications (CMR 1992). Dans sa résolution 212, la Conférence mondiale des radiocommunications de 1997 note que le lancement de la mise en place des services de télécommunications mobiles IMT-2000 est attendu vers l’an 2000.

17. Au niveau européen, la CEPT (8) prépare elle aussi la mise en place de la télécommunication mobile de la troisième génération. Le Comité européen des radiocommunications (CER), qui fait partie de cette organisation, a défini en particulier le spectre des fréquences disponibles dans la décision ERC/DEC/(97)/07 du 30 juin 1997 (9).

18. La portion du spectre des fréquences réservée à la télécommunication mobile de la troisième génération est subdivisée à son tour en segments dans lesquels plusieurs opérateurs peuvent exploiter des réseaux de télécommunications mobiles les uns à côté des autres. L’étendue des droits d’utilisation des fréquences attribuées varie d’État membre à État membre ainsi que leur nombre (10). Alors que l’Autriche et l’Allemagne, par exemple, ont réparti...

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