Boston Scientific Medizintechnik GmbH v AOK Sachsen-Anhalt – Die Gesundheitskasse and Betriebskrankenkasse RWE.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2306
Date21 October 2014
Celex Number62013CC0503
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-503/13,C-504/13
62013CC0503

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 21 octobre 2014 ( 1 )

Affaires jointes C‑503/13 et C–504/13

Boston Scientific Medizintechnik GmbH

contre

AOK Sachsen-Anhalt – Die Gesundheitskasse (C–503/13),

Betriebskrankenkasse RWE (C–504/13)

[demandes de décision préjudicielle formées par le Bundesgerichtshof (Allemagne)]

«Renvoi préjudiciel — Directive 85/374/CEE — Responsabilité du fait des produits défectueux — Défaut du produit — Caractérisation — Stimulateurs cardiaques et défibrillateurs automatiques implantés dans le corps humain — Dispositifs appartenant à un groupe de produits présentant un risque de défaillance sensiblement supérieur à la normale ou dont un nombre significatif a déjà présenté une défaillance»

1.

Par les présentes demandes de décision préjudicielle, la Cour est invitée à statuer sur l’interprétation des articles 1er, 6, paragraphe 1, et 9, première phrase, sous a), de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ( 2 ).

2.

En particulier, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) demande à la Cour de préciser les contours de la notion de «défectuosité du produit» et de celle du «dommage réparable», au sens de cette directive, dans le contexte de litiges nés à la suite d’opérations chirurgicales d’explantation de stimulateurs et d’un défibrillateur cardiaques.

3.

Dans les présentes conclusions, nous soutiendrons, en premier lieu, qu’un dispositif médical implanté dans le corps d’un patient doit être regardé comme défectueux, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 85/374, lorsqu’il a les mêmes caractéristiques que d’autres dispositifs dont il est avéré qu’ils présentent un risque de défaillance sensiblement supérieur à la normale ou qu’ils ont déjà présenté, en nombre important, des défaillances. En effet, l’appartenance d’un produit déterminé à un groupe de produits défectueux permet de considérer qu’il recèle lui-même une potentialité de défaillance qui n’est pas conforme à l’attente légitime de sécurité des patients.

4.

Nous exposerons, en second lieu, que constituent un dommage causé par lésions corporelles, au sens de l’article 9, première phrase, sous a), de la directive 85/374, les préjudices liés à l’opération chirurgicale préventive d’explantation d’un dispositif médical défectueux et d’implantation d’un nouveau dispositif et que le producteur du produit défectueux est responsable de ces préjudices lorsqu’ils présentent un lien de causalité avec le défaut, ce qu’il appartient au juge national de vérifier en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, notamment en recherchant si l’opération chirurgicale était nécessaire pour prévenir la réalisation du risque de défaillance découlant du défaut du produit.

I – Le cadre juridique

A – La directive 85/374

5.

L’article 1er de la directive 85/374 énonce le principe selon lequel «[l]e producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit», tandis que l’article 4 de cette directive précise que «[l]a victime est obligée de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage».

6.

L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive dispose:

«Un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre compte tenu de toutes les circonstances, et notamment:

a)

de la présentation du produit;

b)

de l’usage du produit qui peut être raisonnablement attendu;

c)

du moment de la mise en circulation du produit.»

7.

De plus, l’article 9 de la directive 85/374 prévoit:

«Au sens de l’article 1er, le terme ‘dommage’ désigne;

a)

le dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles;

b)

le dommage causé à une chose ou la destruction d’une chose, autre que le produit défectueux lui-même [...]

Le présent article ne porte pas préjudice aux dispositions nationales relatives aux dommages immatériels.»

B – Le droit allemand

8.

La directive 85/374 a été transposée en droit allemand par la loi sur la responsabilité du fait des produits défectueux (Gesetz über die Haftung für fehlerhafte Produkte), du 15 décembre 1989 ( 3 ), telle que modifiée ( 4 ).

9.

En vertu de l’article 1er de cette loi:

«1. Lorsqu’une personne a été tuée ou blessée ou qu’elle voit sa santé altérée par le défaut d’un produit ou encore lorsqu’une chose a été endommagée, le producteur est obligé de réparer à la victime le préjudice qui en est issu. Dans l’hypothèse d’un dommage causé à une chose, ce principe ne vaut que lorsqu’une chose distincte du produit défectueux a été endommagée et lorsque cette chose est d’un type normalement destiné à l’usage ou à la consommation privés et a été utilisée par la victime principalement à cet effet.

[...]

4. La charge de la preuve du défaut, du dommage ainsi que du lien de causalité entre le défaut et le dommage incombe à la victime [...]»

10.

L’article 3 de ladite loi dispose:

«Un produit a un défaut lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre compte tenu de toutes les circonstances, et notamment:

a)

de la présentation du produit,

b)

de l’usage du produit qui peut être raisonnablement attendu,

c)

du moment de la mise en circulation du produit [...]»

11.

Aux termes de l’article 8 de la loi du 15 décembre 1989:

«Lorsqu’une personne a été blessée ou qu’elle voit sa santé altérée, l’indemnité devrait couvrir les frais engagés par la victime pour recouvrer sa santé et le préjudice pécuniaire qu’elle a subi à la suite de ses blessures en raison de la perte ou de la réduction temporaire ou définitive de sa capacité de travail ou encore en raison de l’accroissement temporaire ou définitif de ses besoins.»

II – Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

12.

B. Corporation, devenue B. S. Corporation, est une société de droit américain qui fabrique et commercialise des stimulateurs cardiaques ainsi que des défibrillateurs automatiques implantables.

13.

G. GmbH & Co. Medizintechnik KG ( 5 ), ultérieurement fusionnée avec Boston Scientific Medizintechnik GmbH ( 6 ), importait et commercialisait des stimulateurs cardiaques de type Guidant Pulsar 470 et Guidant Meridian 976 ainsi que des défibrillateurs automatiques implantables de type G. CONTAK RENEWAL ® 4 AVT ® 6, fabriqués par B. S. Corporation.

A – Les faits de l’affaire C–503/13

14.

Par lettre du 22 juillet 2005, intitulée «Information urgentes de sécurité concernant des produits médicaux et mesures correctives», G. GmbH a informé les médecins que son système de contrôle de qualité avait constaté qu’un élément utilisé dans les stimulateurs pour les sceller de manière hermétique faisait éventuellement l’objet d’une défaillance progressive qui pouvait avoir pour conséquence l’épuisement prématuré de la pile avec perte de télémétrie et/ou perte de la thérapie de stimulation sans avertissement préalable.

15.

G. GmbH a, en conséquence, recommandé aux médecins notamment de prendre en considération l’échange d’appareils en s’engageant à mettre gratuitement des appareils de remplacement à disposition des patients.

16.

À la suite de cette recommandation, les stimulateurs implantés à B au mois de septembre 1999 et à W au mois d’avril 2000 ont été remplacés respectivement le 27 septembre 2005 et le 25 novembre 2005 par d’autres stimulateurs que le fabricant a fournis gratuitement.

17.

AOK Sachsen-Anhalt – Die Gesundheitskasse, organisme d’assurance maladie subrogé dans les droits de B et W, a demandé à BS. GmbH le remboursement des coûts liés à la pose initiale des stimulateurs, qui s’élevaient à 2 655,38 euros pour B et à 5 914,07 euros pour W.

18.

Par un jugement du 25 mai 2011, l’Amtsgericht Stendal (tribunal cantonal de Stendal, Allemagne) a accueilli cette demande. L’appel interjeté par BS. GmbH contre cette décision ayant été rejeté, le 10 mai 2012, par le Landgericht Stendal (tribunal régional de Stendal, Allemagne), BS. GmbH a introduit un recours en «Revision» devant le Bundesgerichtshof.

B – Les faits de l’affaire C–504/13

19.

Par lettre du mois de juin 2005, intitulée «Informations urgentes de sécurité en matière de produits médicaux et mesures correctives pour CONTAK RENEWAL ®», G. GmbH a informé les médecins que son système de contrôle de qualité avait constaté que les défibrillateurs pouvaient être affectés par un défaut concernant un élément de construction, qui pouvait limiter la disponibilité de la thérapie et que la Food and Drug Administration (Agence de l’alimentation et du médicament) des États-Unis pourrait qualifier cette mesure de rappel. Il ressortait de l’analyse technique qu’un interrupteur magnétique pouvait rester bloqué dans la position fermée et que, lorsque la fonction «usage de l’aimant» de l’appareil était activée, cela avait pour conséquence d’empêcher le traitement des arythmies ventriculaires et auriculaires. Dans ces conditions, G. GmbH a recommandé de désactiver l’interrupteur magnétique des défibrillateurs.

20.

Le 2 mars 2006, le défibrillateur que portait F a été échangé de façon anticipée.

21.

Betriebskrankenkasse RWE, organisme d’assurance maladie subrogé dans les droits de F, a demandé le remboursement des coûts du...

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