Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 7 March 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:169
Docket NumberC-90/17
Celex Number62017CC0090
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date07 March 2018
62017CC0090

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 7 mars 2018 ( 1 )

Affaire C‑90/17

Turbogás Produtora Energética SA

contre

Autoridade Tributária e Aduaneira

(demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Arbitral Tributário [Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD] [Tribunal arbitral en matière fiscale (Centre d’arbitrage administratif), Portugal])

« Renvoi préjudiciel – Taxation des produits énergétiques et de l’électricité – Directive 2003/96/CE – Article 14, paragraphe 1, sous a) – Exonération des produits énergétiques et de l’électricité utilisés pour la production d’électricité – Article 21, paragraphe 5, troisième alinéa – Entité qui produit de l’électricité pour son propre usage – Exonération des petits producteurs d’électricité »

Introduction

1.

Dans la présente affaire, la juridiction portugaise a saisi la Cour de questions préjudicielles portant sur l’interprétation d’une disposition de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité ( 2 ). La réponse à cette question ne devrait pas susciter de difficultés. Le problème est cependant que la réponse, qui serait utile pour trancher le litige dont la juridiction de renvoi est saisie, exige en outre une interprétation de dispositions de cette directive autres que celles que la juridiction de renvoi a indiquées dans sa demande. La Cour devrait donc, à mon avis, élargir son analyse à ces autres dispositions.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

2.

L’article 1er de la directive 2003/96 dispose :

« Les États membres taxent les produits énergétiques et l’électricité conformément à la présente directive. »

3.

Conformément à l’article 14, paragraphe 1, sous a) de cette directive :

« Outre les dispositions générales de la directive 92/12/CEE [ ( 3 )] concernant les utilisations exonérées de produits imposables, et sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent les produits suivants de la taxation, selon les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et claire de ces exonérations et d’empêcher la fraude, l’évasion ou les abus :

a)

les produits énergétiques et l’électricité utilisés pour produire de l’électricité et l’électricité utilisée pour maintenir la capacité de produire de l’électricité. Toutefois, les États membres peuvent taxer ces produits pour des raisons ayant trait à la protection de l’environnement et sans avoir à respecter les niveaux minima de taxation prévus par la présente directive. […] »

4.

Enfin, conformément à l’article 21, paragraphe 5, premier et troisième alinéas, de la directive 2003/96 :

« Pour l’application des articles 5 et 6 de la directive 92/12/CEE, l’électricité et le gaz naturel sont soumis à taxation et la taxe devient exigible au moment de leur fourniture par le distributeur ou le redistributeur […]

[…]

Une entité qui produit de l’électricité pour son propre usage est considérée comme un distributeur. Nonobstant les dispositions de l’article 14, paragraphe 1, [sous] a), les États membres peuvent exonérer les petits producteurs d’électricité, pour autant qu’ils taxent les produits énergétiques utilisés pour produire cette électricité. »

Le droit portugais

5.

Conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du Código dos Impostos Especiais de Consumo (code portugais des droits d’accise, ci‑après le « CIEC »), sont assujettis au droit d’accise sur l’électricité, entre autres, les entités qui produisent de l’électricité pour leur propre usage (« autoproducteurs »). Conformément à l’article 9, paragraphe 1, du CIEC, est considérée comme mise à la consommation d’électricité, entre autres, sa production pour le propre usage du producteur. L’article 89, paragraphe 2, sous a), du CIEC exonère de la taxe l’électricité utilisée pour la production d’électricité et pour maintenir la capacité de produire de l’électricité. Enfin, l’article 96 bis, paragraphe 1, du CIEC impose l’enregistrement des distributeurs d’électricité, aux fins de la perception du droit d’accise.

Les faits, le déroulement de la procédure et les questions préjudicielles

6.

Turbogás Produtora Energética SA (ci-après « Turbogás ») est une société de droit portugais active dans le domaine de la production d’électricité par un processus de combustion de gaz naturel. La centrale exploitée par Turbogás dispose d’une puissance installée de 990 MW, ce qui lui permet de produire environ 9 % de l’électricité totale produite annuellement au Portugal.

7.

Turbogás utilise une partie de l’électricité qu’elle produit à des fins liées à cette production. Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, cette société n’avait aucun droit à l’exonération du droit d’accise sur l’électricité consommée pour son propre usage. Elle n’a cependant pas déclaré cette électricité aux fins de la taxation ni payé le droit y afférent.

8.

À la suite d’un contrôle, l’administration fiscale a évalué la quantité d’électricité utilisée par Turbogás pour son propre usage dans les années 2012 et 2013 et, par une décision du 4 août 2014, elle a imposé le paiement de la taxe due à hauteur de 71197,17 euros majorés des intérêts d’un montant de 4986,52 euros. Un recours contre cette décision a été rejeté le 7 janvier 2016. Le 20 avril 2016, Turbogás a présenté une demande de constitution d’un tribunal arbitral, afin de faire constater l’illégalité de la décision du 4 août 2014. Le tribunal arbitral a été constitué le 1er juillet 2016.

9.

Dans sa demande, Turbogás maintenait surtout qu’elle ne saurait être considérée comme une entité qui produit de l’électricité pour son propre usage (« autoproducteur ») au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du CIEC. Elle basait cette affirmation sur la version en portugais de l’article 21, paragraphe 5, troisième alinéa, de la directive 2003/96, dont la deuxième phrase utilise l’expression « estes pequenos produtores » (« ces petits producteurs »). Selon Turbogás, l’utilisation de cette expression signifie que l’article 21, paragraphe 5, troisième alinéa, de la directive 2003/96 dans son ensemble concerne exclusivement les petits producteurs d’électricité et que, par conséquent, seuls ces producteurs sont considérés comme des distributeurs de cette énergie et sont assujettis à la taxe. Or, étant donné qu’il est constant que Turbogás n’est pas un petit producteur d’électricité, elle ne devrait pas être considérée comme un distributeur d’électricité qui consomme celle‑ci pour son propre usage, et elle ne devrait pas non plus être assujettie à la taxe.

10.

Dans ces circonstances, le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [Tribunal arbitral en matière fiscale (Centre d’arbitrage administratif), Portugal], a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour des questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Conformément au troisième alinéa de l’article 21, paragraphe 5, de la directive 2003/96, les entités qui produisent de l’électricité pour leur propre usage, doivent-elles être des petits producteurs pour être considérées comme des distributeurs et soumises à taxation conformément au premier alinéa de ce même article 21, paragraphe 5, de la directive, les autres entités (celles qui ne sont pas des petits producteurs) qui produisent de l’électricité pour leur propre usage étant ainsi exclues de cette qualité de distributeur, ou convient-il de considérer comme des distributeurs, et soumises à taxation conformément au premier alinéa de ce même article 21, paragraphe 5, de la directive, toutes les entités qui produisent de l’électricité pour leur propre usage (indépendamment de leur taille et du fait d’exercer cette activité économique à titre principal ou accessoire) et qui ne sont pas exonérées en tant que petits producteurs, conformément à la deuxième partie du troisième alinéa dudit article 21, paragraphe 5, de la directive ?

2)

En particulier, une entité telle que celle en cause en l’espèce, qui est une grande productrice d’électricité et qui arrive à produire environ 9 % de l’énergie au niveau national en vue de la vendre au réseau national, peut-elle être considérée comme une “entité qui produit de l’électricité pour son propre usage” au sens de l’article 21, paragraphe 5, de la directive 2003/96, lorsque seule une petite partie de l’électricité qu’elle produit est consommée dans sa propre production de nouvelle électricité, comme partie intégrante de son processus productif ? »

11.

La demande de décision préjudicielle est parvenue à la Cour le 21 février 2017. Des observations écrites ont été déposées par Turbogás, le gouvernement portugais et la Commission européenne.

Analyse

Observation liminaire

12.

Turbogás appuie son argumentation, dans le litige dont est saisie la juridiction de renvoi, sur l’interprétation de l’article 21, paragraphe 5, troisième alinéa de la directive 2003/96. Les questions préjudicielles portent donc également sur cette disposition. Cependant, l’affaire au principal n’a pas pour objet de déterminer le statut de Turbogás en tant qu’entité qui produit de l’électricité pour son propre usage, question régie par la disposition citée, mais d’apprécier la légalité de la décision du 4 août 2014 imposant à cette société le paiement du droit d’accise sur l’électricité qu’elle produit et qu’elle consomme aux fins de sa production. Or, de ce point de vue, l’interprétation de l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96 paraît essentielle.

13.

Après l’analyse des questions expressément exposées dans la demande de...

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