European Commission v Kingdom of Spain.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:354
CourtCourt of Justice (European Union)
Date30 May 2013
Docket NumberC-151/12
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62012CC0151
62012CC0151

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME JULIANE KOKOTT

présentées le 30 mai 2013 ( 1 )

Affaire C‑151/12

Commission européenne

contre

Royaume d’Espagne

«Manquement d’État — Directive 2000/60/CE — Politique de l’Union dans le domaine de l’eau — Classification et présentation de l’état écologique des eaux de surface — Bassins hydrographiques situés sur le territoire de communautés autonomes — Compétences législatives de l’État central espagnol — Réglementation en Catalogne»

I – Introduction

1.

La Commission européenne conclut à ce qu’il plaise à la Cour de constater que, en ce qui concerne ses bassins hydrographiques intracommunautaires, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4, paragraphe 8, 7, paragraphe 2, 10, paragraphes 1 et 2, ainsi que de l’annexe V, sections 1.3 et 1.4, de la directive 2000/60/CE ( 2 ) (ci-après la «directive-cadre sur l’eau»).

2.

Aux termes de l’article 2, point 13, de la directive-cadre sur l’eau, un bassin hydrographique est une zone dans laquelle toutes les eaux de ruissellement convergent à travers un réseau de rivières, de fleuves et éventuellement de lacs vers la mer, dans laquelle elles se déversent par une seule embouchure ou un seul estuaire ou delta.

3.

Dans le cas des bassins hydrographiques intracommunautaires espagnols, toutes ces eaux se situent sur le territoire d’une seule communauté autonome. Il semble que ce soit à la communauté autonome concernée qu’appartiennent les compétences législatives nécessaires pour transposer la directive-cadre sur l’eau en ce qui concerne ces bassins.

4.

En revanche, l’État central espagnol jouit, en vertu de l’article 149, paragraphe 1, point 22, de la Constitution, d’une compétence exclusive pour la législation, l’aménagement et la concession des ressources et des installations hydrauliques lorsque les eaux traversent plus d’une communauté autonome. Cela concerne en particulier les bassins hydrographiques espagnols dits «intercommunautaires», lesquels s’étendent sur le territoire de plusieurs communautés autonomes.

5.

Les critiques de la Commission se rapportent uniquement aux bassins hydrographiques intracommunautaires. Ses griefs se répartissent en trois groupes. Il faut d’abord examiner si les dispositions par lesquelles le Royaume d’Espagne affirme avoir transposé les articles 4, paragraphe 8, 7, paragraphe 2, 10, paragraphes 1 et 2, ainsi que l’annexe V, section 1.3, de la directive-cadre sur l’eau pour ce qui concerne les bassins hydrographiques intracommunautaires non catalans ont été adoptées tardivement (titre II ci-dessous). Les dispositions par lesquelles le Royaume d’Espagne affirme avoir transposé ladite annexe V, section 1.4, pour ce qui est de ces bassins hydrographiques ont, quant à elles, été adoptées en temps utile, mais il se pose la question de savoir si elles assurent effectivement une transposition efficace (titre III ci-dessous). Enfin, il faut analyser la transposition desdites dispositions par la Communauté autonome de Catalogne pour ce qui est des bassins hydrographiques exclusivement situés sur le territoire de cette communauté (titre IV ci-dessous).

II – Sur les articles 4, paragraphe 8, 7, paragraphe 2, 10, paragraphes 1 et 2, ainsi que l’annexe V, section 1.3, de la directive-cadre sur l’eau

6.

Conformément à l’article 24, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive-cadre sur l’eau, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive au plus tard le 22 décembre 2003 ( 3 ). Cela vaut également pour les articles 4, paragraphe 8, 7, paragraphe 2, 10, paragraphes 1 et 2, ainsi que l’annexe V, section 1.3, de la directive-cadre sur l’eau.

7.

Il est vrai que l’article 10 de la directive-cadre sur l’eau prévoit un délai particulier de douze ans pour la mise en place et/ou la mise en œuvre de certains contrôles d’émission. Comme la Commission l’expose sans être contredite, il s’agit toutefois non pas du délai de transposition de cette disposition, mais du délai dans le cadre duquel les contrôles spécifiques prévus dans cette disposition doivent avoir été effectués. En effet, la règle essentielle de cet article 10 est l’obligation de mettre en œuvre les contrôles d’émission. Les contrôles d’émission qui sont mis en place, mais qui ne sont pas mis en œuvre, n’ont pas d’effet pratique et seraient difficilement compatibles avec l’objectif de l’Union européenne consistant à assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, conformément à l’article 191 TFUE et à l’article 37 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il y a dès lors lieu de réaliser ces contrôles dans un délai de douze ans.

8.

En revanche, la mention de la mise en place de contrôles, qui serait éventuellement nécessaire, ne saurait être interprétée en ce sens que la création du cadre légal des mesures requises par ledit article 10 est également soumise à un délai de douze ans. Ce cadre légal doit au contraire être adopté dans le délai général prévu à l’article 24, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive-cadre sur l’eau.

9.

Toutefois, c’est une autre date qui est pertinente d’un point de vue procédural. Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit en effet être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé. Les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour ( 4 ). Dans son avis motivé du 22 mars 2010, la Commission a fixé au Royaume d’Espagne un dernier délai courant jusqu’au 22 mai 2010 pour transposer les dispositions citées.

10.

En ce qui concerne la transposition relative aux bassins hydrographiques intracommunautaires situés hors de Catalogne, le Royaume d’Espagne invoque toutefois un instrument de droit interne qui n’est entré en vigueur qu’après l’expiration de ce délai, à savoir l’arrêté ARM/1195/2011 ( 5 ). Cet arrêté ne pouvant être pris en compte dans le cadre de la présente procédure, le recours est fondé à cet égard.

III – Sur l’annexe V, section 1.4, de la directive-cadre sur l’eau

11.

En ce qui concerne la transposition de l’annexe V, section 1.4, de la directive-cadre sur l’eau, le Royaume d’Espagne invoque en revanche une disposition qui est entrée en vigueur avant l’expiration du délai susmentionné, à savoir la section 5.1 de l’arrêté ARM/2656/2008 ( 6 ), pris par l’État central.

12.

Au cours de l’audience du 25 avril 2013, la Commission a restreint ce grief à l’annexe V, section 1.4.1, sous i) à iii), de la directive-cadre sur l’eau. Ces dispositions imposent aux États membres d’établir certains systèmes de contrôle.

13.

Certes, ces obligations font partie intégrante de l’économie générale de la directive-cadre sur l’eau et l’annexe V de celle-ci est d’ailleurs mentionnée dans plusieurs dispositions. Toutefois, la force obligatoire de ladite annexe V, section 1.4.1, sous i) à iii), ne dépend pas de ces autres dispositions, mais résulte de son libellé même.

14.

La section 5.1 de l’arrêté ARM/2656/2008 concerne également ces questions. Toutefois, les dispositions de cet arrêté ne s’appliquent, en vertu de son article 1er, paragraphe 2, qu’aux bassins hydrographiques intercommunautaires. Cela semble correspondre à la répartition des compétences entre l’État central et les communautés autonomes. À notre connaissance, ce sont les communautés autonomes qui sont compétentes pour adopter les instruments concernant leurs bassins hydrographiques intracommunautaires respectifs.

15.

C’est pourquoi la Commission estime que la transposition de l’annexe V, section 1.4.1, sous i) à iii), de la directive-cadre sur l’eau n’est pas assurée pour les bassins hydrographiques intracommunautaires.

16.

Le Royaume d’Espagne soutient cependant que, en vertu du droit constitutionnel espagnol, la section 5.1 de l’arrêté ARM/2656/2008 assure déjà, en l’absence d’instruments adoptés par les communautés autonomes, la transposition de l’annexe V, section 1.4.1, sous i) à iii), de la directive-cadre sur l’eau, et ce également pour les bassins hydrographiques intracommunautaires. Le Royaume d’Espagne invoque à cet égard l’article 149, paragraphe 3, de la Constitution et, en particulier, la troisième phrase de celui-ci:

«Les matières qui ne sont pas expressément attribuées à l’État par la Constitution pourront relever des Communautés autonomes, conformément à leurs statuts respectifs. La compétence dans les matières qui ne figurent pas dans les statuts d’autonomie incombera à l’État, dont les normes prévaudront, en cas de conflit, sur celles des Communautés autonomes dans tous les domaines qui ne sont pas attribués à leur compétence exclusive. Le droit étatique aura, dans tous les cas, un caractère supplétif par rapport au droit des Communautés autonomes.»

17.

La Cour n’est pas en mesure de juger si la section 5.1 de l’arrêté ARM/2656/2008 est effectivement applicable, en vertu de l’article 149, paragraphe 3, troisième phrase, de la Constitution, aux bassins hydrographiques intracommunautaires susmentionnés. Il s’agit là d’une question de droit espagnol qui peut uniquement être tranchée par le juge espagnol. Eu égard aux informations dont nous disposons, il ne l’a pas encore fait.

18.

Il n’est toutefois pas nécessaire de résoudre cette question pour statuer sur le présent grief. En effet, il y a lieu de constater, au bénéfice de la Commission, que, de par son libellé, l’arrêté ARM/2656/2008 n’est pas applicable aux bassins...

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