Opinion of Advocate General Bobek delivered on 18 February 2016.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:104
Date18 February 2016
Celex Number62015CC0080
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
62015CC0080

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 18 février 2016 ( 1 )

Affaire C‑80/15

Robert Fuchs AG

contre

Hauptzollamt Lörrach

[demande de décision préjudicielle formée par le Finanzgericht Baden‑Württemberg (tribunal des finances du Bade-Wurtemberg, Allemagne)]

«Union douanière et tarif douanier commun — Notion d’“usage commercial” d’un moyen de transport — Inclusion des vols de formation payants avec instructeur»

I – Introduction

1.

Dans cette affaire, la requérante devant la juridiction nationale, Robert Fuchs AG (ci-après « Fuchs ») fait temporairement entrer sur le territoire de l’Union européenne, à partir de la Suisse, des hélicoptères aux fins de vols de formation. Le litige devant la juridiction nationale se réduit essentiellement au point de savoir si Fuchs peut prétendre pour ces hélicoptères au régime de l’admission temporaire en exonération du paiement des droits de douane.

2.

La juridiction nationale se concentre sur l’exonération des droits en cas d’admission temporaire de moyens de transport. Le motif d’exonération est prévu à l’article 558, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2454/93 ( 2 ) qui met en application le règlement (CEE) no 2913/92 ( 3 ).

3.

Afin de déterminer si l’exonération peut être accordée à Fuchs, la juridiction nationale demande à la Cour de justice d’interpréter le sens de l’expression « usage commercial » à l’article 555, paragraphe 1, sous a), du règlement d’application. Plus précisément, la juridiction nationale demande si la notion d’« usage commercial » couvre le type d’activité exercée par Fuchs, à savoir les vols de formation.

II – Cadre juridique

A – Droit international

1. La convention d’Istanbul

4.

La CEE a adhéré à la convention relative à l’admission temporaire, conclue le 26 juin 1990 (ci-après la « convention d’Istanbul »), par décision du Conseil 93/329/CEE ( 4 ). Conformément à l’article 34 de cette convention, les textes anglais et français de la convention d’Istanbul font également foi.

5.

À l’annexe C, chapitre 1, article 1er, sous a), de la convention d’Istanbul, les « moyens de transport » sont définis comme « tout navire […], aéroglisseur, aéronef, véhicule routier à moteur […] et matériel ferroviaire roulant […] ». À l’annexe C, chapitre 1, article 1er, sous b), le terme « usage commercial » est défini comme « l’acheminement des personnes à titre onéreux ou le transport industriel ou commercial des marchandises, que ce soit ou non à titre onéreux» ( 5 ). À l’annexe C, chapitre 1, article 1er, sous c), le terme « usage privé » est défini comme l’« utilisation par l’intéressé exclusivement pour son usage personnel, à l’exclusion de tout usage commercial» ( 6 ).

B – Droit de l’Union

1. Le code des douanes

6.

L’article 137 du code des douanes prévoit une procédure par laquelle il peut être obtenu une exonération des droits de douane pour l’admission temporaire de marchandises dans l’Union.

7.

Les conditions de l’exonération au titre de la procédure d’admission temporaire ont été fixées dans le règlement d’application conformément à l’article 141 du code des douanes.

8.

L’article 204, paragraphe 1, sous a), du code des douanes prévoit qu’une dette douanière naîtra lorsque les obligations découlant de l’utilisation des procédures douanières applicables n’ont pas été satisfaites.

2. Le règlement d’application

9.

Les articles 232 et 233 du règlement d’application, lus ensemble, prévoient que « les moyens de transport visés aux articles 556 à 561 » sont considérés déclarés en admission temporaire en raison du franchissement de frontière du territoire douanier de l’Union.

10.

Le chapitre 5 du titre III de la partie II du règlement d’application est intitulé « Admission temporaire ». La section 2 de ce chapitre est intitulée « Conditions d’exonération totale des droits d’importation ». La section 2 est divisée en sept sous-sections, chacune énumérant les différents types de marchandises pouvant potentiellement bénéficier de l’exonération. La sous‑section 1 de la section 2, intitulée « Moyens de transport », contient les articles 555 à 562. L’article 555, paragraphe 1, définit les termes suivants :

« 1. Aux fins de la présente sous-section, on entend par :

a)

“usage commercial” : l’utilisation d’un moyen de transport pour l’acheminement des personnes à titre onéreux ou pour le transport industriel ou commercial des marchandises, que ce soit ou non à titre onéreux ;

b)

“usage privé” : l’utilisation d’un moyen de transport à l’exclusion de tout usage commercial ;

c)

“trafic interne” : le transport de personnes embarquées ou de marchandises chargées dans le territoire douanier de la Communauté pour être débarquées ou déchargées à l’intérieur de ce territoire.

[…] »

11.

L’article 558, paragraphe 1, du règlement d’application prévoit :

« L’exonération totale des droits à l’importation est accordée pour les moyens de transport routiers et ferroviaires ainsi que ceux affectés à la navigation aérienne, maritime et fluviale, lorsqu’ils sont :

a)

immatriculés en dehors du territoire douanier de la Communauté au nom d’une personne établie en dehors de ce territoire. Toutefois, si les moyens de transport ne sont pas immatriculés, cette condition peut être réputée remplie lorsqu’ils appartiennent à une personne établie en dehors du territoire douanier de la Communauté ;

b)

utilisés par une personne établie en dehors du territoire douanier de la Communauté, sans préjudice des articles 559, 560 et 561 ;

c)

en cas d’usage commercial de moyens de transport autres que ferroviaires, utilisés exclusivement pour un transport qui commence ou se termine en dehors du territoire douanier. Toutefois, ils peuvent être utilisés en trafic interne, dès lors que les dispositions en vigueur dans le domaine des transports, concernant notamment les conditions d’accès et d’exécution de ceux-ci, en prévoient la possibilité. »

III – Faits, procédure et questions préjudicielles

12.

Fuchs est une entreprise aérienne et de maintenance. Son siège est en Suisse, mais elle est également certifiée en Allemagne. Elle propose (entre autres) des services dans le domaine des opérations aériennes par hélicoptère, notamment des vols de formation pour les particuliers et les pilotes professionnels.

13.

Par décision du 13 octobre 2009, le Hauptzollamt Lörrach (bureau principal des douanes de Lörrach, Allemagne) a accordé à Fuchs, pour dix hélicoptères nommément désignés immatriculés au nom de la requérante en Suisse, une exonération de l’obligation d’emprunter un aéroport douanier (Zollflugplatzzwang).

14.

En 2009 et 2010, ces hélicoptères ont été acheminés soit par un instructeur de vol employé par la requérante, soit par des élèves pilotes en présence d’un instructeur de vol ( 7 ) sur le territoire douanier de l’Union et ont atterri sur le site d’atterrissage spécial de Bremgarten (Allemagne). Après l’entrée sur le territoire douanier de l’Union en provenance de Suisse, des vols de formation ont été effectués. Ils ont commencé et se sont terminés sur le site d’atterrissage spécial de Bremgarten, sans quitter le territoire douanier de l’Union. Ensuite, les hélicoptères se sont à nouveau envolés vers la Suisse au départ de l’aérodrome de Bremgarten.

15.

Par décision du 23 mai 2011, le bureau principal des douanes de Lörrach a révoqué l’exonération de l’obligation d’emprunter les aéroports douaniers de Fuchs. Il a ensuite fixé les droits dus par Fuchs au titre de l’utilisation faite des hélicoptères à des fins de formation.

16.

La dette douanière de Fuchs serait née en raison de la violation des obligations résultant du régime de l’admission temporaire en vertu de l’article 204, paragraphe 1, sous a), du code des douanes. Fuchs aurait utilisé les hélicoptères à titre commercial alors même qu’elle n’aurait pas été en possession de l’autorisation de droit aérien correspondante.

17.

Par décision du 2 avril 2012, le bureau principal des douanes de Lörrach a rejeté comme étant mal fondée la réclamation contre l’avis de fixation de droits à l’importation. Fuchs a exercé contre cette décision, devant le Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances du Bade‑Wurtemberg, Allemagne), le recours qui a conduit à la présente demande de décision préjudicielle.

18.

Dans le cadre de son action devant la juridiction nationale, Fuchs a fait valoir que les conditions d’une exonération totale des droits à l’importation en cas d’admission temporaire de moyens de transport avaient été satisfaites. Elle a argué de ce que les hélicoptères n’avaient pas été utilisés à des fins commerciales au sens du règlement d’application puisqu’ils n’avaient pas servi pour « l’acheminement des personnes à titre onéreux ou pour le transport industriel ou commercial de marchandises que ce soit ou non à titre onéreux ». La rémunération payée par les élèves pilotes avait été reçue pour la formation et non pour l’acheminement.

19.

De son côté, le bureau principal des douanes de Lörrach a soutenu que Fuchs avait fait un usage commercial de ses hélicoptères. Selon lui, des personnes ont été acheminées à titre onéreux. Il a fait valoir que la notion d’acheminement ne se limite pas aux cas qui comportent un changement de lieu. Cela dépend plutôt du point de savoir si des personnes se trouvent dans le moyen de transport.

20.

Au vu du désaccord portant sur la notion d’« usage commercial », par ordonnance du 17 février 2015...

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