Opinion of Advocate General Sharpston delivered on 29 November 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:975
Docket NumberC-582/17,C-583/17
Celex Number62017CC0582
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date29 November 2018
62017CC0582

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 29 novembre 2018 ( 1 )

Affaires jointes C‑582/17 et C‑583/17

Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie

contre

H. (C‑582/17)

R. (C‑583/17)

[Renvoi préjudiciel déféré par le Raad van State (Conseil d’État, Pays‑Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 604/2013 – Détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers – Demandes successives introduites dans deux États membres – Requête aux fins de reprise en charge – Application des critères de détermination de l’État membre responsable par l’État membre requérant – Article 27 – Contrôle juridictionnel de l’application incorrecte des critères du chapitre III par l’État membre requérant »

1.

Par ces deux renvois préjudiciels, le Raad van State (Conseil d’État, Pays‑Bas) demande des précisions sur l’application du règlement (UE) no 604/2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l’État membre responsable d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ( 2 ). Lorsque des ressortissants de pays tiers voyagent d’un État membre vers un autre État membre tout en introduisant des demandes de protection internationale dans chacun d’eux, le second État membre adresse au premier État membre une requête aux fins de reprise en charge et adopte une décision de transfert de la personne concernée vers ce premier État membre. La juridiction de renvoi souhaite savoir, premièrement, si le second État membre est autorisé (voire même obligé) à appliquer les critères énoncés dans le règlement Dublin III (en particulier ceux relatifs à l’unité de la famille) afin de déterminer l’État membre responsable et, deuxièmement, si les voies de révision ou de recours garanties par ce règlement sont ouvertes à la contestation de l’application incorrecte de ces critères.

La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

2.

L’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») ( 3 ) garantit le droit au respect de la vie familiale ( 4 ). Son article 47, paragraphe 1, prévoit que toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal ( 5 ).

3.

L’article 52, paragraphe 3, de la Charte prévoit que dans la mesure où celle‑ci « contient des droits correspondant à des droits garantis par la [CEDH], leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue ».

Le règlement Dublin III

4.

Le système de Dublin établit les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale ( 6 ).

5.

Le préambule du règlement Dublin III inclut les déclarations suivantes :

le RAEC devrait comporter une méthode claire et opérationnelle pour déterminer l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile ( 7 ) ;

une telle méthode devrait être fondée sur des critères objectifs et équitables tant pour les États membres que pour les personnes concernées. Elle devrait, en particulier, permettre une détermination rapide de l’État membre responsable ( 8 ) ;

conformément à la CEDH et la Charte, le respect de la vie familiale devrait être une considération primordiale pour les États membres lors de l’application du règlement Dublin III ( 9 ) ;

afin de garantir une protection efficace des droits des personnes concernées, il y a lieu d’instaurer des garanties juridiques et le droit à un recours effectif à l’égard de décisions de transfert vers l’État membre responsable conformément, notamment, à l’article 47 de la Charte. Afin de garantir le respect du droit international, un recours effectif contre de telles décisions devrait porter à la fois sur l’examen de l’application du règlement Dublin III et sur l’examen de la situation en fait et en droit dans l’État membre vers lequel le demandeur est transféré ( 10 ) ;

pour ce qui concerne le traitement des personnes qui relèvent du règlement Dublin III, les États membres sont liés par les obligations qui leur incombent en vertu des instruments de droit international, y compris par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en la matière ( 11 ). Le règlement Dublin III respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus, notamment, par la Charte. En particulier, il vise à assurer le plein respect du droit d’asile garanti par l’article 18 de la Charte ainsi que des droits reconnus, entre autres, par ses articles 4, 7, et 47 ( 12 ).

6.

L’article 1er du règlement Dublin III prévoit que celui‑ci « établit les critères et les mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride (ci-après dénommé “État membre responsable”).» ( 13 )

7.

L’article 2 du règlement Dublin III prévoit que l’on entend par :

« c)

“demandeur”, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle il n’a pas encore été statué définitivement ;

d)

“examen d’une demande de protection internationale”, l’ensemble des mesures d’examen, des décisions ou des jugements rendus par les autorités compétentes sur une demande de protection internationale conformément à la [directive relative aux procédures] et à la [directive relative aux conditions], à l’exception des procédures de détermination de l’État membre responsable en vertu du règlement [Dublin III] ;

e)

“retrait d’une demande de protection internationale”, les démarches par lesquelles le demandeur met un terme aux procédures déclenchées par l’introduction de sa demande de protection internationale, conformément à la [directive relative aux procédures], soit explicitement, soit tacitement ;

[…]

g)

“membres de la famille”, dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d’origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres :

le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l’État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers,

[…] »

8.

L’article 3 du règlement Dublin III, intitulé « Accès à la procédure d’examen d’une demande de protection internationale », dispose :

« 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l’un quelconque d’entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable.

2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le [règlement Dublin III], le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l’examen.

Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la [Charte], l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable.

Lorsqu’il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable devient l’État membre responsable.

[…] »

9.

Le chapitre III du règlement Dublin III, intitulé « Critères de détermination de l’État membre responsable », s’ouvre par l’article 7, qui établit la hiérarchie des « critères du chapitre III » et dispose :

« 1. Les critères de détermination de l’État membre responsable s’appliquent dans l’ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre.

2. La détermination de l’État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d’un État membre.

3. En vue d’appliquer les critères visés aux articles 8, 10 et 16, les États membres prennent en considération tout élément de preuve disponible attestant la présence sur le territoire d’un État membre de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent du demandeur, à condition que lesdits éléments de preuve soient produits avant qu’un autre État membre n’accepte la requête aux fins de prise ou de reprise en charge de la personne concernée, conformément aux articles 22 et 25 respectivement, et que les demandes de protection...

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