Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 29 July 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:647
Celex Number62018CC0385
CourtCourt of Justice (European Union)
Date29 July 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 29 juillet 2019 (1)

Affaire C‑385/18

Arriva Italia S.r.l.,

Ferrotramviaria S.p.A.,

Consorzio Trasporti Aziende Pugliesi (CO.TRA.P)

contre

Ministero delle Infrastrutture e dei Trasporti,

en présence de :

Ferrovie dello Stato Italiane S.p.A.,

Ferrovie del Sud Est e Servizi Automobilistici S.r.l.,

Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]

« Aide d’État – Aide accordée au gestionnaire d’une infrastructure ferroviaire locale en difficulté – Notion d’aide d’État – Moment d’octroi de l’aide – Critère de l’investisseur privé – Bénéficiaire de l’avantage – Distorsion de concurrence »






Table des matières


I. Le droit italien

A. La loi de 2016 sur la stabilité

B. Le décret no 9/2016

C. Le décret no 264/2016

D. L’acte de transfert

E. Le décret-loi no 50/2017

II. Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

III. Analyse

A. L’allocation de 70 millions d’euros

1. Une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État

2. Les effets sur les échanges entre États membres

3. Un avantage sélectif accordé au bénéficiaire

4. Une distorsion de concurrence, ou une menace de distorsion de concurrence

B. Le transfert à FSI de la participation du MIT au capital de FSE

1. Une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État

2. Les effets sur les échanges entre États membres

3. Un avantage sélectif accordé au bénéficiaire

a) Un avantage a-t-il été conféré à FSI ?

b) Un avantage a-t-il été conféré à FSE ?

4. Une distorsion de concurrence, ou une menace de distorsion de concurrence

IV. Conclusions


1. Le litige en cause au principal porte sur des mesures adoptées par l’État italien en 2016, par lesquelles ce dernier a accordé une importante subvention à fonds perdus au gestionnaire public d’une infrastructure ferroviaire locale et fournisseur de services de transport local de passagers. Cette subvention a été accordée en raison des graves difficultés financières rencontrées par celui‑ci. En outre, la participation détenue par l’État dans le capital de cet opérateur local a été transférée dans son intégralité, et ce, sans contrepartie, au gestionnaire public de l’infrastructure ferroviaire nationale. Ce transfert de participation a été opéré sous réserve de l’engagement pris par ce dernier de rétablir la viabilité financière de l’entreprise objet du transfert. La légalité de ces mesures a été contestée par d’autres fournisseurs de services de transport local de passagers, lesquels avaient fait part, en vain, de leur intérêt pour ce transfert. Le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) demande à la Cour si ces mesures constituent une aide d’État.

2. Le présent renvoi préjudiciel permettra à la Cour d’apporter des précisions sur les notions d’« avantage » et de « distorsion de la concurrence » aux fins de la qualification d’une intervention étatique d’aide d’État. Il est, d’une part, demandé à la Cour si un avantage a été conféré à l’acquéreur bien qu’il se soit engagé à rétablir la viabilité du gestionnaire local, et si le bénéficiaire du transfert est l’acquéreur (tel serait le cas si la viabilité de l’entreprise transférée pouvait être rétablie et si celle‑ci redeviendrait rentable) ou l’entreprise objet du transfert (dès lors qu’elle tire bénéfice de l’engagement pris par l’acquéreur de rétablir sa viabilité). Il est, d’autre part, demandé à la Cour s’il est possible de considérer que l’aide fausse la concurrence bien que son ou ses bénéficiaires opèrent sur des marchés soumis à des monopoles légaux et qui ne sont donc pas ouverts à la concurrence.

I. Le droit italien

A. La loi de 2016 sur la stabilité

3. L’article 1er, paragraphe 867, de la loi de 2016 sur la stabilité (2) disposait la mise sous tutelle de Ferrovie del Sud Est e Servizi Automobilistici S.r.l. (ci‑après « FSE ») en raison de sa « grave situation financière ». Cette mise sous tutelle devait être mise en œuvre par un décret du Ministro delle Infrastrutture e dei Trasporti (ministère des Infrastructures et des Transports, Italie) (ci‑après le « MIT »).

4. Les deuxième et cinquième phrases de l’article 1er, paragraphe 867, de la loi de 2016 sur la stabilité imposaient au commissaire extraordinaire, d’une part, de « préparer un plan de restructuration industriel » visant à réduire les coûts de fonctionnement de FSE et, d’autre part, d’adresser des propositions au MIT pour que « [FSE] soit transférée ou cédée suivant des critères et modalités déterminés par décret » de ce ministère. En outre, la sixième et dernière phrase de l’article 1er, paragraphe 867, de la loi de 2016 sur la stabilité disposait que « dans l’attente de la mise en œuvre du plan de restructuration susmentionné, la dépense de [70 millions d’euros] est autorisée pour l’année 2016 afin d’assurer la poursuite des activités de [FSE] ».

B. Le décret nº 9/2016

5. L’article 6 du décret nº 9/2016 (3) a prononcé la mise sous tutelle de FSE. Cet article prévoyait également que la somme de 70 millions d’euros allouée à FSE par la loi de 2016 sur la stabilité, était une augmentation de capital qui pouvait être utilisée, y compris en l’absence d’autorisation préalable de l’actionnaire public, « afin de garantir la continuité et la régularité du service public fourni par [FSE], et ce, en prenant toutes les mesures nécessaires pour garantir la poursuite de l’activité et rétablir l’équilibre financier et économique de [FSE] ».

C. Le décret nº 264/2016

6. Le décret nº 264/2016 (4) a disposé le transfert de l’intégralité de la participation du MIT au capital de FSE à Ferrovie dello Stato Italiane S.p.A. (ci‑après « FSI »), une entreprise elle‑même entièrement détenue par le Ministero dell’Economia e delle Finanze (ministère de l’Économie et des Finances) (ci‑après le « MEF »).

7. L’acquéreur a été sélectionné sur la base des critères énumérés à l’article 1er, paragraphe 1, du décret nº 264/2016, à savoir : a) « l’amélioration de l’efficacité des participations publiques dans le cadre d’une réorganisation au sein d’une unité économique détenue par une même personne (l’État) » ; b) « la possession, par la personne à qui est transférée la participation, de qualités industrielles et patrimoniales permettant de garantir la continuité de l’emploi, du service et de l’accès au financement […] » et c) « assainissement de la société, compte tenu du patrimoine net négatif de [FSE] ».

8. Au vu de ces critères, l’article 2, paragraphe 2, du décret nº 264/2016 prévoyait que le transfert à FSI se ferait « sans contrepartie ».

D. L’acte de transfert

9. Par acte notarié du 28 novembre 2016 (ci‑après l’« acte de transfert »), le MIT a transféré à FSI l’intégralité de sa participation au capital de FSE.

10. Par note du même jour (ci‑après la « note ministérielle »), le MIT établissait que les conditions posées à l’article 1er, paragraphe 1, du décret nº 264/2016 étaient remplies. Il soulignait également, dans cette note, que FSI avait souscrit l’engagement de corriger la situation de déséquilibre patrimonial de FSE. La même note indiquait que l’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (Autorité garante de la concurrence et des règles du marché, Italie) (ci‑après l’« AGCM ») avait décidé de ne pas soumettre l’opération à la procédure d’enquête prévue à l’article 16, paragraphe 4, de la loi nº 287/1990 (5).

11. En outre, la note ministérielle affirmait que la somme de 70 millions d’euros, allouée par l’article 1er, paragraphe 867, de la loi de 2016 sur la stabilité « [devait] être destinée – et affectée exclusivement – à la couverture des besoins financiers de l’infrastructure ferroviaire de [FSE], dans le respect de la règlementation de l’Union ».

E. Le décret-loi nº 50/2017

12. À la suite du transfert de FSE à FSI, l’article 47, paragraphe 7, du décret-loi nº 50/2017 (6) a modifié la dernière phrase de l’article 1er, paragraphe 867, de la loi de 2016 sur la stabilité comme suit : « [s]ans préjudice des obligations visées au présent paragraphe, une dépense de 70 millions d’euros est autorisée pour l’année 2016. Ces ressources sont transférées au patrimoine de [FSE] pour être utilisées, dans le respect de la réglementation de l’Union en la matière et dans le cadre du plan de restructuration de la société, exclusivement pour couvrir le passif, y compris antérieur, et les besoins financiers du secteur infrastructure. Cela ne porte pas préjudice aux actes, mesures et opérations déjà réalisés en vertu du [décret nº 264/2016]. »

II. Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

13. FSE, une entreprise dont le MIT détenait initialement l’intégralité du capital, exploite une infrastructure ferroviaire appartenant à la Regione Puglia (région des Pouilles, Italie). En outre, FSE fournit, dans une partie des Pouilles (le Salento), des services de transport public de passagers par rail, ainsi que les services de transport par route correspondants).

14. Au vu de ses graves difficultés financières, FSE a été placée sous tutelle par l’article 1er, paragraphe 867, de la loi de 2016 sur la stabilité et le décret nº 9/2016. En outre, l’État italien a autorisé une allocation de 70 millions d’euros afin de garantir la continuité des services de transport fournis par FSE, dans l’attente de la mise en œuvre du plan de restructuration.

15. Le décret nº 264/2016, en date du 4 août 2016, a prévu le transfert à FSI de l’intégralité de la participation du MIT au capital de FSE. FSI, qui est entièrement détenue par le MEF, est la société holding d’un groupe qui (à travers Rete Ferroviaria S.p.A., une filiale de FSI) exploite l’infrastructure ferroviaire nationale et (à travers Trenitalia S.p.A. [ci‑après « Trenitalia »], une filiale à 100 % de FSI) fournit des services de transport ferroviaire et routier de passagers et de marchandises par rail et par route. Aucune contrepartie n’était...

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