Proceedings brought by Alessandro Saponaro and Kalliopi-Chloi Xylina.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:942
Date06 December 2017
Celex Number62016CC0565
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-565/16
62016CC0565

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 6 décembre 2017 ( 1 )

Affaire C‑565/16

Alessandro Saponaro,

Kalliopi-Chloi Xylina

[demande de décision préjudicielle formée par l’Eirinodikeio Lerou (juge de paix de Leros, Grèce)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) no 2201/2003 – Règlement Bruxelles II bis – “Acceptation” de la compétence en vertu de l’article 12, paragraphe 3 – Compétence internationale en matière de responsabilité parentale – Compétence d’un État membre saisi d’une demande d’autorisation judiciaire de renonciation à une succession pour le compte d’un enfant mineur – Prorogation de compétence – Règlement (UE) no 650/2012 – Article 1er, paragraphe 2, sous b) »

1.

La présente demande de décision préjudicielle formée par l’Eirinodikeio Lerou (juge de paix de Leros, Grèce) porte sur la compétence internationale en matière de droit de la famille.

2.

Dans l’affaire au principal, une enfant est l’héritière du patrimoine de son grand-père décédé, grevé de dettes. Ses parents sont les demandeurs dans l’affaire au principal et demandent, pour le compte de leur fille, une autorisation de renoncer à la succession. À cette fin, ils ont saisi une juridiction en Grèce où vivait le grand-père de l’enfant et où se situe le patrimoine. Les parents et leur fille ayant leur résidence habituelle en Italie, la juridiction hellénique s’interroge sur sa compétence internationale et demande donc une interprétation de l’article 12, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2201/2003 ( 2 ) qui prévoit une prorogation de la compétence internationale.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

3.

L’article 12, paragraphe 3, du règlement Bruxelles II bis s’intitule « Prorogation de compétence » et dispose :

« Les juridictions d’un État membre sont également compétentes en matière de responsabilité parentale dans des procédures autres que celles visées au paragraphe 1 lorsque

a)

l’enfant a un lien étroit avec cet État membre du fait, en particulier, que l’un des titulaires de la responsabilité parentale y a sa résidence habituelle ou que l’enfant est ressortissant de cet État membre ; et

b)

leur compétence a été acceptée expressément ou de toute autre manière non équivoque par toutes les parties à la procédure à la date à laquelle la juridiction est saisie et la compétence est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. »

B. Le droit hellénique

4.

Aux termes de la décision de renvoi, il résulte des dispositions combinées de l’article 748, paragraphe 2, et de l’article 750 du Kodikas Politikis Dikonomias (code de procédure civile hellénique) que, pour certaines procédures en matière gracieuse, la copie de la demande, portant la date de l’audience, doit être notifiée à l’eisangeleas protodikon (procureur près le tribunal de grande instance, ci-après, le « procureur ») du ressort de la juridiction devant laquelle la demande a été déposée (en l’occurrence, la juridiction de renvoi), celui-ci ayant le droit d’intervenir à la procédure devant le juge de paix et également d’assister à l’audience. Selon une interprétation constante de ces dispositions, le procureur est légalement partie à la procédure en matière gracieuse et il a le droit d’accomplir tout acte de procédure, tel que, par exemple, l’exercice de voies de recours, indépendamment du fait qu’il ait ou non été convoqué à l’audience ou qu’il y ait ou non assisté. Le procureur agit en tant que représentant de l’État, dans l’intérêt général. Dans le cas d’une renonciation à une succession pour le compte d’un enfant mineur, l’intérêt général coïncide avec celui de l’enfant et ce, en raison du principe de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant consacré à l’article 21, paragraphe 1, de la constitution hellénique ( 3 ).

II. Les faits de l’affaire au principal et les questions préjudicielles

5.

Les demandeurs, M. Alessandro Saponaro et Mme Kalliopi-Chloi Xylina, ont la responsabilité parentale de leur enfant mineure, Kleio-Margo Saponaro. Tous trois résident de manière habituelle à Rome, Italie. L’enfant est une ressortissante grecque ( 4 ).

6.

Le grand-père maternel de l’enfant, Michail Xylinas, vivait en Grèce où il est décédé, sans laisser de testament, le 10 mai 2015. Étant donné que sa femme et ses enfants ont renoncé à la succession, l’héritage revient à Kleio-Margo, sa petite-fille.

7.

L’héritage de Michaïl Xylinas se compose essentiellement d’une voiture et d’une barque situées en Grèce, d’une valeur totale de 900 euros. En avril 2015, après qu’il a été condamné par décision de justice pénale pour une tentative de fraude grave, la victime de cet acte avait fait part de son intention de saisir les juridictions civiles d’une demande en dommages et intérêts. Or, Michail Xylinas étant décédé sans laisser de testament, le paiement des dommages et intérêts éventuellement dus relève de la responsabilité de ses héritiers.

8.

Les demandeurs ont, en conséquence, introduit une demande visant à obtenir l’autorisation de renoncer à la succession pour le compte de leur fille et ils ont saisi la juridiction de renvoi.

9.

Ladite juridiction s’interroge sur sa compétence internationale.

10.

À cet égard, la juridiction de renvoi a adopté le raisonnement suivant : le règlement (UE) no 650/2012 ( 5 ) n’est pas applicable ratione temporis à l’affaire au principal. C’est plutôt le règlement Bruxelles II bis qui lui est applicable. L’article 8, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que ce sont les juridictions du pays de la résidence habituelle de l’enfant (l’Italie et non la Grèce) qui sont compétentes. Dès lors, la compétence d’une juridiction hellénique pourrait seulement être fondée sur l’article 12, paragraphe 3, puisque cette disposition permet une prorogation de compétence ; en d’autres termes, elle permet à la juridiction d’un État membre autre que celui où l’enfant réside habituellement de se déclarer compétente.

11.

Par conséquent, la juridiction de renvoi demande à la Cour d’interpréter l’article 12, paragraphe 3, du règlement Bruxelles II bis et oriente ses questions sur le deuxième point de cette disposition, à savoir l’article 12, paragraphe 3, sous b).

12.

Dans ce contexte, l’Eirinodikeio Lerou (juge de paix de Leros) a posé à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Dans l’hypothèse où une demande d’autorisation visant à renoncer à une succession est adressée à une juridiction hellénique par les parents d’un enfant mineur dont la résidence habituelle se trouve en Italie et aux fins de déterminer si la prorogation de compétence est conforme à l’article 12, paragraphe 3, sous b), du règlement no 2201/2003 :

a)

le seul dépôt de la demande devant la juridiction hellénique vaut-il acceptation non équivoque par les parents de la prorogation de compétence ;

b)

l’eisangeleas protodikon (procureur près le tribunal de grande instance) figure-t-il parmi les parties qui doivent accepter la prorogation de compétence au moment du dépôt de la demande, étant donné qu’il est de plein droit partie à la procédure en cause, conformément au droit hellénique, et

c)

la prorogation de compétence est-elle dans l’intérêt de l’enfant, étant donné que lui–même et ses parents, en qualité de demandeurs, ont leur résidence habituelle en Italie, tandis que la résidence du défunt au moment de son décès, ainsi que son patrimoine objet de la succession, se trouvent en Grèce ? »

13.

Des observations écrites ont été présentées par la République hellénique et par la Commission européenne. Suite à la demande de clarification formulée par la Cour, la juridiction de renvoi a communiqué des informations supplémentaires sur le rôle du procureur dans la procédure de l’affaire au principal. Aucune audience n’a été demandée ni tenue.

III. Appréciation

14.

Je suis parvenu à la conclusion que la juridiction de renvoi est internationalement compétente en application de l’article 12, paragraphe 3, du règlement Bruxelles II bis. En particulier, les exigences posées à l’article 12, paragraphe 3, sous b), sont satisfaites car toutes les parties à la procédure ont accepté la compétence des juridictions de la République hellénique, qui est un État membre avec lequel l’enfant a un lien étroit.

A. Remarques liminaires

15.

Le règlement Bruxelles II bis porte sur la compétence internationale en matière de responsabilité parentale et s’applique à l’attribution, à l’exercice, à la délégation, au retrait total ou partiel de la responsabilité parentale ( 6 ), y compris aux mesures de protection de l’enfant liées à l’administration, à la conservation ou à la disposition de ses biens ( 7 ). En renonçant à une succession grevée de dettes, les demandeurs exercent leur responsabilité parentale conjointe à l’égard de Kleio‑Margo dans la mesure où ils protègent leur enfant d’un héritage qui pourrait être grevé de dettes.

16.

J’admets que les questions de successions sont exclues du champ d’application du règlement Bruxelles II bis ( 8 ). Cependant, selon une jurisprudence établie de la Cour, la simple demande de renonciation à une succession ne relève pas du domaine des successions au sens de l’article 1er, paragraphe 3, sous f), du règlement Bruxelles II bis.

17.

Dans l’arrêt Matoušková, la Cour a jugé que le fait que l’approbation d’un accord ait été demandée dans le cadre d’une procédure successorale ne saurait être considéré comme déterminant quant à la question de savoir si cette mesure devrait relever du droit des successions. Au contraire...

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