Opinion of Advocate General Bobek delivered on 14 March 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:213
Date14 March 2019
Celex Number62018CC0046
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-46/18
62018CC0046

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 14 mars 2019 ( 1 )

Affaire C‑46/18

Caseificio Sociale San Rocco Soc. coop. arl,

S.s. Franco e Maurizio Artuso,

Sebastiano Bolzon,

Claudio Matteazzi,

Roberto Tellatin

contre

Agenzia per le Erogazioni in Agricoltura (AGEA)

Regione Veneto

[demande de décision préjudicielle présentée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Lait – Quotas – Prélèvement supplémentaire – Article 2 du règlement (CEE) no 3950/92 – Article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1788/2003 – Obligation des acheteurs de retenir le prélèvement sur le prix du lait – Article 9 du règlement (CE) no 1392/2001 – Remboursement de l’excédent de prélèvement – Catégories prioritaires – Réallocation des quotas non utilisés »

1.

En 1984, dans le but de maîtriser les excédents structurels, le législateur de ce qui était alors la Communauté économique européenne a établi un régime de quotas applicable à la production de lait et de produits laitiers, associé à un prélèvement supplémentaire sur les livraisons et les ventes directes dépassant le quota. La mise en œuvre de ce régime, initialement prévue pour une période de cinq ans, a été prolongée à plusieurs reprises, avant de prendre fin le 31 mars 2015.

2.

Le régime de quotas a suscité un contentieux considérable devant le juge de l’Union et les juridictions nationales ( 2 ). De plus, dans certains États membres, ce régime n’a été appliqué que « fragmentairement» ( 3 ). Tel est particulièrement le cas en Italie où, pendant une période relativement longue, les autorités n’ont pas veillé à ce que le prélèvement supplémentaire dû sur la production réalisée en sus du quota national soit correctement imputé, payé en temps utile et/ou, en tout cas, dûment inscrit au rôle et recouvré ( 4 ).

3.

La présente affaire est un autre épisode de la longue saga relative au recouvrement des prélèvements impayés en Italie. En résumé, elle soulève le point de savoir si un État membre peut imposer aux acheteurs l’obligation légale de retenir sur le prix du lait le montant du prélèvement dû par les producteurs dépassant leurs quotas individuels. Si une telle législation nationale est incompatible avec le droit de l’Union, la question se pose alors de savoir quelles peuvent être les conséquences de cette incompatibilité du droit national avec le droit de l’Union sur les acheteurs et producteurs.

I. Cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4.

Le règlement (CEE) no 3950/92 du Conseil, du 28 décembre 1992, établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers ( 5 ) prolonge le régime de prélèvement supplémentaire applicable au secteur du lait et des produits laitiers, qui devait expirer le 31 mars 1993. Ce régime devait se poursuivre pour sept nouvelles périodes de douze mois consécutives à partir du 1er avril 1993 ( 6 ).

5.

L’article 2 du règlement no 3950/92 dispose :

« 1. Le prélèvement est dû sur toutes les quantités de lait ou d’équivalent-lait commercialisées pendant la période de douze mois en question et qui dépassent l’une ou l’autre des quantités visées à l’article 3. Il est réparti entre les producteurs qui ont contribué au dépassement.

Selon la décision de l’État membre, la contribution des producteurs au paiement du prélèvement dû est établie, après réallocation ou non des quantités de référence inutilisées, soit au niveau de l’acheteur en fonction du dépassement subsistant après avoir réparti, proportionnellement aux quantités de référence dont chacun de ces producteurs dispose, les quantités de référence inutilisées, soit au niveau national en fonction du dépassement de la quantité de référence dont chacun de ces producteurs dispose.

2. En ce qui concerne les livraisons, l’acheteur redevable du prélèvement paie à l’organisme compétent de l’État membre, avant une date et selon des modalités à déterminer, le montant dû qu’il retient sur le prix du lait payé aux producteurs débiteurs du prélèvement et, à défaut, qu’il perçoit par tout moyen approprié.

[…]

Lorsque les quantités livrées par un producteur dépassent la quantité de référence dont il dispose, l’acheteur est autorisé à retenir à titre d’avance sur le prélèvement dû, selon des modalités déterminées par l’État membre, un montant du prix du lait sur toute livraison de ce producteur qui excède la quantité de référence dont il dispose.

[…]

4. Lorsque le prélèvement est dû et que le montant perçu est supérieur, l’État membre peut affecter le trop perçu au financement des mesures visées à l’article 8, premier tiret, et/ou le rembourser aux producteurs qui entrent dans les catégories prioritaires établies par l’État membre sur la base de critères objectifs à déterminer ou qui sont confrontés à une situation exceptionnelle résultant d’une disposition nationale n’ayant aucun lien avec ce régime. »

6.

L’article 9 (« Critères de répartition de l’excès de prélèvement ») du règlement (CE) no 1392/2001 de la Commission, du 9 juillet 2001, portant modalités d’application du [règlement no 3950/92] établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers ( 7 ) prévoit :

« 1. Les États membres déterminent, le cas échéant, les catégories prioritaires de producteurs visées à l’article 2, paragraphe 4, du règlement (CEE) no 3950/92 en fonction de l’un ou de plusieurs des critères objectifs suivants pris par ordre de priorité :

a)

la reconnaissance formelle par l’autorité compétente de l’État membre que le prélèvement est indûment perçu, en tout ou en partie ;

b)

la situation géographique de l’exploitation et en premier lieu les zones de montagne visées à l’article 18 du règlement (CE) no 1257/1999 du Conseil[, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements (JO 1999, L 160, p. 80)] ;

c)

la densité maximale des animaux sur l’exploitation caractérisant l’extensification de la production animale ;

d)

le montant du dépassement de la quantité de référence individuelle ;

e)

la quantité de référence dont dispose le producteur.

2. Dans le cas où l’application des critères prévus au paragraphe 1 n’épuise pas le financement disponible pour une période donnée, d’autres critères objectifs sont arrêtés par l’État membre après consultation de la Commission. »

7.

Le règlement (CE) no 1788/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant un prélèvement dans le secteur du lait et des produits laitiers ( 8 ) a abrogé le règlement no 3950/92. Selon l’article 11 (« Rôle de l’acheteur »), paragraphe 1, du règlement no 1788/2003, l’acheteur est responsable de la collecte, auprès des producteurs, des contributions dues au titre du prélèvement. Il doit payer ces contributions à l’organisme compétent de l’État membre. En vertu de l’article 11, paragraphe 3, « [l]orsque, au cours de la période de référence, les quantités livrées par un producteur dépassent la quantité de référence dont il dispose, l’État membre peut décider que l’acheteur retient à titre d’avance sur la contribution de ce producteur au prélèvement, selon des modalités déterminées par l’État membre, une partie du prix du lait sur toute livraison de ce producteur qui excède la quantité de référence dont il dispose pour la livraison. »

8.

Le règlement no 1788/2003 est entré en vigueur le 24 octobre 2003, conformément à son article 27 (« Entrée en vigueur »). Ses dispositions sont devenues applicables à partir du 1er avril 2004, à l’exception des articles 6 et 24 qui sont devenus applicables à partir de la date de l’entrée en vigueur dudit règlement.

B. Le droit italien

9.

L’article 5 (« Obligation des acheteurs »), paragraphes 1 et 2, du decreto‑legge n. 49 – Riforma della normativa in tema di applicazione del prelievo supplementare nel settore del latte e dei prodotti lattiero-caseari (décret-loi no 49 portant réforme de la réglementation concernant l’application du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers) du 28 mars 2003, devenu, avec des modifications, la loi no 119 du 30 mai 2003 (ci-après le « décret‑loi no 49/2003 ») ( 9 ), tel qu’applicable aux moments des faits, dispose :

« 1. […] Les acheteurs retiennent le prélèvement supplémentaire, calculé par application de l’article 1er du règlement no 3950/92, tel que modifié, sur le lait livré en excès par rapport à la quantité de référence individuelle déterminée pour chaque producteur concerné, […]

2. Dans les 30 jours qui suivent l’expiration du délai visé au paragraphe 1, […] les acheteurs procèdent au versement des montants retenus sur le compte courant […] de l’AGEA […] »

10.

L’article 9 (« Remboursement du prélèvement excédentaire »), paragraphes 1, 3 et 4, du décret-loi no 49/2003 prévoit :

« 1. Au terme de chaque période, l’AGEA :

a)

comptabilise les livraisons de lait effectuées et le montant total du prélèvement versé par les acheteurs après exécution des obligations prévues à l’article 5 ;

b)

effectue le calcul du prélèvement national dû au total à l’Union européenne pour les excédents de production livrés ;

c)

calcule le montant du prélèvement excédentaire.

[…]

3. Le montant visé au paragraphe 1, sous c), […] est réparti entre les producteurs détenteurs de quotas qui ont versé le prélèvement, selon les critères et dans l’ordre qui suivent : […]

4. Lorsque la somme desdits remboursements est inférieure au montant visé au paragraphe 3, le solde est réparti entre les producteurs détenteurs de quotas qui...

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