Opinion of Advocate General Hogan delivered on 16 May 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:423
Celex Number62018CC0484
CourtCourt of Justice (European Union)
Date16 May 2019

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 16 mai 2019(1)

Affaire C484/18

Société de perception et de distribution des droits des artistes‑interprètes de la musique et de la danse (Spedidam),

PG,

GF

contre

Institut national de l’audiovisuel

parties intervenantes :

Syndicat indépendant des artistes-interprètes (SIA-UNSA),

Syndicat français des artistes-interprètes (CGT)

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (France)]

« Renvoi préjudiciel – Droit d’auteur et droits voisins – Directive 2001/29/CE – Article 2, sous b) et article 3, paragraphe 2 – Droits exclusifs des artistes-interprètes – Réglementation nationale prévoyant au profit de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) pour l’exploitation des archives audiovisuelles un régime dérogatoire non prévu à l’article 5, paragraphes 2 et 3, de la directive 2001/29 – Bénéficiaire des droits d’exploitation sur les archives audiovisuelles sans devoir prouver l’autorisation donnée par l’artiste-interprète – Présomption légale du consentement de l’artiste-interprète »






I. Introduction

1. Un État membre peut-il, dans sa législation relative au droit d’auteur, prévoir une présomption selon laquelle l’artiste-interprète d’une œuvre est présumé avoir autorisé, par transfert implicite de ses droits, un organisme public chargé de la conservation des enregistrements audiovisuels à publier et, le cas échéant, à exploiter cette œuvre ? C’est la question principale qui se pose dans le présent renvoi préjudiciel.

2. La présente demande de décision préjudicielle, déposée par la Cour de cassation (France) au greffe de la Cour le 20 juillet 2018, porte sur l’interprétation de l’article 2, sous b), de l’article 3, paragraphe 2, sous a), et de l’article 5 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (2).

3. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant, d’une part, la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse (ci-après la « Spedidam »), PG et GF, les fils et ayants droit de ZV, un batteur de jazz de renommée mondiale, à, d’autre part, l’Institut national de l’audiovisuel (ci-après l’« INA ») en ce qui concerne une demande de dommages-intérêts en réparation de l’atteinte prétendument portée par l’INA aux droits d’artiste-interprète dont PG et GF sont titulaires.

4. ZV est décédé en 1985. En 2009, ses fils ont appris que l’INA avait effectué des enregistrements sur des vidéogrammes et sur un phonogramme distinct reproduisant les interprétations données en concert par leur père entre 1959 et 1978, disponibles sur son site Internet. À la suite de cette découverte, ils ont engagé la procédure au principal, réclamant des dommages-intérêts en tant que titulaires du droit d’auteur et des droits voisins à l’égard de ce qu’ils considéraient comme une communication non autorisée par l’INA des interprétations en cause données par leur père défunt. Il est constant que les fils n’ont jamais autorisé l’INA à communiquer de cette manière les interprétations de leur père. Comme nous allons le voir à présent, le droit français prévoit le transfert des droits voisins au profit de l’INA. La question principale qui se pose dans le cadre du présent renvoi préjudiciel est de savoir si la réglementation française est conforme aux exigences de la directive 2001/29.

5. Toutefois, avant d’examiner ces questions, il convient d’abord de présenter les dispositions juridiques pertinentes.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

6. Les considérants 15, 25, 26, 30 et 32 de la directive 2001/29 énoncent :

« (15) La Conférence diplomatique qui s’est tenue en décembre 1996, sous les auspices de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), a abouti à l’adoption de deux nouveaux traités, à savoir le traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et le traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, qui portent respectivement sur la protection des auteurs et sur celle des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes. Ces traités constituent une mise à jour importante de la protection internationale du droit d’auteur et des droits voisins, notamment en ce qui concerne ce que l’on appelle “l’agenda numérique”, et améliorent les moyens de lutte contre la piraterie à l’échelle planétaire. [L’union européenne] et une majorité d’États membres ont déjà signé lesdits traités et les procédures de ratification sont en cours dans [l’Union] et les États membres. La présente directive vise aussi à mettre en œuvre certaines de ces nouvelles obligations internationales.

[…]

(25) L’insécurité juridique qui entoure la nature et le niveau de protection des actes de transmission à la demande, au moyen de réseaux, d’œuvres protégées par le droit d’auteur et d’objets relevant des droits voisins doit être supprimée par la mise en place d’une protection harmonisée au niveau communautaire. Il doit être clair que tous les titulaires de droits reconnus par la présente directive ont le droit exclusif de mettre à la disposition du public des œuvres protégées par le droit d’auteur ou tout autre objet protégé par voie de transmissions interactives à la demande. Ces transmissions sont caractérisées par le fait que chacun peut y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.

(26) Pour ce qui est de la mise à disposition par les radiodiffuseurs, dans le cadre de services à la demande, de leur production radiodiffusée ou télévisuelle comportant de la musique sur phonogrammes commerciaux en tant que partie intégrante de cette production, il y a lieu d’encourager la conclusion de contrats de licence collectifs, afin de faciliter le recouvrement des droits concernés.

[...]

(30) Les droits visés dans la présente directive peuvent être transférés, cédés ou donnés en licence contractuelle, sans préjudice des dispositions législatives nationales pertinentes sur le droit d’auteur et les droits voisins.

[...]

(32) La présente directive contient une liste exhaustive des exceptions et limitations au droit de reproduction et au droit de communication au public. Certaines exceptions ou limitations ne s’appliquent qu’au droit de reproduction, s’il y a lieu. La liste tient dûment compte de la diversité des traditions juridiques des États membres tout en visant à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur. Les États membres appliquent ces exceptions et limitations de manière cohérente et la question sera examinée lors d’un futur réexamen des dispositions de mise en œuvre. »

7. L’article 2 de la directive 2001/29, intitulé « Droit de reproduction » dispose :

« Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie :

a) pour les auteurs, de leurs œuvres ;

b) pour les artistes interprètes ou exécutants, des fixations de leurs exécutions ;

c) pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes ;

d) pour les producteurs des premières fixations de films, de l’original et de copies de leurs films ;

[...] »

8. L’article 3 de la directive 2001/29, intitulé « Droit de communication d’œuvres au public et droit de mettre à la disposition du public d’autres objets protégés » énonce :

« 1. Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.

2. Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la mise à la disposition du public, par fil ou sans fil, de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement :

a) pour les artistes interprètes ou exécutants, des fixations de leurs exécutions ;

b) pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes ;

c) pour les producteurs des premières fixations de films, de l’original et de copies de leurs films ;

[…] »

9. L’article 5 de cette directive, intitulé « Exceptions et limitations », énonce dans son paragraphe 2 :

« 2. Les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations au droit de reproduction prévu à l’article 2 dans les cas suivants :

[…]

c) lorsqu’il s’agit d’actes de reproduction spécifiques effectués par des bibliothèques accessibles au public, des établissements d’enseignement ou des musées ou par des archives, qui ne recherchent aucun avantage commercial ou économique direct ou indirect ;

[…] »

10. Aux termes de l’article 10 de la directive 2001/29, intitulé « Application dans le temps » :

« 1. Les dispositions de la présente directive s’appliquent à toutes les œuvres et à tous les autres objets protégés visés par la présente directive qui, le 22 décembre 2002, sont protégés par la législation des États membres dans le domaine du droit d’auteur et des droits voisins, ou qui remplissent les critères de protection en application des dispositions de la présente directive ou des directives visées à l’article 1er, paragraphe 2.

2. La présente directive s’applique sans préjudice des actes conclus et des droits acquis avant le 22 décembre 2002. »

B. Le droit français

11. L’article L. 212-3, alinéa premier, du code de la propriété intellectuelle, dispose :

« Sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l’image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l’image. »

12. L’article L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle est libellé comme suit :

«...

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