Elda Otero Ramos v Servicio Galego de Saúde and Instituto Nacional de la Seguridad Social.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:287
Date06 April 2017
Celex Number62015CC0531
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-531/15
62015CC0531

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 6 avril 2017 ( 1 )

Affaire C‑531/15

Elda Otero Ramos

contre

Servicio Galego de Saúde

et

Instituto Nacional de la Seguridad Social

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne)]

« Politique sociale – Directive 2006/54/CE – Égalité de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins – Article 19 – Règles renversant la charge de la preuve – Directive 92/85/CEE – Article 4 – Évaluation des activités susceptibles d’entraîner l’exposition à des agents, des procédés ou des conditions de travail »

1.

Par cette demande de décision préjudicielle, le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne) demande des précisions sur l’interprétation des règles qui transfèrent la charge de la preuve sur la partie défenderesse lorsque la partie requérante soutient qu’elle n’a pas bénéficié du principe d’égalité de traitement pour des raisons liées au sexe. Ce renversement de la charge de la preuve découle de la directive 2006/54/CE relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail ( 2 ). La procédure au principal concerne une travailleuse qui soutient que, pendant la période où elle allaitait son enfant, ses conditions de travail étaient susceptibles d’avoir une influence négative sur sa santé ou celle de son bébé. Son action était fondée sur les dispositions de droit national transposant la directive 92/85/CEE concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail ( 3 ). Les questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi invitent la Cour à donner des précisions quant à l’interprétation de la directive 92/85, lue en combinaison avec les dispositions de la directive 2006/54 relatives à la charge de la preuve.

Le droit de l’Union

La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

2.

L’article 23 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 4 ) dispose que l’égalité entre les femmes et les hommes doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d’emploi, de travail et de rémunération.

La directive 89/391/CEE

3.

La directive 89/391/CEE concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ( 5 ) définit la notion de « prévention » comme « l’ensemble des dispositions ou des mesures prises ou prévues à tous les stades de l’activité dans l’entreprise en vue d’éviter ou de diminuer les risques professionnels » ( 6 ). Elle prévoit que les groupes à risques particulièrement sensibles doivent être protégés contre les dangers qui les affectent spécifiquement ( 7 ) et habilite le législateur de l’Union européenne à adopter des directives particulières visant à promouvoir l’amélioration de l’environnement de travail en ce qui concerne la sécurité et la santé des travailleurs ( 8 ).

La directive 92/85

4.

La directive 92/85 a notamment pour objectif d’introduire des prescriptions minimales en vue de promouvoir l’amélioration, notamment du milieu de travail, pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs ( 9 ). Les travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes sont considérées comme un groupe à risques spécifique ( 10 ). Cette protection ne doit pas défavoriser les femmes sur le marché du travail et ne doit pas porter atteinte aux directives en matière d’égalité de traitement entre hommes et femmes ( 11 ). Certains types d’activités peuvent présenter un risque spécifique d’exposition de la travailleuse allaitante à des agents, procédés ou conditions de travail dangereux. Lorsque cela s’avère pertinent, ces risques doivent être évalués et le résultat de cette évaluation doit être communiqué aux travailleuses ( 12 ). Si le résultat de cette évaluation révèle un risque pour la sécurité ou la santé de la travailleuse, un dispositif visant sa protection doit être prévu ( 13 ). Les travailleuses allaitantes ne doivent pas être tenues d’accomplir des activités dont l’évaluation a révélé le risque d’une exposition à certains agents particulièrement dangereux ni de travailler dans des conditions mettant en péril leur sécurité ou leur santé ( 14 ).

5.

L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 92/85 dispose que « [cette] directive, qui est la dixième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE, a pour objet la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail ».

6.

L’article 2, sous c), définit l’expression « travailleuse allaitante » comme « toute travailleuse allaitante au sens des législations et/ou pratiques nationales, qui informe l’employeur de son état, conformément à ces législations et/ou pratiques » ( 15 ).

7.

Comme l’exige l’article 3, paragraphe 1, la Commission européenne a établi des lignes directrices concernant l’évaluation des agents chimiques, physiques et biologiques ainsi que des procédés industriels considérés comme comportant un risque pour la sécurité ou la santé des travailleuses au sens de l’article 2 ( 16 ).

8.

L’article 4, paragraphe 1, dispose que pour toute activité susceptible de présenter un risque spécifique d’exposition aux agents, procédés ou conditions de travail, dont une liste non exhaustive figure à l’annexe I ( 17 ), la nature, le degré et la durée de l’exposition, dans l’entreprise et/ou l’établissement concernés, des travailleuses au sens de l’article 2 devront être évalués par l’employeur. Cette évaluation vise à apprécier tout risque pour la sécurité ou la santé ainsi que toute répercussion notamment sur l’allaitement des travailleuses concernées ainsi qu’à déterminer les mesures à prendre. Conformément à l’article 4, paragraphe 2, la travailleuse concernée doit être informée des résultats de cette évaluation et de toutes les mesures en ce qui concerne la sécurité et la santé au travail. Les lignes directrices servent de base à cette évaluation.

9.

L’article 5 est intitulé « Conséquences des résultats de l’évaluation ». Il dispose ce qui suit :

« 1. Sans préjudice de l’article 6 de la directive 89/391/CEE, si les résultats de l’évaluation visée à l’article 4 paragraphe 1 révèlent un risque pour la sécurité ou la santé ainsi qu’une répercussion sur la grossesse ou l’allaitement d’une travailleuse au sens de l’article 2, l’employeur prend les mesures nécessaires pour que, par un aménagement provisoire des conditions de travail et/ou du temps de travail de la travailleuse concernée, l’exposition de cette travailleuse à ce risque soit évitée.

2. Si l’aménagement des conditions de travail et/ou du temps de travail n’est pas techniquement et/ou objectivement possible ou ne peut être raisonnablement exigé pour des motifs dûment justifiés, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer à la travailleuse concernée un changement de poste.

3. Si le changement de poste n’est pas techniquement et/ou objectivement possible ou ne peut être raisonnablement exigé pour des motifs dûment justifiés, la travailleuse concernée est, conformément aux législations et/ou pratiques nationales, dispensée de travail pendant toute la période nécessaire pour la protection de sa sécurité ou de sa santé.

[…] »

10.

L’article 11, premier alinéa, dispose ce qui suit :

« En vue de garantir aux travailleuses, au sens de l’article 2, l’exercice des droits de protection de leur sécurité et de leur santé reconnus dans le présent article, il est prévu que :

1) dans les cas visés [à l’article 5] les droits liés au contrat de travail des travailleuses au sens de l’article 2, y compris le maintien d’une rémunération et/ou le bénéfice d’une prestation équivalente, doivent être garantis, conformément aux législations et/ou pratiques nationales […]. »

La directive 2006/54

11.

En premier lieu, les considérants de la directive 2006/54 exposent que la directive 97/80/CE ( 18 ) a établi des dispositions ayant notamment pour objet la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes ( 19 ). En deuxième lieu, il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour qu’un traitement défavorable lié à la grossesse ou à la maternité infligé à une femme constitue une discrimination directe fondée sur le sexe. Un tel traitement devrait donc expressément être couvert par la directive 2006/54 ( 20 ). En troisième lieu, la Cour a systématiquement reconnu qu’il était légitime, au regard du principe de l’égalité de traitement, de protéger une femme en raison de sa condition biologique pendant la grossesse et la maternité, de même que de prévoir des mesures de protection de la maternité comme moyen de parvenir à une réelle égalité entre les sexes. La directive 2006/54 devrait donc s’entendre sans préjudice de la directive 92/85 ( 21 ). Les objectifs poursuivis par la directive 2006/54 incluent donc la protection des droits, en matière d’emploi, des femmes en congé de maternité afin d’assurer qu’elles ne font l’objet d’aucun préjudice en ce qui concerne leurs conditions à la suite d’un tel congé et bénéficient de toute amélioration des conditions de travail à laquelle elles auraient eu droit durant leur absence ( 22 ).

12.

En quatrième lieu, les considérants reconnaissent que « [l]’adoption de règles relatives à la charge de la preuve joue un rôle important en ce qui concerne la possibilité de mettre effectivement en œuvre le principe de...

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