Opinion of Advocate General Pikamäe delivered on 16 May 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:427
Celex Number62018CC0314
CourtCourt of Justice (European Union)
Date16 May 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 16 mai 2019 (1)

Affaire C314/18

Openbaar Ministerie

contre

SF

[demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Décisions-cadres 2002/584/JAI et 2008/909/JAI – Remise d’une personne recherchée à l’État membre d’émission sous garantie de renvoi dans l’État membre d’exécution afin d’y purger une peine ou une mesure privatives de liberté – Moment du renvoi – Peine ou mesure complémentaire »






I. Introduction

1. La présente demande de renvoi préjudiciel porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 3, et de l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (2), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (3), ainsi que de l’article 1er, sous a) et b), de l’article 3, paragraphes 3 et 4, et de l’article 25, de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne (4).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre de l’exécution, aux Pays-Bas, d’un mandat d’arrêt européen émis le 3 mars 2017 aux fins de l’exercice de poursuites pénales par un juge de la Canterbury Crown Court (Crown Court de Canterbury, Royaume-Uni), contre SF.

3. L’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584 prévoit la possibilité pour l’État membre d’exécution d’un mandat d’arrêt européen de soumettre l’exécution de ce dernier à la formulation par l’État membre d’émission d’une garantie de renvoi dans le premier État membre de la personne qui a été condamnée à une peine ou à une mesure privatives de liberté dans le second État membre, en vue d’y purger cette peine. La présente affaire offre à la Cour l’occasion de préciser la portée de cette garantie de renvoi et de réaffirmer les exigences découlant du principe de reconnaissance mutuelle qui guide la coopération judiciaire en matière pénale au sein de l’Union.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La décision-cadre 2002/584

4. L’article 1er de la décision-cadre 2002/584 prévoit :

« 1. Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2. Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3. La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [TUE]. »

5. L’article 2, paragraphe 1, de cette décision-cadre énonce :

« Un mandat d’arrêt européen peut être émis pour des faits punis par la loi de l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté d’un maximum d’au moins douze mois ou, lorsqu’une condamnation à une peine est intervenue ou qu’une mesure de sûreté a été infligée, pour des condamnations prononcées d’une durée d’au moins quatre mois. »

6. Aux termes de l’article 5, point 3, de ladite décision-cadre :

« L’exécution du mandat d’arrêt européen par l’autorité judiciaire d’exécution peut être subordonnée par le droit de l’État membre d’exécution à l’une des conditions suivantes :

[...]

3) lorsque la personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuite est ressortissante ou résidente de l’État membre d’exécution, la remise peut être subordonnée à la condition que la personne, après avoir été entendue, soit renvoyée dans l’État membre d’exécution afin d’y subir la peine ou la mesure de sûreté privatives de liberté qui serait prononcée à son encontre dans l’État membre d’émission. »

2. La décision-cadre 2008/909

7. L’article 1er, sous a) et b), de la décision-cadre 2008/909, est libellé comme suit :

« Aux fins de la présente décision-cadre, on entend par :

a) “jugement”, une décision définitive rendue par une juridiction de l’État d’émission prononçant une condamnation à l’encontre d’une personne physique ;

b) “condamnation”, toute peine ou mesure privative de liberté prononcée pour une durée limitée ou illimitée en raison d’une infraction pénale à la suite d’une procédure pénale. »

8. L’article 3, de cette décision-cadre énonce :

« 1. La présente décision-cadre vise à fixer les règles permettant à un État membre, en vue de faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée, de reconnaître un jugement et d’exécuter la condamnation.

2. La présente décision-cadre s’applique lorsque la personne condamnée se trouve dans l’État d’émission ou dans l’État d’exécution.

3. La présente décision-cadre s’applique uniquement à la reconnaissance des jugements et à l’exécution des condamnations au sens de la présente décision-cadre. Le fait que, outre la condamnation, une amende ou une décision de confiscation ait été prononcée et n’ait pas encore été acquittée, recouvrée ou exécutée n’empêche pas la transmission d’un jugement. La reconnaissance et l’exécution de ces amendes et décisions de confiscation dans un autre État membre ont lieu conformément aux instruments applicables entre les États membres, en particulier à la décision-cadre 2005/214/JAI du Conseil[,] du 24 février 2005[,] concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires[ (5)] et à la décision-cadre 2006/783/JAI du Conseil[,] du 6 octobre 2006[,] relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de confiscation[ (6)].

4. La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux consacrés par l’article 6 [TUE]. »

9. Selon l’article 8 de ladite décision-cadre :

« 1. L’autorité compétente de l’État d’exécution reconnaît le jugement qui lui a été transmis conformément à l’article 4 et à la procédure décrite à l’article 5, et prend sans délai toutes les mesures nécessaires à l’exécution de la condamnation, sauf si elle décide de se prévaloir d’un des motifs de non-reconnaissance et de non-exécution prévus à l’article 9.

2. Si la durée de la condamnation est incompatible avec le droit de l’État d’exécution, l’autorité compétente de l’État d’exécution ne peut décider d’adapter cette condamnation que lorsqu’elle est supérieure à la peine maximale prévue par son droit national pour des infractions de même nature. La durée de la condamnation adaptée ne peut pas être inférieure à celle de la peine maximale prévue par le droit de l’État d’exécution pour des infractions de même nature.

3. Si la nature de la condamnation est incompatible avec le droit de l’État d’exécution, l’autorité compétente de l’État d’exécution peut adapter cette condamnation à la peine ou mesure prévue par son propre droit pour des délits similaires. Cette peine ou mesure doit correspondre autant que possible à la condamnation prononcée dans l’État d’émission et dès lors, la condamnation ne peut pas être commuée en une sanction pécuniaire.

4. La condamnation adaptée n’aggrave pas la condamnation prononcée dans l’État d’émission en ce qui concerne sa nature ou sa durée. »

10. L’article 25 de la même décision-cadre dispose :

« Sans préjudice de la décision-cadre [2002/584], les dispositions de la présente décision-cadre s’appliquent, mutatis mutandis dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions de ladite décision-cadre, à l’exécution des condamnations dans les cas où un État membre s’engage à exécuter la condamnation conformément à l’article 4, point 6), de ladite décision-cadre ou lorsque, agissant dans le cadre de l’article 5, point 3), de cette même décision-cadre, il a imposé comme condition le renvoi de la personne dans l’État membre concerné afin d’y purger la peine, de manière à éviter l’impunité de la personne concernée. »

B. Le droit néerlandais

11. L’Overleveringswet (loi relative à la remise) (7), du 29 avril 2004, met en œuvre la décision-cadre 2002/584. Son article 6, paragraphe 1, se lit comme suit :

« La remise d’un ressortissant néerlandais peut être autorisée pour autant que cette demande est adressée pour les besoins d’une enquête pénale dirigée contre lui et que l’autorité judiciaire d’exécution estime qu’il est garanti que, si, pour les faits pour lesquels la remise peut être autorisée dans l’État membre d’exécution, il est condamné à une peine privative de liberté définitive, il pourra subir cette peine aux Pays-Bas. »

12. L’article 28, paragraphe 2, de l’OLW prévoit :

« Si le rechtbank [tribunal] constate [...] que la remise ne peut pas être autorisée [...], il lui appartient de refuser cette remise dans sa décision. »

13. La Wet wederzijdse erkenning en tenuitvoerlegging vrijheidsbenemende en voorwaardelijke sancties (loi sur la reconnaissance et l’exécution mutuelles de condamnations à des sanctions privatives de liberté assorties ou non d’un sursis) (8), du 12 juillet 2012, met en œuvre la décision-cadre 2008/909. Son article 2:2, intitulé « autorité compétente », dispose, à son paragraphe 1 :

« Le ministre est compétent pour reconnaître une décision de justice transmise par l’un des États membres d’émission, aux fins de son exécution aux Pays-Bas. »

14. L’article 2:11 de la WETS, intitulé « rôle du juge ; adaptation de la condamnation », énonce :

« 1. Le ministre transmet la décision judiciaire et le certificat à l’avocat général du parquet près la cour d’appel, à moins qu’il considère...

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