Alliance One International Inc. and Standard Commercial Tobacco Co. Inc. v European Commission and European Commission v Alliance One International Inc. and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:11
CourtCourt of Justice (European Union)
Date12 January 2012
Docket NumberC-628/10,C-14/11
Celex Number62010CC0628
Procedure TypeRecurso de anulación
62010CC0628

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME JULIANE KOKOTT

présentées le 12 janvier 2012 ( 1 )

Affaires jointes C‑628/10 P et C‑14/11 P

Alliance One International Inc., anciennement Standard Commercial Corp.,

Standard Commercial Tobacco Co. Inc.,

contre

Commission européenne,

et

Commission européenne

contre

Alliance One International Inc. e.a.

«Pourvoi — Concurrence — Ententes — Article 81 CEArticle 23 du règlement (CE) no 1/2003 — Marché espagnol du tabac brut — Fixation des prix et répartition du marché — Responsabilité d’une société mère pour les infractions au droit des ententes commises par sa filiale — Critères d’imputabilité des infractions au sein d’un groupe de sociétés — Limites au pouvoir discrétionnaire de la Commission pour infliger des amendes — Principe d’égalité de traitement — Interdiction des discriminations à l’encontre des membres d’une entente par la Commission — Obligation de motivation — Interdiction d’invoquer a posteriori des motifs justifiant la décision d’infliger une amende dans la procédure contentieuse»

Table des matières

I – Introduction

II – Le cadre juridique

III – Les antécédents du litige et la procédure de première instance

A – Les sociétés parties au présent litige

B – Les deux ententes sur le marché espagnol du tabac brut et la décision litigieuse de la Commission

C – La procédure de première instance

IV – La procédure devant la Cour

V – Question liminaire concernant la légitimation active d’AOI

VI – Appréciation des moyens du pourvoi

A – Concernant les griefs invoqués au sujet du principe d’égalité de traitement

1. La combinaison du principe d’égalité de traitement et du principe de légalité dans le cadre des procédures en matière d’ententes (premier et deuxième moyens dans l’affaire C‑14/11 P)

a) Le grief principal de la Commission: l’application prétendument erronée du principe d’égalité de traitement

b) Concernant les griefs tirés du défaut de motivation de l’arrêt attaqué et de la dénaturation des faits

i) Concernant le défaut de motivation allégué

ii) Concernant la dénaturation des faits alléguée

c) Conclusion intermédiaire

2. Concernant la discrimination alléguée à l’encontre de SCC et de SCTC en raison de l’application du concept de la double base (troisième moyen dans l’affaire C‑628/10 P)

a) Concernant le caractère prétendument discriminatoire du concept de la double base à l’égard de SCC et de SCTC (premier élément central du troisième moyen dans l’affaire C‑628/10 P)

b) Concernant la comparaison de la situation d’AOI et de SCTC avec celle d’Universal et d’Universal Leaf (seconde branche du troisième moyen dans l’affaire C‑628/10 P)

c) Conclusion intermédiaire

3. Concernant l’absence de pertinence des arguments contraires avancés par la Commission dans la procédure de première instance en réponse à l’allégation de discrimination (troisième moyen dans l’affaire C‑14/11 P)

4. Concernant la similitude entre la situation de TCLT et celle d’Intabex et d’Universal (quatrième moyen dans l’affaire C‑14/11 P)

5. Conclusion intermédiaire

B – Concernant certains autres griefs invoqués par AOI et SCTC (premier et deuxième moyens dans l’affaire C‑628/10 P)

1. Sur le premier moyen dans l’affaire C‑628/10 P

a) Concernant l’absence alléguée d’influence déterminante exercée par SCC et SCTC sur WWTE avant le 5 mai 1998 (première branche du premier moyen dans l’affaire C‑628/10 P)

i) Critère d’imputation: exercice d’une influence déterminante

ii) Contrôle en commun: pas un motif impératif d’exclusion de l’imputation de la responsabilité des infractions au droit des ententes à l’une des sociétés mères seulement

b) Concernant la violation alléguée des droits fondamentaux d’AOI et de SCTC (seconde branche du premier moyen dans l’affaire C‑628/10 P)

i) Sur la recevabilité

ii) Sur le bien-fondé

c) Conclusion intermédiaire

2. Sur le deuxième moyen dans l’affaire C‑628/10 P

a) Question liminaire: le deuxième moyen est-il inopérant?

b) Examen de fond du deuxième moyen

i) Concernant l’adaptation présumée de l’argumentation de la Commission au cours de la procédure de première instance (première branche du deuxième moyen dans l’affaire C‑628/10 P)

ii) Concernant le grief tiré de la modification a posteriori de la motivation de la décision litigieuse (seconde branche du deuxième moyen dans l’affaire C‑628/10 P)

C – Résumé des moyens invoqués par les deux parties

D – Concernant la demande séparée d’AOI et de SCTC de réduction de l’amende

VII – Sur les dépens

VIII – Conclusion

I – Introduction

1.

«Les parents sont responsables de leurs enfants». Cette vieille devise semble se vérifier encore et toujours dans les affaires d’ententes ( 2 ). En effet, dans le cadre des procédures d’amende visant à sanctionner les infractions au droit des ententes, il est fréquent que l’on retienne non seulement la responsabilité des entreprises directement impliquées dans l’entente, mais également celle de leurs sociétés mères. Cela permet de tenir dûment compte de la puissance financière de l’ensemble du groupe d’entreprises impliqué dans l’entente pour calculer l’amende. En outre, la probabilité qu’un débiteur solvable s’acquitte du paiement de l’amende, indépendamment d’éventuels déplacements d’éléments d’actifs à l’intérieur du groupe concerné, s’en trouve augmentée.

2.

Toutefois, le principe de la responsabilité personnelle ( 3 ), qui doit toujours être respecté dans les procédures pénales et quasi pénales, limite l’imputation des ententes illicites à l’intérieur des groupes d’entreprises. C’est surtout pour cette raison que les juridictions de l’Union sont en permanence amenées à statuer sur la question de savoir si, et dans quelles conditions, les sociétés mères peuvent valablement se voir imputer la responsabilité des infractions au droit des ententes commises par leurs filiales ( 4 ).

3.

Dans le présent pourvoi, la question de l’imputation au sein des groupes d’entreprises de la responsabilité pour les infractions au droit des ententes se pose sous un tout nouvel angle. Il convient de déterminer si la Commission européenne a retenu la responsabilité des sociétés mères respectives de plusieurs filiales impliquées dans une seule et même entente selon des critères différents et si elle l’a fait à bon droit.

4.

Cette affaire porte, en particulier, sur une entente espagnole entre plusieurs entreprises de transformation du tabac brut. La Commission a infligé des amendes à certaines d’entre elles, dont elle a tenu les sociétés mères respectives pour solidairement responsables, alors qu’elle n’a pas sanctionné les sociétés mères d’autres filiales impliquées dans la même entente.

5.

En l’espèce, la Cour est appelée à clarifier, en substance, les limites que le principe général du droit de l’Union tiré de l’égalité de traitement fixe au pouvoir discrétionnaire de la Commission dans l’application des amendes conformément à l’article 23 du règlement (CE) no 1/2003 ( 5 ). L’arrêt de la Cour ne sera pas seulement déterminant pour la pratique administrative à venir de la Commission, mais devrait également être riche d’enseignements pour l’activité des autorités de la concurrence et des juridictions nationales à l’intérieur de l’Espace économique européen.

II – Le cadre juridique

6.

Le cadre juridique de cette affaire est défini, d’une part, par l’article 81 CE et, d’autre part, par l’article 23 du règlement no 1/2003. Cette dernière disposition énonce, à son paragraphe 2, sous a):

«2.

La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises […] lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a)

elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 81 ou 82 du traité […]

[...]»

7.

Enfin, le trente-septième considérant du préambule du règlement no 1/2003, qui est consacré à la protection des droits fondamentaux, mérite lui aussi d’être cité:

«Le présent règlement respecte les droits fondamentaux et les principes reconnus en particulier par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En conséquence, il doit être interprété et appliqué dans le respect de ces droits et principes.»

III – Les antécédents du litige et la procédure de première instance

8.

Quatre entreprises travaillent dans la transformation de tabac brut sur le marché espagnol (ci-après, ensemble, les «transformateurs»), à savoir World Wide Tobacco España SA (ci-après «WWTE»), Compañía española de tabaco en rama SA, Agroexpansión SA (ci-après «Agroexpansión») et Tabacos españoles SL (ci-après «TAES»). Trois d’entre elles appartiennent à des multinationales contrôlées par des sociétés ayant leur siège aux États-Unis.

9.

Outre les transformateurs, il convient de citer Deltafina SpA (ci-après «Deltafina»), une société italienne qui a pour activités principales la première transformation de tabac brut en Italie et la commercialisation de tabac transformé.

10.

En l’espèce, se pose la question de savoir si, et dans quelles conditions, la Commission pouvait ou devait également imputer la responsabilité des infractions au droit des ententes commises par lesdites entreprises à leurs sociétés mères ou grand-mères respectives et tenir ces dernières pour solidairement responsables du paiement des amendes infligées.

A – Les sociétés...

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