Parking Brixen GmbH v Gemeinde Brixen and Stadtwerke Brixen AG.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:123
Date01 March 2005
Celex Number62003CC0458
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-458/03

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 1er mars 2005 (1)

Affaire C-458/03

Parking Brixen GmbH

contre

Gemeinde Brixen

et

Stadtwerke Brixen AG

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht, Autonome Sektion für die Provinz Bozen (Italie)]

«Marchés publics – Directive 92/50/CEE – Distinction entre marchés publics de services et concessions de services – Distinction entre marchés de sous-traitance et marchés internes (‘marchés in-house’) – Exploitation d’un parc de stationnement payant par une filiale du pouvoir adjudicateur»





I – Introduction

1. La différenciation entre les opérations de passation de marchés qui sont soumises à l’obligation de publier un appel d’offres et celles qui n’y sont pas soumises constitue l’une des questions centrales du droit des marchés publics. L’actualité récente a vu en particulier surgir dans ce contexte la question de la distinction entre les marchés de sous-traitance et le marché dit «interne», également dénommé marché «in‑house».

2. Les marchés in-house au sens strict sont des opérations dans lesquelles un organisme de droit public attribue un marché à l’un de ses services non doté d’une personnalité juridique propre. Mais, au sens large, peuvent également relever des marchés in-house certaines situations dans lesquelles des pouvoirs adjudicateurs concluent des contrats avec des sociétés qu’ils contrôlent, qui sont dotées d’une personnalité juridique propre. Alors que les marchés in-house au sens strict ne relèvent en aucun cas du droit des marchés publics, puisqu’il s’agit d’opérations purement internes à l’administration (2), le cas des marchés in-house au sens large (également dénommés, dans certains cas, marchés «quasi in-house» (3)) pose régulièrement une question complexe de délimitation, celle de savoir s’il y a ou non obligation de publier un avis de marché. La Cour est une nouvelle fois saisie en l’espèce de cette problématique (4).

3. La commune de Brixen a attribué à sa filiale Stadtwerke Brixen AG, sans procédure d’appel d’offres préalable, l’exploitation de deux parcs de stationnement publics payants. La société privée Parking Brixen GmbH a introduit un recours contre cette décision. Une juridiction italienne, le Verwaltungsgericht, Autonome Sektion für die Provinz Bozen (ci-après, également, la «juridiction de renvoi»), a soumis à la Cour deux questions préjudicielles portant en substance, d’une part, sur la délimitation entre concessions publiques de services et marchés publics de services et, d’autre part, sur la délimitation entre marchés externes soumis à l’obligation de publier un appel d’offres et marchés in‑house non soumis à cette obligation.

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

4. Le droit communautaire constituant le cadre de la présente affaire est formé, d’une part, par la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (5) et, d’autre part, par les articles 43 CE, 49 CE et 86, paragraphe 1, CE.

5. L’article 1er, sous a) et b), de la directive 92/50 dispose notamment:

«Aux fins de la présente directive:

a) les ‘marchés publics de services’ sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre un prestataire de services et un pouvoir adjudicateur, […]

b) sont considérés comme ‘pouvoirs adjudicateurs’, l’État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public, les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public.

[…]»

6. L’article 43 CE établit la liberté d’établissement et l’article 49 CE la libre prestation de services. En vertu des articles 48, premier alinéa, CE et 55 CE, les sociétés constituées en conformité de la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté sont assimilées, au regard de ces deux libertés fondamentales, aux personnes physiques ressortissantes des États membres.

7. Enfin, l’article 86, paragraphes 1 et 2, CE prévoit ce qui suit:

«1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent traité, notamment à celles prévues aux articles 12 et 81 à 89 inclus.

2. Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté.»

B – Droit national

8. En Italie, l’article 115, paragraphe 1, du decreto legislativo (6) n° 267 du président de la République, du 18 août 2000 (7) (ci-après le «decreto legislativo n° 267/2000), autorise les communes et autres collectivités territoriales à transformer par acte juridique unilatéral leurs établissements propres (également dénommés «établissements spéciaux») en sociétés anonymes. Ces sociétés conservent les droits et obligations nés avant la transformation et reprennent la totalité de l’actif et du passif des établissements spéciaux d’origine. En vertu de cette disposition, la collectivité territoriale concernée peut demeurer l’actionnaire unique d’une telle société, pour une durée limitée cependant à deux ans à compter de la transformation.

9. Le texte coordonné de la loi régionale portant organisation des communes de la région autonome du Trentin-Haut-Adige (ci-après la «loi sur les communes») dispose, sous son article 88, paragraphe 6:

«Les communes établissent par voie de règlement les procédures et les critères de sélection des formes d’organisation énoncées ci-après de la gestion des services publics d’intérêt économique et commercial:

a) constitution d’établissements spéciaux;

b) constitution ou participation à des sociétés anonymes ou des sociétés à responsabilité limitée ad hoc où le pouvoir de décision public est dominant;

c) attribution de la gestion de services publics à des tiers, des procédures appropriées de mise en concurrence étant prévues pour leur désignation» (8).

10. L’article 88, paragraphe 18, de la loi sur les communes prévoit en outre que les sociétés constituées conformément à l’article 88, paragraphe 6, peuvent se voir confier – sous certaines conditions qui y sont précisées – à tout moment par les collectivités territoriales qui sont leurs actionnaires d’autres services publics qui soient compatibles avec l’objet de la société.

III – Cadre factuel

A – Faits et litige principal

11. La commune de Brixen, située dans la région autonome italienne du Trentin-Haut-Adige, a transféré en 2001 et 2002 – dans les deux cas sans procédure préalable d’appel d’offres – l’exploitation de deux parcs de stationnement publics à la Stadtwerke Brixen AG. Les deux parcs de stationnement sont reliés à la piscine publique communale, dont la construction et l’exploitation avaient déjà été transférées en 2000 aux Stadtwerke Brixen. Mais il est ressorti de l’audience que ces parcs de stationnement ne sont pas utilisés exclusivement par les visiteurs de la piscine.

12. Selon les indications de la juridiction de renvoi, ces parcs de stationnement sont situés sur deux parcelles de terrain portant les numéros 491/6 et 491/11.

13. Pour la parcelle 491/11, la commune a accordé à la Stadtwerke Brixen AG, en décembre 2001, le droit de construire en sous-sol et en surface des places de stationnement de véhicules (9). Un parc de stationnement provisoire en surface était d’abord prévu à cet endroit, jusqu’à l’achèvement du garage souterrain en projet. À cet effet, le terrain (jusqu’alors un terrain de football) a été provisoirement consolidé et transformé en un parc de stationnement comprenant environ 200 emplacements.

14. Afin de disposer d’emplacements de stationnement supplémentaires, la commune a également transféré à la Stadtwerke Brixen AG, en novembre 2002, pour une période de neuf années, la gestion du parc de stationnement en surface contigu situé sur la parcelle 491/6 (10). Ce parc de stationnement, qui comprend lui aussi quelque 200 emplacements, avait été auparavant géré directement par la commune de Brixen, pendant dix ans.

15. La Stadtwerke Brixen AG est habilitée, en vertu d’un accord conclu le 19 décembre 2002 avec la commune de Brixen, à percevoir des usagers un droit pour l’utilisation de ce parc de stationnement situé sur la parcelle 491/6. En contrepartie, elle s’est engagée à verser à la commune une indemnité annuelle d’un montant de 151 700 euros, qui augmente encore en cas de hausse des tarifs de stationnement, à proportion de cette hausse (11). Par ailleurs, la Stadtwerke Brixen AG a repris le personnel de ce parc de stationnement précédemment employé par la commune de Brixen, s’est engagée à assurer l’entretien ordinaire et extraordinaire du terrain, et assume toute responsabilité de ce fait. La Stadtwerke Brixen AG s’est également déclarée prête à poursuivre le service de prêt de bicyclettes assuré dans le parc de stationnement, et à permettre également que le marché hebdomadaire continue à s’y tenir.

16. En revanche, selon les indications de la juridiction de renvoi, aucune convention de ce type n’a été conclue au sujet de l’utilisation du parc de stationnement en surface situé sur la parcelle 491/11.

17. L’attribution de l’exploitation du parc de stationnement à la Stadtwerke Brixen AG a donné lieu à un recours de la société Parking Brixen GmbH, qui exploite déjà un autre parc de stationnement à Brixen, et qui s’intéresse également à l’exploitation des deux parcs de stationnement présentement litigieux. Elle a saisi la...

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