Heinrich Bauer Verlag BeteiligungsGmbH v Finanzamt für Großunternehmen in Hamburg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:4
Docket NumberC-360/06
Celex Number62006CC0360
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date10 January 2008

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK

présentées le 10 janvier 2008 (1)

Affaire C‑360/06

Heinrich Bauer Verlag Beteiligungs GmbH

contre

Finanzamt für Großunternehmen in Hamburg

[demande de décision préjudicielle formée par le Finanzgericht Hamburg (Allemagne)]

«Liberté d’établissement – Législation fiscale – Impôt sur les sociétés – Évaluation des parts non cotées dans des sociétés de capitaux – Valeur attribuée à la participation dans une société de personnes nationale inférieure à celle de la participation dans une société de personnes établie dans un autre État membre – Compatibilité avec les articles 52 et 58 du traité CE, devenus articles 43 CE et 48 CE»





I – Introduction

1. À la suite du litige opposant Heinrich Bauer Verlag Beteiligungs GmbH (ci-après «HBV») au Finanzamt für Großunternehmen in Hamburg (ci-après le «Finanzamt») dans le cadre de la fixation de la valeur des parts de ses participations dans deux sociétés, l’une établie en Espagne, l’autre en Autriche, au cours de l’exercice fiscal 1988, le Finanzgericht Hamburg (Allemagne) interroge la Cour sur la compatibilité, avec la liberté d’établissement, de dispositions nationales conduisant à attribuer à des parts détenues dans des sociétés de personnes établies dans d’autres États membres une valeur supérieure à celle des parts détenues dans des sociétés établies à l’intérieur du pays.

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

2. Aux termes de l’article 52 du traité CEE (devenu, après modification, article 43 CE):

«Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont progressivement supprimées […]. Cette suppression progressive s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un État membre.

La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 58 alinéa 2, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux.»

3. Aux termes de l’article 58 du traité CEE (devenu article 48 CE):

«Les sociétés constituées en conformité de la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté sont assimilées, pour l’application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des États membres.

Par sociétés, on entend les sociétés de droit civil ou commercial, y compris les sociétés coopératives, et les autres personnes morales relevant du droit public ou privé, à l’exception des sociétés qui ne poursuivent pas de but lucratif.»

B – Droit national

4. Il résulte de la demande préjudicielle que, dans le cadre de l’évaluation des parts de sociétés de capitaux non cotées aux fins de la détermination de l’impôt sur la fortune, les participations de ces sociétés dans des sociétés de personnes nationales se fait sur la simple base de leur valeur patrimoniale, alors que, pour les sociétés de personnes étrangères, l’évaluation se fait sur la base de la valeur vénale. Si la valeur vénale ne peut pas être déterminée sur la base de ventes ayant eu lieu moins d’un an auparavant, elle est estimée sur la base de la valeur patrimoniale et des perspectives de rendement de la société concernée.

5. Plus précisément, le juge de renvoi explique que, conformément à l’article 11, paragraphe 2, de la loi sur l’évaluation des biens (Bewertungsgesetz, ci-après le «BewG») (2), les parts de sociétés de capitaux non cotées sont évaluées à leur valeur vénale («gemeiner Wert»). Si cette valeur ne peut être estimée par référence à une cession réalisée dans les douze derniers mois précédant l’évaluation, elle se fait sur la base du patrimoine et des perspectives de rendement de la société de capitaux (article 11, paragraphe 2, deuxième phrase, du BewG).

6. Pour l’évaluation des participations dans des sociétés nationales, l’administration détermine la valeur vénale des parts de sociétés de capitaux non cotées selon les principes de la «méthode de Stuttgart» (3). Le point de départ de la détermination de la valeur patrimoniale est constitué par la valeur unitaire du patrimoine d’exploitation (article 109, paragraphe 2, du BewG). Selon cette disposition, les participations dans des sociétés de personnes faisant partie d’un patrimoine d’exploitation sont évaluées à leur valeur unitaire fixée à cet effet conformément à l’article 19, paragraphe 3, point 2, du BewG.

7. Concernant précisément l’évaluation des participations dans des entreprises étrangères, l’article 31 du BewG prévoit que les dispositions de la première partie du BewG, en particulier l’article 9 (valeur vénale), s’appliquent à l’évaluation des biens corporels étrangers. Conformément à l’article 9, paragraphe 2, du BewG, la valeur vénale correspond au prix qui serait obtenu en cas de cession, c’est-à-dire la valeur marchande.

III – Litige au principal et demande de décision préjudicielle

8. HBV est une société à responsabilité limitée (Gesellschaft mit beschränkter Haftung, ci-après «GmbH»), non cotée en bourse et ayant son siège en Allemagne. La totalité des parts de son capital est détenue par sa société mère, la société en commandite simple Heinrich Bauer Verlag KG, laquelle a été admise à la procédure au principal en qualité d’intervenante (ci-après l’«intervenante»).

9. Le litige, opposant HBV au Finanzamt Hamburg, concerne, dans le cadre de l’évaluation des parts de HBV aux fins de la détermination de l’impôt sur la fortune dont l’intervenante est redevable en tant que détentrice desdites parts, la valeur fixée pour les participations de HBV dans deux sociétés en commandite simple: la société espagnole Bauer Ediciones Sociedad en Comandita (ci-après «HBE»), dont HBV est commanditaire et qui est considérée par le droit fiscal allemand comme une société de personnes, et la société autrichienne Basar Zeitungs- und Verlagsgesellschaft GmbH und Co. KG (ci-après «WBC»), dont HBV détient la totalité des parts.

10. Plus précisément, les parties au litige au principal s’opposent sur la fixation de la valeur des participations de HBV dans HBE et dans WBC au cours de l’exercice litigieux 1988. Le Finanzamt avait fixé la valeur des parts de HBV dans HBE à 17 101 512 DEM et celles de HBV dans WBC à 5 565 955 DEM. La requérante, quant à elle, estime ses parts dans HBE à 920 275,45 DEM et dans WBC à 5 251 345,42 DEM.

11. Cette différence tient au fait que les parties partent chacune d’un principe différent pour estimer la valeur de participations dans des sociétés de personnes étrangères. Alors que le Finanzamt tient compte, pour ladite estimation, non seulement de la valeur patrimoniale, à savoir la valeur intrinsèque de ces sociétés, mais aussi de leurs perspectives de rendement, la requérante estime que seule la valeur intrinsèque des sociétés doit être prise en considération.

12. Sa réclamation ayant été rejetée, la requérante a attaqué la décision du Finanzamt devant le Finanzgericht Hamburg, qui a saisi la Cour d’une question préjudicielle.

13. En ce qui concerne la participation de HBV dans HBE, la juridiction de renvoi relève que la différence de méthode d’évaluation d’une participation dans une société nationale et dans une société étrangère entraîne la fixation de valeurs différentes. Le montant de l’évaluation des participations se répercuterait directement sur le montant de la charge fiscale de HBV au titre de l’impôt sur la fortune. La restriction à la liberté d’établissement pourrait résulter du fait que la participation à l’étranger compte pour une valeur supérieure à la participation dans une société nationale. Une telle restriction ne saurait être admise que si elle poursuivait un objectif légitime compatible avec le traité CE. Or, la juridiction nationale ne voit aucune justification pour une éventuelle restriction à cette liberté, ni sur le plan de «difficultés de vérification des faits» ni sur celui de la cohérence.

14. En ce qui concerne les parts détenues par HBV dans WBC, la juridiction de renvoi estime que ni la liberté d’établissement visée à l’article 52 du traité ni les dispositions correspondantes de l’accord sur l’Espace économique européen du 2 mai 1992 (4) (ci-après l’«accord EEE») ne sont applicables pour l’année 1988, la République d’Autriche ne faisant partie de l’Union européenne que depuis le 1er janvier 1995 et l’accord EEE n’étant entré en vigueur qu’à partir du 1er janvier 1994.

15. La juridiction de renvoi exclut enfin, a priori, une atteinte à la libre circulation des capitaux, les dispositions valables en la matière pour la période litigieuse ne s’opposant pas à la différence d’évaluation entre une participation dans une société de personnes nationale et une participation dans une société de personnes établie dans un État membre ou dans un État tiers.

16. Le Finanzgericht Hamburg a ainsi décidé de surseoir à statuer jusqu’à ce que la Cour ait rendu un arrêt en réponse à la question suivante:

«Est-il contraire aux dispositions combinées des articles 52 et 58 du traité CEE/traité CE, devenus articles 43 CE et 48 CE que, dans le cadre de l’évaluation des parts non cotées dans des sociétés de capitaux, la valeur attribuée à la participation dans une société de personnes nationale soit inférieure à celle de la participation dans une société de personnes établie dans un autre État membre?»

IV – Observations soumises à la Cour

17. HBV fait valoir qu’elle est l’unique détentrice des parts de plusieurs sociétés de personnes établies dans d’autres États membres. Ces participations lui conféreraient la possibilité de...

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