B v Land Baden-Württemberg and Secretary of State for the Home Department v Franco Vomero.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:797
Docket NumberC-316/16,C-424/16
Celex Number62016CC0316
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - sobreseimiento
Date24 October 2017
62016CC0316

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 24 octobre 2017 ( 1 )

Affaires jointes C‑316/16 et C‑424/16

B

contre

Land Baden-Württemberg

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg (tribunal administratif supérieur de Bade-Wurtemberg, Allemagne)]

et

Secretary of State for the Home Department

contre

Franco Vomero

[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni)]

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union européenne – Droit des citoyens de l’Union de circuler et séjourner sur le territoire de l’Union – Protection contre l’éloignement – Séjour dans l’État membre d’accueil pendant les dix années précédant la décision d’éloignement – Ressortissant de l’Union n’ayant aucun lien avec son État membre d’origine – Interruption de la continuité du séjour par une période d’emprisonnement – Infraction commise après une période de séjour de 20 ans – Notion de “moment précis où se pose la question de l’éloignement” »

I. Introduction

1.

La demande de décision préjudicielle dans l’affaire C‑316/16 a été introduite dans le cadre d’une procédure opposant B, né en Grèce en 1989 et vivant en Allemagne avec sa mère depuis l’année 1993, au Land Baden-Württemberg (Land de Bade-Wurtemberg, Allemagne). En 2009, B a commis une infraction pour laquelle il a été condamné. La demande de décision préjudicielle dans l’affaire C‑424/16 a pour origine un litige entre le Secretary of State for the Home Department (ministre de l’Intérieur, Royaume-Uni) et M. Franco Vomero, citoyen italien, qui habite depuis l’année 1985 au Royaume-Uni et qui, en 2001, a commis un homicide.

2.

C’est dans ces contextes factuels que les intéressés – à la suite de leurs périodes d’emprisonnement – se sont vus visés par des mesures d’éloignement postérieures aux condamnations pénales prononcées pour les infractions ci-dessus mentionnées. À ce sujet, les juridictions de renvoi expriment des doutes sérieux sur l’applicabilité de l’article 28, paragraphe 3, sous a), de la directive 2004/38/CE ( 2 ), aux termes duquel les personnes ayant séjourné sur le territoire de l’État membre d’accueil pendant les « dix années précédentes » bénéficient de la protection renforcée contre l’éloignement. Les présentes demandes de renvoi préjudiciel fournissent ainsi à la Cour l’opportunité de se pencher sur l’expression figurant à l’article 28, paragraphe 3, sous a), de la directive 2004/38 et d’enrichir sa jurisprudence récente concernant la disposition concernée.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

3.

En vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38, intitulé « Droit de séjour de plus de trois mois », « [t]out citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois » si les conditions prévues dans cette disposition sont remplies. Ces conditions visent notamment à garantir qu’un citoyen de l’Union ne devienne pas une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour.

4.

L’article 16 de la directive 2004/38 figure au chapitre IV, intitulé « Droit de séjour permanent », et dispose :

« 1. Les citoyens de l’Union ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil acquièrent le droit de séjour permanent sur son territoire. Ce droit n’est pas soumis aux conditions prévues au chapitre III.

[...]

3. La continuité du séjour n’est pas affectée par des absences temporaires ne dépassant pas au total six mois par an, ni par des absences plus longues pour l’accomplissement d’obligations miliaires ou par une absence ininterrompue de douze mois consécutifs au maximum pour des raisons importantes, telles qu’une grossesse et un accouchement, une maladie grave, des études ou une formation professionnelle, ou le détachement pour raisons professionnelles dans un autre État membre ou un pays tiers.

4. Une fois acquis, le droit de séjour permanent ne se perd que par des absences d’une durée supérieure à deux ans consécutifs de l’État membre d’accueil. »

5.

Le chapitre VI de la directive 2004/38, intitulé « Limitation du droit d’entrée et du droit de séjour pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique », dispose, à ses articles 27 et 28 :

« Article 27

Principes généraux

1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques.

2. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

[...]

Article 28

Protection contre l’éloignement

1. Avant de prendre une décision d’éloignement du territoire pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique, l’État membre d’accueil tient compte notamment de la durée du séjour de l’intéressé sur son territoire, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans l’État membre d’accueil et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine.

2. L’État membre d’accueil ne peut pas prendre une décision d’éloignement du territoire à l’encontre d’un citoyen de l’Union ou des membres de sa famille, quelle que soit leur nationalité, qui ont acquis un droit de séjour permanent sur son territoire sauf pour des motifs graves d’ordre public ou de sécurité publique.

3. Une décision d’éloignement ne peut être prise à l’encontre des citoyens de l’Union, quelle que soit leur nationalité, à moins que la décision ne se fonde sur des raisons impérieuses de sécurité publique définies par les États membres, si ceux-ci :

a)

ont séjourné dans l’État membre d’accueil pendant les dix années précédentes ; ou

b)

sont mineurs, sauf si l’éloignement est nécessaire dans l’intérêt de l’enfant, comme prévu dans la convention des Nations unies sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989. »

B. Le droit allemand

6.

L’article 28 de la directive 2004/38 a été transposé en droit allemand par l’article 6 du Gesetz über die allgemeine Freizügigkeit von Unionsbürgern – FreizügG/EU (loi sur la libre circulation des citoyens de l’Union), du 30 juillet 2004 (BGBl 2004 I, p. 1950). Aux termes de cet article dans sa version en vigueur depuis le 28 août 2007 :

« (1) […] la perte du droit visé à l’article 2, paragraphe 1, ne peut être constatée, l’attestation relative au droit de séjour permanent retirée et la carte de séjour ou de séjour permanent révoquée que pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique (articles 45, paragraphe 3, et 52, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne). L’entrée sur le territoire peut également être refusée pour les motifs mentionnés dans la première phrase. […]

(2) Une condamnation pénale ne saurait, à elle seule, justifier les décisions ou mesures visées au paragraphe 1. Seules les condamnations pénales non encore effacées du registre central peuvent être prises en considération, et uniquement dans la mesure où les circonstances qui les sous-tendent font apparaître un comportement personnel qui représente une menace réelle pour l’ordre public. Il doit s’agir d’une menace effective et suffisamment grave visant un intérêt fondamental de la société.

(3) Afin de pouvoir prendre une décision en application du paragraphe 1, il faut particulièrement tenir compte de la durée du séjour de l’intéressé en Allemagne, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle en Allemagne et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine.

(4) Une constatation en application du paragraphe 1 ne peut être effectuée, après acquisition d’un droit de séjour permanent, que pour des motifs graves.

(5) En ce qui concerne les citoyens de l’Union et les membres de leur famille qui ont séjourné sur le territoire fédéral pendant les dix dernières années et en ce qui concerne les mineurs, la constatation visée au paragraphe 1 ne peut être faite que pour des raisons impérieuses de sécurité publique. Cette règle ne s’applique pas aux mineurs lorsque la perte du droit au séjour est nécessaire dans l’intérêt de l’enfant. Il n’existe de raisons impérieuses de sécurité publique que si l’intéressé a été condamné pour un ou plusieurs délits commis intentionnellement à une peine privative de liberté ou à une peine pour délinquance juvénile d’au moins cinq ans passée en force de chose jugée ou si un internement de sûreté a été ordonné lors de sa dernière condamnation définitive, lorsque la sécurité de la République fédérale d’Allemagne est en jeu ou que l’intéressé représente une menace terroriste. »

C. Le droit du Royaume-Uni

7.

Les articles 27 et 28 de la directive 2004/38 ont été transposés dans le système juridique du Royaume-Uni par l’article 21 des Immigration (European Economic Area) Regulations 2006 [règlement de 2006 sur l’immigration (Espace économique européen)] (SI 2006/1003).

III. Les faits à l’origine des litiges au principal

A. L’affaire C‑316/16, B

8.

B est né en Grèce en 1989. En 1993, à l’âge de 3 ans, après la séparation de ses parents, B est arrivé en Allemagne avec sa mère qui travaille dans cet État membre depuis leur...

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