European Commission v French Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:23
CourtCourt of Justice (European Union)
Date20 January 2011
Docket NumberC-383/09
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62009CC0383

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 20 janvier 2011 (1)

Affaire C‑383/09

Commission européenne

contre

République française

«Directive 92/43/CEE – Protection des espèces – Cricetus cricetus (grand hamster) – Insuffisance des mesures de protection – Détérioration des habitats»





I – Introduction

1. Les dispositions relatives à la protection des espèces inscrites dans la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (2) (ci-après la «directive habitats»), sont applicables depuis 1994. Cependant, beaucoup de ces espèces ne se trouvent pas dans un état favorable (3).

2. Il y a même lieu de constater une dégradation importante de l’état de conservation des habitats du grand hamster (Cricetus cricetus) en France, dans la région de Strasbourg (4). Du fait de cette évolution, le secrétariat de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (5) a été saisi d’une plainte d’une organisation non gouvernementale qui est actuellement en cours d’instruction (6).

3. La Commission européenne saisit également l’occasion de cette régression pour critiquer la transposition par la République française de la directive habitats pour le grand hamster. Elle fait valoir que les mesures prises par la République française sont insuffisantes pour garantir le maintien de cette population dans l’avenir. La difficulté de la présente affaire réside dans le fait que la disposition pertinente, à savoir l’article 12 de la directive habitats, ne comporte pas d’obligation générale d’assurer un état de conservation favorable des espèces protégées, mais uniquement la mise en place de certaines interdictions.

4. Il y a certes lieu de vérifier, sur la base des besoins spécifiques de protection du grand hamster, quelles sont les exigences requises pour la protection de cette espèce, mais des questions semblables se posent en principe aussi en ce qui concerne de nombreuses autres espèces pour lesquelles la directive habitats prévoit un système de protection strict: par exemple, certaines chauves-souris ou le chat sauvage (Felis silvestris).

II – Le cadre juridique

A – La convention de Berne

5. L’Union européenne est partie à la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, qui a été présentée à la signature le 19 septembre 1979 à Berne (7) (ci-après la «convention de Berne»).

6. L’article 4, paragraphe 1, de la convention fait obligation aux parties contractantes de protéger l’habitat:

«1. Chaque partie contractante prend les mesures législatives et réglementaires appropriées et nécessaires pour protéger les habitats des espèces sauvages de la flore et de la faune, en particulier de celles énumérées dans les annexes I et II et pour sauvegarder les habitats naturels menacés de disparition.

2. Les parties contractantes tiennent compte, dans leurs politiques d’aménagement et de développement, des besoins de la conservation des zones protégées visées au paragraphe précédent, afin d’éviter ou de réduire le plus possible toute détérioration de telles zones.

3. Les parties contractantes s’engagent à accorder une attention particulière à la protection des zones qui ont une importance pour les espèces migratrices énumérées dans les annexes II et III et qui sont situées de manière adéquate par rapport aux voies de migration, comme aires d’hivernage, de rassemblement, d’alimentation, de reproduction ou de mue.

4. Les parties contractantes s’engagent à coordonner autant que de besoin leurs efforts pour protéger les habitats naturels visés au présent article lorsqu’ils sont situés dans des régions qui s’étendent de part et d’autre de frontières.»

7. En outre, l’article 6 de la convention comporte des dispositions sur la protection des espèces:

«Chaque partie contractante prend les mesures législatives et réglementaires appropriées et nécessaires pour assurer la conservation particulière des espèces de faune sauvage énumérées à l’annexe II. Seront notamment interdits, pour ces espèces:

a) toutes formes de capture intentionnelle, de détention et de mise à mort intentionnelle;

b) la détérioration ou la destruction intentionnelles des sites de reproduction ou des aires de repos;

c) la perturbation intentionnelle de la faune sauvage, notamment durant la période de reproduction, de dépendance et d’hibernation, pour autant que la perturbation ait un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente convention;

d) la destruction ou le ramassage intentionnels des œufs dans la nature ou leur détention, même vides;

e) la détention et le commerce interne de ces animaux, vivants ou morts, y compris des animaux naturalisés et de toute partie ou de tout produit, facilement identifiables, obtenus à partir de l’animal, lorsque cette mesure contribue à l’efficacité des dispositions du présent article.»

8. L’annexe II de la convention mentionne notamment le grand hamster.

9. Le 27 novembre 2008, le comité permanent de la convention a adopté la recommandation n° 136, selon laquelle les parties contractantes à la convention hébergeant des populations de petites tailles ou en déclin du grand hamster sont invitées à élaborer et à mettre en œuvre des plans d’action nationaux sur la base d’un plan d’action européen (8).

B – La directive habitats

10. Conjointement avec la directive sur la protection des oiseaux (9), la directive habitats vise à la transposition de la convention de Berne (10). Parmi les définitions figurant à l’article 1er de la directive habitats, c’est notamment la définition sur l’état de conservation d’une espèce qui est particulièrement pertinente:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[…]

i) ‘état de conservation d’une espèce’: l’effet de l’ensemble des influences qui, agissant sur l’espèce, peuvent affecter à long terme la répartition et l’importance de ses populations sur le territoire visé à l’article 2.

L’état de conservation sera considéré comme ‘favorable’, lorsque:

– les données relatives à la dynamique de la population de l’espèce en question indiquent que cette espèce continue et est susceptible de continuer à long terme à constituer un élément viable des habitats naturels auxquels elle appartient et

– l’aire de répartition naturelle de l’espèce ne diminue, ni ne risque de diminuer dans un avenir prévisible et

– il existe et il continuera probablement d’exister un habitat suffisamment étendu pour que ses populations se maintiennent à long terme.

[…]»

11. L’article 2 de la directive habitats contient les objectifs essentiels de la directive habitats:

«1. La présente directive a pour objet de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen des États membres où le traité s’applique.

2. Les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire.

3. Les mesures prises en vertu de la présente directive tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales.»

12. La disposition pertinente de la directive habitats en ce qui concerne la protection du grand hamster est l’article 12, paragraphe 1. Cet article est rédigé comme suit:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV, point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant:

a) toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature;

b) la perturbation intentionnelle de ces espèces notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d’hibernation et de migration;

c) la destruction ou le ramassage intentionnels des œufs dans la nature;

d) la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos.»

13. L’annexe IV, sous a), de la directive habitats mentionne notamment le grand hamster.

C – Le droit français

14. La République française a transposé l’article 12 de la directive habitats, notamment par l’arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection (11) (ci-après l’«arrêté du 23 avril 2007»). L’article 2, paragraphe 2, dudit arrêté réglemente la protection des sites de reproduction et des aires de repos:

«Sont interdites sur les parties du territoire métropolitain où l’espèce est présente ainsi que dans l’aire de déplacement naturel des noyaux de population existants, la destruction, l’altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux. Ces interdictions s’appliquent aux éléments physiques ou biologiques réputés nécessaires à la reproduction ou au repos de l’espèce considérée, aussi longtemps qu’ils sont effectivement utilisés ou utilisables au cours des cycles successifs de reproduction ou de repos de cette espèce et pour autant que la destruction, l’altération ou la dégradation remette en cause le bon accomplissement de ces cycles biologiques.»

III – Les faits, la procédure précontentieuse et les conclusions des parties

15. En se fondant sur une plainte relative à l’état de conservation des populations de grands hamsters en Alsace, la Commission a pris contact avec le gouvernement français en 2007. Il est apparu que le nombre de terriers de grands hamsters recensés dans les zones noyaux était passé de 1 167 en 2001 à un chiffre variant entre 161 et 174 en 2007. La Commission craignait donc la disparition de cette espèce à brève échéance et a, par conséquent, invité la République française à présenter des observations conformément à...

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