Jessica Porras Guisado v Bankia SA and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:691
Docket NumberC-103/16
Celex Number62016CC0103
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date14 September 2017
62016CC0103

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 14 septembre 2017 ( 1 )

Affaire C‑103/16

Jessica Porras Guisado

contre

Bankia SA,

Sección Sindical de Bankia de CCOO,

Sección Sindical de Bankia de UGT,

Sección Sindical de Bankia de ACCAM,

Sección Sindical de Bankia de SATE,

Sección Sindical de Bankia de CSICA,

Fondo de Garantía Salarial (Fogasa)

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 92/85/CEE – Sécurité et santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail – Article 10, points 1 et 3 – Interdiction de licenciement – Cas d’exception non liés à l’état de la travailleuse concernée – Article 10, point 2 – Préavis de licenciement – Directive 98/59/CE – Rapprochement des législations des États membres en matière de licenciements collectifs – Article 1er, paragraphe 1, sous a) – Licenciement pour des motifs non liés aux travailleurs individuels concernés »

1.

La sélection des travailleurs dont l’entreprise doit « se séparer » dans le cadre d’un licenciement collectif est toujours une opération délicate. Avant de pouvoir procéder à un tel licenciement collectif, l’entreprise devra, conformément aux exigences de la directive 98/59/CE ( 2 ), engager des consultations avec les représentants des travailleurs. D’aucuns estimeront que certaines catégories spécifiques de travailleurs devraient être protégées au cours de la procédure de licenciement collectif (en ce sens qu’elles devraient obtenir une priorité de maintien de leur emploi au cours de la procédure de sélection). Le personnel peut néanmoins comprendre d’autres catégories de travailleurs qui bénéficient d’une protection contre le licenciement par l’effet d’un autre instrument légal (par exemple, les travailleuses visées par la directive 92/85/CEE ( 3 ).

2.

Le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne) a adressé cette demande préjudicielle à la Cour afin que celle-ci interprète l’interdiction de licencier des travailleuses enceintes qui figure à l’article 10 de la directive « maternité ». Plus précisément, il souhaite savoir comment il convient d’interpréter cette interdiction à la lumière de la directive sur les licenciements collectifs en cas de procédure de licenciement collectif.

Cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive « maternité »

3.

L’exposé des motifs de la directive « maternité », qui est la dixième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE ( 4 ), explique qu’elle a été adoptée dans le but d’introduire des prescriptions minimales en vue de promouvoir l’amélioration, notamment du milieu de travail, pour protéger la sécurité et la santé des travailleuses enceintes, en particulier, qui doivent être considérées comme un groupe à risques spécifiques ( 5 ). La protection de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes ne doit pas défavoriser les femmes sur le marché du travail et ne doit pas porter atteinte aux directives en matière d’égalité de traitement entre hommes et femmes ( 6 ). Le risque d’être licenciées pour des raisons liées à leur état peut avoir des effets dommageables sur la situation physique et psychique des travailleuses enceintes, de sorte qu’il convient de prévoir une interdiction de licenciement ( 7 ).

4.

L’article 2, sous a), définit la « travailleuse enceinte » comme étant toute travailleuse enceinte qui informe l’employeur de son état, conformément aux législations ou pratiques nationales.

5.

La Commission européenne, en concertation avec les États membres et assistée du comité consultatif pour la sécurité, l’hygiène et la protection de la santé sur le lieu de travail, avait pour instruction d’établir des lignes directrices concernant l’évaluation des risques auxquels sont exposées les travailleuses visées par la directive « maternité » ( 8 ). Le lieu de travail et les tâches de la travailleuse enceinte doivent faire l’objet d’une évaluation ( 9 ). L’employeur doit aménager les conditions de travail ainsi que le temps de travail de la travailleuse enceinte afin de ne pas l’exposer à quelque risque qui aurait été identifié. Si un tel aménagement n’est pas possible, la travailleuse doit être affectée à un autre poste et, si cela n’est pas possible non plus, elle doit être dispensée de travail ( 10 ).

6.

L’article 10, intitulé « Interdiction de licenciement », dispose :

« En vue de garantir aux travailleuses, au sens de l’article 2, l’exercice des droits de protection de leur sécurité et de leur santé reconnus dans le présent article, il est prévu que :

1)

les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire le licenciement des travailleuses, au sens de l’article 2, pendant la période allant du début de leur grossesse jusqu’au terme du congé de maternité visé à l’article 8, paragraphe 1, sauf dans les cas d’exception non liés à leur état, admis par les législations et/ou pratiques nationales et, le cas échéant, pour autant que l’autorité compétente ait donné son accord ;

2)

lorsqu’une travailleuse, au sens de l’article 2, est licenciée pendant la période visée au point 1, l’employeur doit donner des motifs justifiés de licenciement par écrit ;

3)

les États membres prennent les mesures nécessaires pour protéger les travailleuses, au sens de l’article 2, contre les conséquences d’un licenciement qui serait illégal en vertu du point 1. »

7.

L’article 12 dispose que les États membres doivent incorporer dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour permettre à toute travailleuse qui s’estime lésée par le non-respect des obligations découlant de la directive « maternité » de faire valoir ses droits.

La directive sur les licenciements collectifs

8.

La directive sur les licenciements collectifs vise à renforcer la protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs en tenant compte de la nécessité d’un développement économique et social équilibré dans l’Union européenne ( 11 ). Son exposé des motifs explique que la mise en place du marché intérieur devrait entraîner une amélioration des conditions de vie des travailleurs et que les différences qui subsistent entre les dispositions en vigueur dans les États membres en ce qui concerne les modalités et la procédure des licenciements collectifs ainsi que les mesures susceptibles d’atténuer les conséquences de tels licenciements pour les travailleurs sont susceptibles d’avoir une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur ( 12 ).

9.

L’article 1er, paragraphe 1, sous a), qui figure dans la section I (« Définitions et champ d’application »), définit les « licenciements collectifs » comme étant les « licenciements effectués par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs lorsque le nombre de licenciements intervenus est, selon le choix effectué par les États membres :

i)

soit, pour une période de trente jours :

au moins égal à 10 dans les établissements employant habituellement plus de 20 et moins de 100 travailleurs,

au moins égal à 10 % du nombre des travailleurs dans les établissements employant habituellement au moins 100 et moins de 300 travailleurs,

au moins égal à 30 dans les établissements employant habituellement au moins 300 travailleurs ;

ii)

soit, pour une période de quatre-vingt-dix jours, au moins égal à 20, quel que soit le nombre des travailleurs habituellement employés dans les établissements concernés ;

[…]

Pour le calcul du nombre de licenciements prévus au premier alinéa, point a), sont assimilées aux licenciements les cessations du contrat de travail intervenues à l’initiative de l’employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs, à condition que les licenciements soient au moins au nombre de cinq » ( 13 ).

10.

La section II énonce les obligations de l’employeur en matière d’information et de consultation. Ainsi donc, lorsqu’un employeur envisage d’effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder, en temps utile, à des consultations avec les représentants des travailleurs en vue d’aboutir à un accord. Afin de permettre aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives, l’employeur est tenu, en temps utile au cours des consultations, de leur fournir tous renseignements utiles et de leur communiquer, en tout cas, par écrit : i) les motifs du projet de licenciement ; ii) le nombre et les catégories des travailleurs à licencier ; iii) le nombre et les catégories des travailleurs habituellement employés ; iv) la période au cours de laquelle il est envisagé d’effectuer les licenciements, et v) les critères envisagés pour le choix des travailleurs à licencier dans la mesure où les législations ou pratiques nationales en attribuent la compétence à l’employeur. Celui‑ci est tenu de transmettre par écrit une copie de ces éléments à l’autorité publique compétente ( 14 ).

11.

La procédure de licenciement collectif est décrite à la section III. Elle démarre avec la notification écrite de tout projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente ( 15 ). L’employeur est tenu de transmettre une copie de cette notification aux représentants des travailleurs ( 16 ). Les licenciements collectifs prennent effet au plus tôt 30 jours après la notification prévue à l’article 3, paragraphe 1, sans préjudice des dispositions régissant les droits...

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