Dawid Piotrowski.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:636
Docket NumberC-367/16
Celex Number62016CC0367
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date06 September 2017
62016CC0367

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 6 septembre 2017 ( 1 )

Affaire C‑367/16

Procédure pénale

contre

Dawid Piotrowski

[demande de décision préjudicielle formée par le hof van beroep te Brussel (cour d’appel de Bruxelles, Belgique)]

« Décision-cadre 2002/584/JAI-Mandat d’arrêt européen-Procédures de remise entre États membres-Motifs de non-exécution obligatoire du mandat d’arrêt européen-Mineur-Responsabilité pénale-Principe de la “préférence éducative”-Droit des enfants-Article 24, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »

1.

La présente demande de décision préjudicielle, formée par le hof van beroep te Brussel (cour d’appel de Bruxelles, Belgique), s’inscrit dans le cadre de l’exécution en Belgique d’un mandat d’arrêt européen émis le 17 juillet 2014 par les autorités polonaises à l’encontre de M. Dawid Piotrowski, ressortissant polonais résidant en Belgique, aux fins de l’exécution de deux peines d’emprisonnement.

2.

Plus précisément, dans cette affaire, la Cour est invitée, pour la première fois, à interpréter l’article 3, point 3, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres ( 2 ), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 ( 3 ) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »). Cette disposition prévoit un motif de non-exécution obligatoire du mandat d’arrêt européen lorsque la personne faisant l’objet de ce mandat ne peut, en raison de son âge, être tenue pénalement responsable des faits à l’origine dudit mandat selon le droit de l’État membre d’exécution.

3.

Dans les présentes conclusions, nous expliquerons pourquoi l’article 3, point 3, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que le motif de non-exécution obligatoire du mandat d’arrêt européen prévu à cette disposition ne s’applique pas du seul fait que l’auteur de l’infraction à l’encontre duquel a été émis ce mandat est mineur.

4.

Puis nous indiquerons les raisons pour lesquelles nous considérons que l’article 3, point 3, de cette décision-cadre, lu à la lumière de l’article 24, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 4 ), doit être interprété en ce sens que l’État membre d’exécution peut refuser la remise d’un mineur lorsque ce dernier, compte tenu de son âge au moment de la commission de l’infraction, ne peut se voir appliquer aucune peine en vertu du droit de cet État. En revanche, l’État membre d’exécution devra procéder à la remise du mineur chaque fois que, compte tenu de l’âge au moment de la commission de l’infraction, la peine encourue dans l’État membre d’émission correspond, dans sa nature et dans son ordre de grandeur, à une peine qui aurait également pu être encourue ou prononcée dans l’État membre d’exécution.

5.

Dans le cas d’un refus de remise du mineur par l’État membre d’exécution, ce dernier devra remplir, à l’égard de ce mineur, les obligations de prise en charge dans le cadre de l’assistance éducative à laquelle il est tenu.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

6.

Les considérants 5 à 8 et 10 de la décision-cadre 2002/584 sont rédigés de la manière suivante :

« (5)

L’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice conduit à supprimer l’extradition entre États membres et à la remplacer par un système de remise entre autorités judiciaires. Par ailleurs, l’instauration d’un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, aux fins d’exécution des jugements ou de poursuites, en matière pénale permet de supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d’extradition actuelles. Aux relations de coopération classiques qui ont prévalu jusqu’ici entre États membres, il convient de substituer un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale, tant pré-sentencielles que définitives, dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

(6)

Le mandat d’arrêt européen prévu par la présente décision-cadre constitue la première concrétisation, dans le domaine du droit pénal, du principe de reconnaissance mutuelle que le Conseil européen a qualifié de “pierre angulaire” de la coopération judiciaire.

(7)

Comme l’objectif de remplacer le système d’extradition multilatéral fondé sur la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres agissant unilatéralement et peut donc, en raison de sa dimension et de ses effets, être mieux réalisé au niveau de l’Union, le Conseil peut adopter des mesures, conformément au principe de subsidiarité tel que visé à l’article [3 TUE] et à l’article 5 [TUE]. Conformément au principe de proportionnalité, tel que prévu par ce dernier article, la présente décision-cadre n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

(8)

Les décisions relatives à l’exécution du mandat d’arrêt européen doivent faire l’objet de contrôles suffisants, ce qui implique qu’une autorité judiciaire de l’État membre où la personne recherchée a été arrêtée devra prendre la décision de remise de cette dernière.

[...]

(10)

Le mécanisme du mandat d’arrêt européen repose sur un degré de confiance élevé entre les États membres [...] »

7.

Aux termes de l’article 1er de cette décision-cadre, intitulé « Définition du mandat d’arrêt européen et obligation de l’exécuter » :

« 1. Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2. Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3. La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [TUE]. »

8.

L’article 3 de ladite décision-cadre énonce les motifs de non‑exécution obligatoire du mandat d’arrêt européen. Il dispose :

« L’autorité judiciaire de l’État membre d’exécution (ci-après dénommée “autorité judicaire d’exécution”) refuse l’exécution du mandat d’arrêt européen dans les cas suivants :

[...]

3)

si la personne qui fait l’objet du mandat d’arrêt européen ne peut, en raison de son âge, être tenue pénalement responsable des faits à l’origine de ce mandat selon le droit de l’État membre d’exécution. »

9.

Aux termes de l’article 15 de la décision-cadre 2002/584 :

« 1. L’autorité judiciaire d’exécution décide, dans les délais et aux conditions définis dans la présente décision-cadre, la remise de la personne.

2. Si l’autorité judiciaire d’exécution estime que les informations communiquées par l’État membre d’émission sont insuffisantes pour lui permettre de décider la remise, elle demande la fourniture d’urgence des informations complémentaires nécessaires, en particulier en relation avec les articles 3 à 5 et 8, et peut fixer une date limite pour leur réception, en tenant compte de la nécessité de respecter les délais fixés à l’article 17.

3. L’autorité judiciaire d’émission peut, à tout moment, transmettre toutes les informations additionnelles utiles à l’autorité judiciaire d’exécution. »

B. Le droit belge

10.

L’article 3, point 3, de la décision-cadre 2002/584 a été transposé, en droit belge, par l’article 4, point 3, de la wet betreffende het Europees aanhoudingsbevel (loi relative au mandat d’arrêt européen) du 19 décembre 2003 (ci-après la « loi relative au mandat d’arrêt européen ») ( 5 ). Cette disposition prévoit que l’exécution d’un mandat d’arrêt européen est refusée si la personne qui fait l’objet de ce mandat ne peut encore être, en vertu du droit belge, tenue pénalement responsable des faits à l’origine dudit mandat en raison de son âge.

11.

La juridiction de renvoi précise, à cet effet, que, en droit belge, l’âge de la responsabilité pénale a été fixé à 18 ans. Toutefois, la responsabilité pénale d’un mineur de plus de seize ans peut être engagée si ce dernier a commis des infractions routières ou si le juge de la jeunesse s’est dessaisi à son égard.

12.

En effet, en vertu de l’article 36, point°4, de la wet betreffende de jeugdbescherming, het ten laste nemen van minderjarigen die een als misdrijf omschreven feit hebben gepleegd en het herstel van de door dit feit veroorzaakte schade (loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait), du8 avril 1965 ( 6 ), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi relative à la protection de la jeunesse »), le familie- en jeugdrechtbank (tribunal de la famille et de la jeunesse, Belgique) connaît des réquisitions du ministère public à l’égard des personnes poursuivies du chef d’un fait qualifié d’infraction commis avant l’âge de 18 ans accomplis.

13.

L’article 57 bis, paragraphe 1, de cette loi indique que, si la personne déférée au familie- en jeugdrechtbank (tribunal de la famille et de la jeunesse), en raison d’un fait qualifié d’infraction, était âgée de seize ans ou plus au moment de ce fait et que le familie- en jeugdrechtbank (tribunal de la famille et de la jeunesse) estime inadéquate une...

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