Opinion of Advocate General Kokott delivered on 4 May 2017.
Jurisdiction | European Union |
ECLI | ECLI:EU:C:2017:351 |
Docket Number | C-106/16 |
Celex Number | 62016CC0106 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Date | 04 May 2017 |
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
MME JULIANE KOKOTT
présentées le 4 mai 2017 ( 1 )
Affaire C‑106/16
Polbud-Wykonawstwo sp. z o.o., en liquidation
[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne)]
« Recours préjudiciel – Liberté d’établissement – Articles 49 et 54 TFUE – Champ d’application – Transformation transfrontalière – Transfert du siège statutaire d’une société dans un autre État membre sans transfert du siège réel – Demande de radiation de la société du registre du commerce de l’État membre d’origine – Exigence de dissolution et de liquidation de la société – Protection des créanciers, des associés minoritaires et des salariés – Proportionnalité »
I – Introduction
1. |
La liberté d’établissement s’oppose-t-elle à la réglementation d’un État membre qui interdit à une société constituée selon le droit de cet État de se transformer en une société relevant du droit d’un autre État membre ? |
2. |
Telle est, en substance, la question à laquelle la Cour est invitée à répondre dans le cadre du présent renvoi préjudiciel. Elle est soulevée dans le contexte du souhait d’une société polonaise à responsabilité limitée de prendre la forme juridique d’une société de droit luxembourgeois tout en préservant son identité juridique. La radiation de la société du registre du commerce en Pologne, nécessaire à cette fin, se heurte toutefois au droit de cet État membre qui exige la liquidation et la dissolution préalables de la société. |
3. |
Dans ce contexte, la Cour a l’occasion de préciser l’étendue du champ d’application de la liberté d’établissement et de clarifier une question d’importance fondamentale. Il s’agit en effet de décider si cette liberté fondamentale garantit à une société constituée selon le droit d’un État membre non seulement le libre choix du lieu où, au sein de l’Union européenne, elle exerce ses activités économiques, mais également, et indépendamment de cela, si elle lui garantit aussi le changement transfrontalier de sa forme juridique. |
4. |
L’affaire complétera la série des arrêts bien connus de la Cour concernant la mobilité transfrontalière des sociétés ( 2 ). Il semble en effet que peu de domaines du droit de l’Union ont autant suscité la passion de la doctrine et ont été fouillés aussi intensément. Ou encore, pour citer Karl Valentin ( 3 ), eu égard à la quantité impressionnante de contributions en la matière ( 4 ): « Tout a déjà été dit, mais pas encore par tout le monde. » |
5. |
C’est à présent à nouveau à la Cour qu’il revient de trancher. |
II – Le cadre juridique
A – Le droit de l’Union
6. |
Le cadre juridique dans lequel s’inscrit la présente affaire en droit de l’Union est déterminé par la liberté d’établissement prévue aux articles 49 et 54 TFUE. |
B – Le droit polonais
7. |
L’article 270 du Kodeks spółek handlowych polonais (code des sociétés commerciales, ci-après le « KSH ») dispose ce qui suit : « La dissolution de la société intervient : […]
[…]. » |
8. |
L’article 272 du KSH est ainsi rédigé : « La dissolution de la société intervient à la suite de la liquidation, lors de sa radiation du registre. » |
9. |
L’article 288, paragraphe 1, du KSH prévoit que le bilan de clôture de la société est déposé au siège de celle-ci après son approbation par l’assemblée des associés et après la clôture de la liquidation, et est soumis au tribunal d’enregistrement avec la demande de radiation de la société. Le bilan est réalisé à la date du jour précédant le partage entre les associés des éléments d’actifs résiduels après le désintéressement des créanciers ou l’octroi de garanties en leur faveur. |
10. |
Les articles 551 à 568 du KSH régissent la transformation des sociétés. Dans ce contexte, l’article 562, paragraphe 1, du KSH précise que la transformation d’une société de capitaux requiert une résolution correspondante des associés ou de l’assemblée générale. |
11. |
L’article 17 de l’Ustawa – Prawo prywatne międzynarodowe (loi relative au droit international privé), du 4 février 2011 (ci-après la « PPM »), énonce notamment ce qui suit : « 1. La personne morale est régie par le droit de l’État de situation de son siège social. 2. Toutefois, lorsque le droit désigné par les dispositions du paragraphe 1 prévoit l’application du droit de l’État selon lequel la personne morale a été constituée, le droit de cet État est applicable. […] » |
12. |
L’article 19 de la PPM dispose ce qui suit : « 1. À la date du transfert de son siège social dans un autre État, la personne morale est soumise au droit de cet État. La personnalité morale acquise dans l’État du siège social précédent est conservée si le droit de chacun des États concernés le prévoit. Le transfert du siège social au sein de l’Espace économique européen n’entraîne pas la perte de la personnalité. 2. La fusion de personnes morales ayant leur siège social dans différents États exige la réalisation des conditions définies par le droit de ces États. » |
III – Le litige au principal et la procédure devant la Cour
13. |
Polbud-Wykonawstwo sp. z o.o. (ci-après « Polbud ») est une société à responsabilité limitée de droit polonais établie à Łącko (Pologne). Par une résolution du 30 septembre 2011, ses associés ont décidé, en application de l’article 270, point 2, du KSH, de transférer le « siège de la société » au Grand-Duché de Luxembourg. Le lieu de l’exercice effectif de l’activité économique restait inchangé. |
14. |
Sur le fondement de cette résolution, le 19 octobre 2011, Polbud a demandé l’ouverture de la procédure de liquidation auprès du tribunal d’enregistrement compétent. Celle-ci a été inscrite au registre du commerce le 26 octobre 2011 et un liquidateur a été désigné. |
15. |
Le 28 mai 2013, l’assemblée des associés de Polbud est convenue devant notaire à Rambrouch (Luxembourg) de mettre en œuvre la résolution adoptée au mois de septembre 2011 relative au transfert du siège et de transférer le siège de la société au Luxembourg avec effet à ce jour, sans mettre un terme à sa personnalité juridique ni constituer une nouvelle personne morale. En outre ont notamment été prises les décisions d’adopter la forme juridique d’une société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois, de changer de nom en optant pour Consoil Geotechnik Sàrl. (ci-après « Consoil ») et de procéder à la refonte des statuts. Sur cette base, Consoil a été inscrite le 14 juin 2013 au registre des sociétés luxembourgeois ( 5 ). |
16. |
À la suite de cela, le 24 juin 2013, Polbud a déposé auprès du tribunal d’enregistrement en Pologne une demande de radiation du registre du commerce. Polbud n’a pas donné suite à la décision du tribunal l’invitant à produire les preuves requises quant à la dissolution et à la liquidation de la société. En revanche, Polbud a indiqué qu’elle avait transféré son siège au Luxembourg, où elle poursuivait son existence en tant que société relevant du droit de cet État membre. |
17. |
Par décision du 19 septembre 2013, le tribunal d’enregistrement a rejeté la demande de radiation. Les recours introduits contre cette décision ont été rejetés tant en première qu’en deuxième instances. |
18. |
La société s’est finalement tournée vers le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) par un recours en cassation introduit le 4 juin 2014. Elle allègue qu’à la date du transfert du siège au Luxembourg, elle a perdu son statut personnel de droit polonais et est devenue une société de droit luxembourgeois. À cette date, la procédure de liquidation de la société était terminée et la société aurait dû être radiée du registre polonais. |
19. |
Le Sąd Najwyższy (Cour suprême) nourrit des doutes sur le point de savoir si le refus de radier la société du registre du commerce parce que les conditions prévues à cet égard par le droit polonais ne sont pas remplies est contraire à la liberté d’établissement garantie par le droit de l’Union. Il a donc saisi la Cour, le 22 octobre 2015, des questions préjudicielles suivantes au titre de l’article 267 TFUE :
En cas de réponse négative :
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