Opinion of Advocate General Bobek delivered on 7 November 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:940
Celex Number62018CC0659
CourtCourt of Justice (European Union)
Date07 November 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 7 novembre 2019(1)

Affaire C659/18

VW

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de Instrucción Nº 4 de Badalona (Juge d’instruction nº 4 de Badalona, Espagne)]

« Coopération judiciaire en matière pénale – Directive 2013/48/UE – Article 2 – Champ d’application – Article 3 – Droit d’accès à un avocat – Non-comparution après la citation à comparaître – Mandat d’arrêt national – Dérogations temporaires – Article 8 – Circonstances dans lesquelles l’assistance d’un avocat peut être retardée »






I. Introduction

1. Les origines de la profession d’avocat remontent à la Grèce antique et à Rome (2). Toutefois, le droit des personnes faisant l’objet d’une procédure pénale à bénéficier de plein droit de l’assistance d’un avocat est une innovation relativement moderne qui date des XVIIIe et XIXe siècles (3).

2. De nos jours, le droit d’accès à un avocat (également appelé dans certains pays « droit à un avocat ») dans le cadre des procédures pénales est considéré comme un élément essentiel des droits de la défense et, plus généralement, du droit à un procès équitable (4). Il est notamment consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »), à l’article 6, paragraphe 3, sous c), de la convention européenne des droits de l’homme (ci‑après la « CEDH ») et à l’article 14, paragraphe 3, sous b), du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (5).

3. La présente affaire invite la Cour à préciser l’étendue du droit d’accès à un avocat prévu par la directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires (6). La question particulière soumise à la Cour peut être résumée comme suit : l’exercice du droit d’accès à un avocat peut-il être retardé jusqu’à ce que le suspect comparaisse en personne devant le juge si, après avoir été préalablement cité à comparaître par ce dernier et ne l’ayant pas fait, un mandat d’arrêt (national) a été émis contre lui ?

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union européenne

4. Les considérants 12, 19 et 38 de la directive 2013/48 sont libellés comme suit :

« (12) La présente directive définit des règles minimales concernant le droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures visant à exécuter un mandat d’arrêt européen […]. Ce faisant, elle favorise l’application de la Charte, et notamment de ses articles 4, 6, 7, 47 et 48, en s’appuyant sur les articles 3, 5, 6 et 8 de la CEDH tels qu’ils sont interprétés par la [Cour EDH], qui, dans sa jurisprudence, fixe régulièrement des normes relatives au droit d’accès à un avocat. Cette jurisprudence prévoit notamment que l’équité de la procédure requiert qu’un suspect ou une personne poursuivie puisse obtenir toute la gamme d’interventions qui sont propres à l’assistance juridique. À cet égard, les avocats des suspects ou des personnes poursuivies devraient être en mesure d’assurer sans restriction les aspects fondamentaux de la défense.

[…]

(19) Les États membres devraient veiller à ce que les suspects ou les personnes poursuivies aient le droit d’avoir accès à un avocat, sans retard indu, conformément à la présente directive. […]

[…]

(38) Les États membres devraient énoncer clairement, dans leur droit national, les motifs et les critères de toute dérogation temporaire aux droits prévus au titre de la présente directive, et ils devraient en faire un usage limité. Toute dérogation temporaire devrait être proportionnée, avoir une durée strictement limitée, ne pas être fondée exclusivement sur la nature ou la gravité de l’infraction alléguée et ne pas porter atteinte à l’équité globale de la procédure. […] »

5. L’article premier de la directive 2003/87, intitulé « Objet », dispose :

« La présente directive définit des règles minimales concernant les droits dont bénéficient les suspects et les personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales, ainsi que les personnes faisant l’objet d’une procédure en application de la décision-cadre 2002/584/JAI (ci‑après dénommée ‘procédure relative au mandat d’arrêt européen’), d’avoir accès à un avocat […] ».

6. L’article 2, paragraphe 1, de cette même directive, intitulé « Champ d’application » prévoit :

« La présente directive s’applique aux suspects ou aux personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales, dès le moment où ils sont informés par les autorités compétentes d’un État membre, par notification officielle ou par tout autre moyen, qu’ils sont soupçonnés ou poursuivis pour avoir commis une infraction pénale, qu’ils soient privés de liberté ou non. Elle s’applique jusqu’au terme de la procédure, qui s’entend comme la détermination définitive de la question de savoir s’ils ont commis l’infraction pénale, y compris, le cas échéant, la condamnation et la décision rendue sur tout appel. »

7. Aux termes de l’article 3 de la directive 2013/48, intitulé « Le droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales »,

« 1. Les États membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies disposent du droit d’accès à un avocat dans un délai et selon des modalités permettant aux personnes concernées d’exercer leurs droits de la défense de manière concrète et effective.

2. Les suspects ou les personnes poursuivies ont accès à un avocat sans retard indu. En tout état de cause, les suspects ou les personnes poursuivies ont accès à un avocat à partir de la survenance du premier en date des événements suivants :

a) avant qu’ils ne soient interrogés par la police ou par une autre autorité répressive ou judiciaire ;

b) lorsque des autorités chargées des enquêtes ou d’autres autorités compétentes procèdent à une mesure d’enquête ou à une autre mesure de collecte de preuves conformément au paragraphe 3, point c) ;

c) sans retard indu après la privation de liberté ;

d) lorsqu’ils ont été cités à comparaître devant une juridiction compétente en matière pénale, en temps utile avant leur comparution devant ladite juridiction.

3. Le droit d’accès à un avocat comprend les éléments suivants :

a) les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies aient le droit de rencontrer en privé l’avocat qui les représente et de communiquer avec lui, y compris avant qu’ils ne soient interrogés par la police ou par une autre autorité répressive ou judiciaire ;

b) les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies aient droit à la présence de leur avocat et à la participation effective de celui‑ci à leur interrogatoire. Cette participation a lieu conformément aux procédures prévues par le droit national, à condition que celles‑ci ne portent pas atteinte à l’exercice effectif et à l’essence même des droits concernés. […] ;

c) les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies aient droit au minimum à la présence de leur avocat lors des mesures d’enquête ou des mesures de collecte de preuves suivantes, lorsque ces mesures sont prévues par le droit national et si le suspect ou la personne poursuivie est tenu d’y assister ou autorisé à y assister :

i) séances d’identification des suspects ;

ii) confrontations ;

iii) reconstitutions de la scène d’un crime.

[…]

5. Dans des circonstances exceptionnelles et au cours de la phase préalable au procès pénal uniquement, les États membres peuvent déroger temporairement à l’application du paragraphe 2, point c), lorsqu’il est impossible, en raison de l’éloignement géographique d’un suspect ou d’une personne poursuivie, d’assurer le droit d’accès à un avocat sans retard indu après la privation de liberté.

6. Dans des circonstances exceptionnelles et au cours de la phase préalable au procès pénal uniquement, les États membres peuvent déroger temporairement à l’application des droits prévus au paragraphe 3 dans la mesure où cela est justifié, compte tenu des circonstances particulières du cas d’espèce, sur la base d’un des motifs impérieux suivants :

a) lorsqu’il existe une nécessité urgente de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne ;

b) lorsqu’il est impératif que les autorités qui procèdent à l’enquête agissent immédiatement pour éviter de compromettre sérieusement une procédure pénale. »

8. L’article 8, paragraphe 1, de la directive 2013/48, intitulé « Conditions générales de l’application des dérogations temporaires », dispose :

« Une dérogation temporaire prévue à l’article 3, paragraphes 5 ou 6, ou à l’article 5, paragraphe 3, doit :

a) être proportionnée et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire ;

b) avoir une durée strictement limitée ;

c) ne pas être fondée exclusivement sur la nature ou sur la gravité de l’infraction alléguée ; et

d) ne pas porter atteinte à l’équité générale de la procédure. »

B. Le droit espagnol

9. L’article 24, paragraphes 1 et 2, de la Constitution espagnole est libellé comme suit :

« 1. Toute personne a droit à la protection effective des juges et des tribunaux dans l’exercice de ses droits et intérêts légitimes, sans qu’il puisse jamais être porté atteinte à ses droits de la défense.

2. De même, toute personne a droit au juge ordinaire déterminé par la loi, de se défendre et d’être assistée par un avocat, d’être informée de l’objet de la poursuite, à un procès public sans délais indus et avec toutes les garanties, d’utiliser les moyens de preuve pertinents pour se défendre, de ne pas déclarer contre soi-même, de ne pas s’avouer coupable et d’être présumée innocente. […] »

10. L’article 118, paragraphe 1, de la Ley de Enjuiciamiento Criminal (code de procédure...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT